Les plans de paix pour l’est de la RDC doivent prioriser l’aide humanitaire

Les cessez-le-feu et les objectifs de sécurité sont de toute évidence prioritaires, mais il est essentiel d’aider les réfugiés pour parvenir à la paix.

Depuis les années 1990, une crise humanitaire aux multiples facettes sévit en République démocratique du Congo (RDC). Elle s’est aggravée au cours des deux dernières années avec la multiplication et l’amplification des conflits, notamment dans l’est du pays. Des millions de personnes ont fui de chez elles, ce qui a créé une forte demande d’aide humanitaire.

La RDC compte la plus grande population de personnes déplacées à l’intérieur de l’Afrique, soit 5,7 millions au 22 février. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires affirme que plus de 10 millions de personnes ont besoin d’aide de toute urgence.

Dans la province du Nord-Kivu, située dans l’est du pays, plus de 12 attaques ont été lancées par le groupe rebelle Mouvement du 23 mars (M23) contre les Forces armées de la RDC (FARDC) depuis novembre 2021. Le M23 est resté inactif pendant neuf ans, à l’exception de quelques incidents sporadiques, mais sa résurgence menace désormais les FARDC et les communautés locales.

Les initiatives de paix récemment négociées ont donné peu de résultats concrets. Les attaques du M23 vont probablement se poursuivre, exerçant une pression financière et politique sur le gouvernement de la RDC avant les élections présidentielles de décembre. Tout cela n’est pas de bon augure pour la résolution de la crise humanitaire.

Les interventions militaires augmentent la violence, les déplacements et les violations des droits humains

Un rapport publié en 2021 par le Conseil norvégien pour les réfugiés a révélé que les déplacements en RDC constituaient la crise la plus ignorée au monde dans ce domaine en raison d’un financement insuffisant, d’une couverture médiatique limitée et d’un manque d’initiatives diplomatiques internationales. En 2021 et 2022, la situation des réfugiés en RDC s’est retrouvée au premier rang des crises africaines du même type. Malgré sa gravité, le problème a été éclipsé par d’autres catastrophes dans le monde, entravant ainsi l’obtention de ressources et sa prise en compte.

Bien que la Communauté d’Afrique de l’Est, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et les Nations unies (par le biais de la force de maintien de la paix MONUSCO) aient tenté de remédier au problème, la situation a peu évolué. Ces initiatives s’appuient sur des approches militarisées au détriment de solutions politiques et de l’aide humanitaire.

Les résultats à court terme obtenus par les opérations des forces de sécurité ont eu des conséquences négatives. Les experts estiment que le fait de se concentrer sur les interventions militaires ferme la porte aux solutions politiques et nuit à la perception de l’impartialité de l’ONU. Cette approche accroît également les risques pour les civils et détourne les ressources des activités non militaires. Elle n’a pas permis de s’attaquer aux causes profondes du conflit ni à la crise humanitaire.

Les conséquences sont particulièrement néfastes dans les zones de conflit où les civils sont les plus vulnérables. Les interventions des forces de sécurité entraînent souvent une augmentation de la violence, des déplacements et des violations des droits humains.

Les efforts de paix régionaux doivent privilégier la protection des civils et la stabilité à long terme

Les facteurs politiques, sociaux et économiques qui alimentent les conflits doivent être pris en compte, en mettant davantage l’accent sur les initiatives humanitaires et diplomatiques. Les efforts de paix régionaux doivent se concentrer sur des stratégies durables qui privilégient la protection des civils et la stabilité à long terme.

Outre la protection des civils, la MONUSCO supervise toutes les opérations humanitaires des Nations unies et des pays étrangers dans la région. Mais les attaques de groupes armés violents contre le personnel et les véhicules de l’ONU les entravent, et l’accès aux zones et aux populations touchées est restreint. De plus, la population locale est hostile à certaines organisations humanitaires.

Le plan d’action pour la période 2021-2023 de la RDC prévoit de maintenir l’unité nationale et le respect des droits humains. Le gouvernement s’engage à mettre en œuvre des programmes de développement pour réduire la pauvreté et à promouvoir l’intégration politique et la consolidation de la paix.

Cependant, dans l’est, le pays est toujours le théâtre d’un grand nombre de violations des droits humains et d’abus ainsi que d’atteintes au droit humanitaire international, commis par toutes les parties du conflit. La violence intercommunautaire, alimentée par des discours haineux véhiculés par les médias sociaux, exacerbe le problème et étouffe les initiatives humanitaires.

La force de la Communauté d’Afrique de l’Est doit se concentrer sur les zones accueillant le plus de personnes déplacées

La question des personnes déplacées internes était à l’ordre du jour du sommet de l’Union africaine en février dernier. Les dirigeants se sont inquiétés de l’obstruction de l’accès humanitaire et de l’urgence de remédier à la crise des réfugiés dans l’est de la RDC. Le mini sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est qui s’est tenu le 17 février et les processus de paix de Luanda et de Nairobi ont également permis de discuter de la situation, et de mentionner le retour volontaire des personnes déplacées et des réfugiés.

Cependant, l’absence d’un cessez-le-feu durable et de garanties de sécurité empêche toute forme de retour sécurisé. Les solutions diplomatiques n’ont rien donné, et comme la situation sur le terrain reste instable, la crise humanitaire s’aggrave.

Jusqu’à présent, les initiatives de paix ont été inefficaces parce qu’elles ne prévoient pas de mécanismes de surveillance, de rapports, de résolution des conflits et d’obligation de rendre des comptes en cas de violations. Si les objectifs de sécurité absolue continuent de faire l’objet de la plus grande attention, le problème des réfugiés est un élément déterminant pour trouver des solutions durables, et il doit être réglé.

Une solution à long terme qui assure la sécurité des personnes déplacées et des réfugiés nécessite des efforts politiques et diplomatiques soutenus. Top of FormBottom of FormLe gouvernement de la RDC doit donner la priorité à l’acheminement de l’aide et assurer la protection des travailleurs humanitaires. L’accès humanitaire et la coordination doivent également être améliorés.

La force de la Communauté d’Afrique de l’Est doit être pleinement activée. Elle doit se concentrer sur le retrait des groupes armés des zones où se trouve le plus grand nombre de personnes déplacées afin de faciliter l’accès humanitaire. La force doit également prioriser la sécurité des convois humanitaires pour permettre l’acheminement de l’aide en toute sécurité.

Bien que la MONUSCO ait un rôle de coordination de l’action humanitaire, les organisations d’aide locales doivent être impliquées. Ces organisations disposent des ressources nécessaires pour améliorer l’accès aux zones où les populations sont hostiles aux agences de l’ONU et permettent de développer des solutions adaptées au contexte.

Il est primordial d’accorder à l’aide humanitaire l’attention et les ressources adéquates dans le cadre des initiatives de paix régionales pour instaurer la paix en RDC.

Margaret Monyani, chercheuse principale, Migration, et Remadji Hoinathy, chercheur principal, Afrique centrale et région des Grands Lacs, ISS Pretoria

Image : © CSN Media

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