Joe Raedle/Getty Images

Rwanda – RDC : l’accord américain ouvrira-t-il la voie à la paix ?

Les luttes de pouvoir entre le président Tshisekedi et l'ancien président Kabila risquent de compliquer les négociations déjà difficiles avec le M23.

Les efforts récents pour résoudre la crise du M23 dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ont pris un nouveau tournant. Après l'échec des pourparlers de Luanda menés par l'Angola à la mi-décembre 2024, une tentative conjointe de la Communauté de l'Afrique de l'Est et de la Communauté de développement de l'Afrique australe visant à fusionner les processus de Luanda et de Nairobi a commencé début 2025.

Cependant, c'est finalement le Qatar qui a facilité le dialogue de Doha en avril entre Kinshasa et le groupe rebelle M23 avec son allié politique, l'Alliance Fleuve Congo (AFC). Puis, le 27 juin, les pourparlers régionaux dirigés par les États-Unis ont abouti à un accord de paix entre la RDC et le Rwanda.

Les négociations menées sous l'égide des États-Unis doivent garantir le retrait des forces rwandaises de l'est de la RDC et mettre fin au soutien du Rwanda à l'AFC/M23. Elles ont été motivées par l'engagement de la RDC à neutraliser le groupe armé Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), principal problème de sécurité du Rwanda dans l'est de la RDC. 

L'accord, malgré son importance, est critiqué. Il s’agit en réalité d’un échange commercial de la souveraineté congolaise contre l'accès des États-Unis à des minerais essentiels, dans le cadre d'une forme transactionnelle de médiation pour la paix. Les négociations précédentes sur le retrait du Rwanda en échange de mesures contre les FDLR avaient échoué après avoir été violées à plusieurs reprises, conduisant à une flambée de violence.

Le plan de neutralisation des FDLR et de retrait du Rwanda, initié dans le cadre du processus de Luanda avant la prise de contrôle de Goma et de Bukavu par le M23, est dépassé. Il ne traite pas des opérations militaires contre les FDLR dans les territoires contrôlés par les rebelles, ni de la présence du Rwanda et des rebelles loin des zones d'influence des FDLR.

Les efforts du Congo et des États-Unis pour obtenir le retrait du Rwanda avant la signature de l'accord ont échoué, conditionnant le retrait du Rwanda à la mise en place de mesures anti-FDLR. Compte tenu de l'ancrage profond des FDLR et de l'absence de critères clairs pour leur « neutralisation », l'occupation rwandaise et rebelle risque donc de se prolonger.

L'AFC/M23 privilégie un règlement politique qui lui assure une influence à long terme

Les dirigeants de l'AFC/M23 ont qualifié l'accord de paix entre le Rwanda et la RDC de « mesure utile, mais limitée ». Cet accord a pour objectif de faciliter un règlement avec l'AFC/M23, que Kinshasa espère signer avant le sommet des chefs d'État à Washington en juillet. Le M23 a annoncé de nouvelles séries de pourparlers, malgré le manque d’avancée. L'AFC/M23 accuse la RDC de refuser toute concession, tandis que Kinshasa s'interroge sur la volonté des rebelles de se retirer.

Bien que l'AFC/M23 affirme que des mesures de confiance sont nécessaires pour entamer les négociations, il privilégie en fin de compte un règlement politique qui garantisse son influence à long terme dans l'est de la RDC. Kinshasa préfère toutefois l'intégration des rebelles au cas par cas, considérant l'AFC/M23 comme largement redevable aux intérêts rwandais, une évaluation régulièrement confirmée par les rapports des Nations unies.

Cependant, le retrait du Rwanda, bien qu’indispensable au processus de paix national, pourrait également enterrer les chances d’un arrangement, car le soutien du Rwanda a été essentiel au M23 dans toutes les négociations. 

Les complexités politiques du pays rendent les pourparlers de paix difficiles, en particulier depuis la réapparition de l'ancien président Joseph Kabila. Les relations entre le président Félix Tshisekedi et l'AFC/M23, façonnées par les luttes de pouvoir en RDC avec Kabila, sont tendues. 

Bien qu'un accord avec Kabila ait porté Tshisekedi au pouvoir en 2019, le contrôle politique est resté en grande partie entre les mains de Kabila. Pour le compenser, Tshisekedi s'est appuyé sur la diplomatie régionale. Il a renforcé la coopération économique et sécuritaire avec le Rwanda et engagé le dialogue avec les dirigeants exilés du M23. Lorsqu'il a rompu l’accord avec Kabila en 2020 et consolidé son pouvoir, la coopération avec le Rwanda et le dialogue avec le M23 se sont interrompus, provoquant la résurgence du groupe en novembre 2021.

