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Le nouveau groupe d'experts sur le Soudan se heurte à de nombreux obstacles

Le nouveau groupe de l'Union africaine peut-il réussir là où d'autres efforts diplomatiques ont échoué au cours de l'année écoulée ?

La guerre civile qui sévit au Soudan depuis 11 mois est sans doute le pire conflit interne en Afrique. Jusqu'à 14 000 personnes sont mortes et le nombre de déplacés est le plus important de l'histoire du pays. Au moins huit millions de personnes ont déserté leur domicile et environ 25 millions de personnes (soit près de la moitié de la population) ont besoin d'une aide humanitaire et d'une protection.

La guerre a également ravivé les hostilités dans les régions historiquement fragiles du Soudan, en particulier le Darfour et le Kordofan, aggravant ainsi l'instabilité de la Corne de l'Afrique et des régions d'Afrique centrale.

Les efforts diplomatiques de négociation de paix entre les Forces armées soudanaises (SAF) du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti », n’aboutissent pas. Leurs défauts, pour la pluplart, sont d’être non coordonnés, bureaucratiques et axés sur les belligérants armés, à l'exclusion des représentants civils.

L'Union africaine (UA) a été critiquée pour son incapacité à mettre fin à la guerre. Pour tenter de renverser la situation, le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, a nommé en janvier un groupe d'experts sur le Soudan. Sous la direction de Mohamed Ibn Chambas, le groupe travaillera avec les forces civiles et militaires, ainsi qu'avec les acteurs régionaux et internationaux, notamment l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), les Nations unies (ONU) et la Ligue des États arabes.

Les efforts de paix ont été peu coordonnés, bureaucratiques et axés sur les belligérants

Toutefois, nombreux sont ceux qui doutent que le groupe puisse faire avancer les choses pour mettre fin à ce conflit complexe, compte tenu de l’approche de l’UA jusqu’à présent. Plusieurs autres efforts de l'UA et des partenaires de développement ont largement échoué.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA a condamné à plusieurs reprises les combats, appelant à un cessez-le-feu et à un dialogue inclusif entre les parties belligérantes. La Commission de l'UA a élaboré une feuille de route en mai 2023 pour résoudre le conflit et a créé un mécanisme pour le Soudan, ainsi qu'un groupe d’experts pour harmoniser les efforts de tous les acteurs.

Cependant, ces mesures n'ont abouti ni à des engagements concrets des partenaires soudanais ni à une réduction des combats. L'effort le plus important à ce jour a été le processus de Djeddah, entrepris en grande partie par des parties prenantes externes qui n’ont pas empêché l'escalade du conflit. 

Le nouveau groupe d’expert de l'UA possède plusieurs atouts. Grâce à la diversité régionale de ses membres qui viennent du Ghana, de l'Ouganda et de la Somalie, il répond à la neutralité requise par le Soudan, qui faisait défaut aux acteurs de la Corne de l'Afrique. En outre, l'expérience de Chambas au Soudan (il a dirigé la mission UA-ONU au Darfour) permettra au groupe de mieux comprendre les complexités du conflit.

L'expérience de Chambas au Darfour donne une bonne base au groupe d’experts

Toutefois, les diplomates et les observateurs s'interrogent sur la force politique du groupe et sur sa capacité à amener les généraux belligérants à la table des négociations. Un diplomate basé à Addis-Abeba estime que la présence d'un chef d'État en exercice ou à la retraite parmi ses membres lui aurait donné plus de poids. Certains analystes ayant requis l'anonymat ont déclaré qu'il s'agissait simplement d'une nouvelle tentative de l'UA de donner l'impression d'agir.

Le combat pour la suprématie entre les deux généraux et leurs factions militaires compliquera la tâche du groupe d'experts. Le retrait du Soudan de l'IGAD, la décision des SAF d'abandonner les pourparlers et d'organiser de nouvelles offensives contre les RSF, ainsi que les récentes avancées militaires de ces dernières à Wad Madani, à Khartoum et dans l'ouest du Darfour, pourraient également compromettre les efforts de paix. L'accueil réservé à Hemedti par certains pays africains pourrait inciter Burhan à remettre en question les efforts menés par l'Afrique, y compris ceux du nouveau groupe d'experts.

La déclaration d'Addis-Abeba, signée en janvier entre la Coordination des forces démocratiques civiles de l'ancien Premier ministre soudanais Abdalla Hamdok et les RSF, vient encore assombrir les perspectives de travail du groupe. Alors qu'elle propose une feuille de route pour la paix, l'exclusion des SAF pourrait être interprétée comme une légitimation de facto des RSF dans un contexte de contestation intense de la part des deux factions.

Les observateurs s'interrogent sur la capacité du groupe à amener les généraux à négocier

Malgré les nombreux obstacles auxquels il est confronté, le groupe d'experts demeure un effort important de l'UA qui nécessite un soutien financier et politique de la part de la Commission de l'UA et des partenaires extérieurs. Cela lui permettra de dialoguer avec les acteurs régionaux et internationaux et à amener les généraux et leurs factions à la table des négociations. 

La création du groupe est opportune face à la résistance de Burhan aux interventions de l'IGAD et son objection aux pourparlers avec Hemedti. Le groupe devrait saisir toutes les opportunités pour faire usage de la diplomatie tranquille et renégocier avec les deux généraux les conditions d'une résolution. Il devrait impliquer des parties prenantes de haut niveau et ne pas s'appuyer sur des mandataires et des représentants. Il pourrait aussi utiliser le pouvoir de convocation de l'UA pour inclure des parties prenantes soudanaises plus larges, les fauteurs de troubles et les bailleurs de fonds des factions.

Par l'intermédiaire du groupe d'experts et de l'IGAD, l'UA devrait encourager la participation des civils aux pourparlers de Djedda et se concentrer non seulement sur les négociations de cessez-le-feu et de l'aide humanitaire, mais aussi sur les discussions concernant les questions politiques. Cela permettrait d'éviter les erreurs du passé en offrant une architecture de gouvernement de transition et un plan de mise en œuvre basés sur les aspirations des citoyens. 

Cet article a été publié pour la première fois dans le Rapport du CPS de l'ISS.

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