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La « diplomatie » du dollar du Maroc porte ses fruits

De plus en plus de pays soutiennent le plan d’autonomie de Rabat pour le Sahara occidental, à l’instar de Jacob Zuma.

La visite de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma au Maroc et son soutien à la proposition marocaine d’un statut de région autonome pour le Sahara occidental ont ravivé la controverse.

Président du parti uMkhonto weSizwe (MK), Zuma a rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Rabat la semaine dernière. Zuma a créé le MK avant les élections nationales sud-africaines de l’année dernière, alors que le Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir, s’apprêtait à l’expulser. Le MK ayant recueilli 15 % des voix, l’ANC a perdu sa majorité pour la première fois depuis 1994.

Le MK a longuement expliqué l’abandon de la revendication d’indépendance sahraouie que Zuma défendait lorsqu’il était président et que l’ANC continue à défendre avec vigueur. Le MK invoque le panafricanisme, la solidarité anticolonialiste, l’hégémonie traditionnelle, l’intégrité territoriale et la souveraineté. L’argument anticolonial est paradoxal, l’ANC considérant la revendication du Maroc sur le Sahara occidental comme du colonialisme. L’ANC soutient les efforts des Nations unies pour l’organisation d’un référendum.

Le Maroc et le Sahara occidental

Le Maroc et le Sahara occidental

 

Malgré la rhétorique, la plupart des critiques de Zuma et du Maroc, dont l’ancien secrétaire général du MK, Floyd Shivambu et le secrétaire de l’ANC, Fikile Mbalula, soupçonnent Zuma et le MK d’avoir reçus des pots-de-vin.

Cette hypothèse est fort probable compte tenu des antécédents de corruption de Zuma lorsqu’il était président. Ces mêmes détracteurs estiment que les intérêts matériels sont la principale raison du revirement progressif des États sur la question.

« Je ne suis pas surpris par la décision de Zuma sachant que le Maroc recourt souvent à des pratiques de corruption », a déclaré un ancien diplomate sud-africain à ISS Today. Il est tombé dans les manœuvres du Maroc pour rallier les pays africains à sa cause. »

Zuma et le MK sont soupçonnés d’avoir reçus des pots-de-vin

Le soutien de Zuma ne change rien mais sème la confusion, ce qui est certainement l’intention du Maroc ». Le diplomate retraité ne pense pas que le gouvernement sud-africain ou l’ANC changeront de position « de sitôt ».

Le fait que le Maroc a traité Zuma comme un ministre des Affaires étrangères, avait sans doute pour intention d’embarrasser Pretoria, un des plus fervents défenseurs africains de l’indépendance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ou de l’amener à modifier sa position.

Chrispin Phiri, porte-parole du ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, a confié à ISS Today : « Notre politique étrangère repose sur nos valeurs constitutionnelles et nos intérêts nationaux durables, et non sur les manœuvres politiques.

» Il est essentiel de distinguer les aspirations personnelles de Zuma et de sa faction politique des aspirations nationales. Confondre les deux serait une erreur monumentale. Zuma et son parti opèrent comme des acteurs non étatiques ».

On ignore combien d’États soutiennent le plan d’autonomie du Maroc. Cependant, Rabat bénéficie d’un soutien international croissant, notamment celui des États-Unis, de la France, de l’Espagne, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et, récemment, du Portugal.

Le Maroc a remporté une victoire lorsque le Kenya et le Ghana ont annoncé leur soutien

Il est plus difficile de savoir ce qu’il en est en Afrique, même si le Maroc gagne du terrain. Selon les indications des experts et des médias, 23 pays l’approuveraient (la plupart en Afrique de l’Ouest), contre 18 pays (principalement en Afrique australe) qui soutiendraient l’indépendance du Sahara occidental ou au moins le droit à un référendum.

Le Maroc a remporté une victoire importante en mai lorsque le Kenya, partisan de longue date du droit à l’autodétermination de la RASD, a exprimé son soutien à Rabat. Le Ghana lui a emboîté le pas en juin.

Le Front Polisario qui gouverne la RASD a également gagné quelques points. Cette année, l’Algérie, son principal défenseur, a battu le Maroc à deux reprises à l’Union africaine (UA), en obtenant la vice-présidence et en conservant le siège de l’Afrique du Nord au Conseil de paix et de sécurité.

L’ancien diplomate sud-africain s’est dit surpris du revirement du Kenya et du Ghana. Il a ajouté que « les pays devraient avoir à cœur l’unité africaine, qui est l’un des principes fondamentaux de l’UA ».

Liesl Louw-Vaudran, spécialiste de l’UA à l’International Crisis Group, estime que le Maroc a évolué dans sa campagne pour la reconnaissance de son plan d’autonomie à l’échelle mondiale et africaine. Elle précise : « Et je pense que le Kenya est un pays influent, sur la scène continentale, aux Nations unies et à l’Union africaine. »

La RASD a gagné des points lorsque l’Algérie a gagné deux sièges à l’UA contre le Maroc

Elle pense aussi que Rabat a réussi à désamorcer la question en Afrique. En 2018, peu après la réintégration du Maroc à l’UA, Louw-Vaudran et Christian Ani ont estimé que la décision de l’UA de laisser la question du Sahara occidental à la responsabilité de l’ONU avait été « une grande victoire pour le Maroc, pour qui les initiatives de l’UA sont biaisées ».

Louw-Vaudran a confié à ISS Today cette semaine que, depuis lors, le cas du Sahara occidental n’a plus été considéré comme un sujet de crise par l’UA, notamment par son Conseil de paix et de sécurité.

« L’Afrique du Sud [...] et quelques pays continuent de soutenir le Sahara occidental, mais la situation n’est plus aussi conflictuelle, parce que le Maroc a étouffé tout débat sur la question à l’Union Africaine. De plus en plus de pays se rangent à ses côtés, comme le Kenya ».

Louw-Vaudran a déclaré que malgré les rumeurs indiquant que le Maroc tentait de faire expulser la RASD de l’UA, cela ne s’est pas produit. L’opposition de l’Afrique du Sud et l’Algérie, « rendra cela difficile ».

Le ministre des Affaires étrangères de la RASD, Mohamed Beissat, doute que le plan d’autonomie du Maroc obtienne plus de soutien. Il a déclaré à ISS Today que les revirements du Kenya et du Ghana n’étaient annoncés que dans des déclarations conjointes avec le Maroc, et non dans leurs propres déclarations.

Il a ajouté que l’opinion des autres n’avait aucune importance. « Ils veulent que le monde entier vote lors du référendum à la place des Sahraouis », a-t-il déclaré, faisant référence à la décision de l’ONU qui enjoint les Sahraouis à organiser un référendum pour décider de l’indépendance, de l’autonomie ou de l’intégration au Maroc. Le Maroc insiste désormais sur le fait que l’indépendance n’est plus à l’ordre du jour.

« Zuma, Marco Rubio, Macron, Netanyahu et les autres n’ont pas à décider à la place des Sahraouis. Le choix appartient aux Sahraouis. »

Et c’est bien vrai. Dans le cas de Zuma, toutefois, et dans un monde de plus en plus transactionnel, plusieurs pays soutiennent le plan du Maroc parce qu’il offre des avantages tangibles sur les plans de l’agriculture, du tourisme, de la pêche et des énergies renouvelables. Malheureusement, la RASD n’a pas autant à proposer.

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