La rupture de cet arrangement de partage du pouvoir a incité Corneille Nangaa, ancien président de la commission électorale et facilitateur de l'accord de 2019, à former l'AFC, alliée du M23. Kinshasa a alors durci sa position et affermi son refus de négocier et ses efforts visant à affaiblir Kabila, en exil, considéré comme l'architecte de l'alliance AFC/M23.

Kabila pourrait utiliser la crise du M23 pour réaffirmer son importance politique

Fin 2024, Kabila a refait surface et s'est opposé aux réformes constitutionnelles proposées par Tshisekedi. Avec son compatriote le politicien katangais Moïse Katumbi, ils ont lancé des appels en faveur d'un dialogue national aux côtés de figures de l'opposition comme Martin Fayulu, qui avait été écarté par l'accord de partage du pouvoir conclu entre Kabila et Tshisekedi en 2019.

Kinshasa a utilisé des moyens juridiques et politiques contre Kabila. Il est revenu en RDC en mai 2025 en transitant par l’est contrôlé par les rebelles, où il réside toujours.

Les motivations de Kabila restent incertaines, entre un désir sincère de paix et l’attrait de gains personnels et politiques. Il se positionne comme un acteur clé dans un éventuel processus de paix en engageant des dialogues avec les communautés locales, les chefs religieux et traditionnels et les autorités rebelles dans l'est de la RDC.

Inspiré par le Dialogue inter-congolais qui a mis fin à la deuxième guerre du Congo en 2002, Kabila espère qu'un dialogue national renouvellera les négociations politiques et annulera les mesures politiques et juridiques prises à son encontre et à celle de sa famille et de ses alliés.

L'initiative de paix de la Conférence épiscopale nationale du Congo-Église du Christ au Congo (CENCO-ECC) constitue un cadre propice à un tel dialogue. Elle propose un large dialogue sur les causes profondes du conflit dans l'Est qui impliquerait les groupes rebelles.

Cependant, le gouvernement cherche à exclure l'AFC/M23 et ses alliés. Encouragé par la récente initiative de Fayulu pour former un « camp de la Patrie », Tshisekedi articule le dialogue national autour d'une division entre un « front républicain » et un « front rebelle » lié au Rwanda, l'AFC/M23 et Kabila. Il espère que l'accord de paix avec le Rwanda renforcera sa position au niveau national et conduira à un gouvernement d'union nationale opposé à la balkanisation du pays.

Il faut tirer les leçons des échecs des accords de paix passés

Les relations de Kabila avec le M23 et le Rwanda restent ambiguës. Si les deux parties peuvent le considérer comme utile pour gagner en influence, les expériences passées les incitent à la prudence. Il manque également de soutien régional. Le chef militaire ougandais Muhoozi Kainerugaba a récemment reproché à Kabila d'être responsable de l'instabilité régionale et s'est opposé à son appel au retrait des forces étrangères. L'Ouganda a plutôt signé un accord bilatéral élargissant les opérations militaires dans l'est de la RDC, s'alignant ainsi sur Tshisekedi malgré la position ambiguë de l'Ouganda vis-à-vis du M23. 

Si Kabila peut utiliser la crise du M23 pour réaffirmer son importance politique, l'approche de Tshisekedi semble répondre à une volonté de le marginaliser. Il en résulte une aggravation de la fragmentation politique qui pourrait compromettre les perspectives de paix.

Pourtant, l'alternative, une large inclusion politique, comporte également des risques, car elle pourrait légitimer la violence des insurgés et leur apporter des avantages politiques. La question de l'inclusion doit être abordée avec prudence, en tirant les leçons des accords de paix passés qui ont donné la priorité à l'intégration, mais n'ont pas réussi à résoudre les problèmes de fond. 

Pour que l'accord entre le Rwanda et la RDC ouvre la voie à la paix, sa mise en œuvre doit être rigoureuse, ce qui nécessite un engagement et une pression soutenus de la part des États-Unis.

Les efforts de paix doivent également reconnaître la nature profondément politique de la crise dans l'est de la RDC. Ils doivent notamment prendre en compte les conséquences de l'échec de l'accord de partage du pouvoir entre Kabila et Tshisekedi, l’augmentation de la polarisation, le recul de la démocratie et la détérioration de la gouvernance.

Néanmoins, le processus de Doha et en particulier l'initiative CENCO-ECC ne doivent pas être politisés par la lutte entre Kabila et Tshisekedi. Un dialogue national dirigé par la CENCO-ECC pourrait examiner comment la violence insurrectionnelle et la politique sont devenues si étroitement liées, permettant ainsi de passer d'une culture d'impunité à une voie vers la justice, la responsabilité et la paix.

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigéria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigéria qui souhaitent republier des articles ou faire une demande concernant notre politique de publication sont invités à nous écrire.

Partenaires de développement
L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié