L'Afrique restera-t-elle en marge des pourparlers de Djedda sur le Soudan ?

Compte tenu des lacunes du processus de Djedda, l'UA et l'IGAD doivent jouer un rôle plus clair dans la mission de transition des Nations unies.

Depuis son déclenchement en avril, la guerre civile au Soudan a fait près de 10 000 morts et six millions de déplacés internes et vers les pays voisins, dont l'Égypte, l'Éthiopie, le Tchad et le Sud-Soudan.

Tout porte à croire que les affrontements entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (FSR) pour prendre les principales villes se prolongeront, sur fond de crise dans le Darfour.

Jusqu'à présent, seul le processus de Djedda a produit des résultats tangibles dans la recherche de la paix. Les pourparlers ont débuté en mai lorsque des cessez-le-feu partiels, fragiles et brefs, ont été négociés par les États-Unis et l'Arabie saoudite. Les pourparlers de Djedda ont repris en fin octobre, cependant les parties belligérantes ont montré un manque de volonté politique pour mettre fin à la crise. Elles se sont plutôt engagées à améliorer l'assistance humanitaire et à renforcer la confiance en ouvrant des canaux de communication et en évitant les déclarations incendiaires et la désinformation.

À ces objectifs peu ambitieux s’ajoute l'absence d'une position africaine claire et articulée dans les pourparlers. Les réponses de l'Union africaine (UA) et de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) de l'Afrique de l'Est ont été inadéquates dès le départ. La coordination et la mise en œuvre des différentes initiatives africaines pour résoudre le conflit ont été limitées.

Les factions militaires rivales ont montré un manque de volonté pour négocier la fin de la crise

L'UA a élaboré une feuille de route pour la résolution du conflit et a mis en place le mécanisme élargi qui rassemble un nombre limité d'États membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS), les voisins du Soudan et les principales parties prenantes. Mais le groupe ne s'est pas officiellement réuni depuis le mois de mai. De son côté, l'IGAD a créé sa feuille de route et réuni les chefs d'État de Djibouti, du Kenya, de l'Éthiopie et du Sud-Soudan pour engager le dialogue avec les parties en conflit.

Ni les processus de paix disparates de l'UA ni ceux de l'IGAD n'ont atteint leurs principaux objectifs. Il s'agissait notamment de fournir une réponse humanitaire efficace, de protéger les civils et les infrastructures civiles et d'organiser des rencontres entre les responsables des SAF et ceux des RSF afin de parvenir à un règlement politique.

Le processus de paix a été entravé par des problèmes de coordination et de collaboration entre les deux organisations et au sein de l'UA, par un manque de ressources et de capacités et par une faible influence sur les parties en conflit. Face à ces difficultés et aux assurances données par les États-Unis et l'Arabie saoudite, le processus de Djedda a dominé les efforts de rétablissement de la paix.

Bien que l'IGAD ait d’abord appelé à une plateforme unique IGAD-UA en conformité avec « des solutions africaines aux problèmes africains », l'organisme régional participe maintenant aux pourparlers de Djedda pour la première fois « au nom » de l'UA.

Le mandat de la MINUATS devrait être réexaminé et prolongé de toute urgence

Il est difficile de savoir si les feuilles de route de l'UA et de l'IGAD ont été consolidées en une position unique, et si elle a été mise en avant lors des négociations de Djedda. Les principes de subsidiarité semblent avoir été mal compris, car on ne sait toujours pas si l'IGAD conduira sa feuille de route ou si elle servira de porte-parole à l'UA.

L’impact du processus de Djedda n’est également pas clair. Les pourparlers sont une initiative bilatérale influencée par les politiques étrangères et les intérêts des États-Unis et de l'Arabie saoudite. Un mécanisme multilatéral serait préférable, ayant plus de poids et bénéficiant de ressources au niveau mondial et de l’éclairage des voix africaines. La Mission intégrée des Nations unies pour l'assistance à la transition au Soudan (MINUATS) pourrait remplir ce rôle.

La MINUATS a été créée en 2019 pour assurer la surveillance, l'assistance et le soutien de la transition au Soudan. Mais elle a été largement discréditée en raison des préjugés perçus par les différentes factions militaires rivales au Soudan. Finalement, l'envoyé spécial de l'ONU et représentant spécial du secrétaire général, Volker Perthes, a été déclaré « persona non grata » au Soudan à la suite de ses controverses avec le chef de facto de l'autorité de transition, le général Abdel Fattah al-Burhan.

Bien que Perthes ait démissionné en septembre, le mandat de la MINUATS a été renouvelé jusqu'au 3 décembre par le Conseil de sécurité des Nations unies. Étant donné que les États-Unis, l'Arabie saoudite et les acteurs africains n'ont pas réussi à obtenir un cessez-le-feu permanent et à modifier la situation, le mandat de la MINUATS devrait être réexaminé d'urgence et prolongé.

L'UA et l'IGAD pourraient faire pression pour une plus grande représentation de la MINUATS

L'un des avantages de la MINUATS est qu'elle englobe l'UA et l'IGAD en tant qu'acteurs sur un pied d'égalité. Il y avait des différences d'approche dans le mécanisme tripartite ONU-UA-IGAD, notamment sur la manière dont les partenaires voulaient superviser la transition. L'inclusion de l'UA et de l'IGAD résulte de leurs avantages comparatifs et de la reconnaissance de leur rôle au Soudan depuis 2019. L'implication de l'UA et de l'IGAD comme co-facilitateurs du processus de Djedda semble donc plus adéquate.

Le mécanisme ONU-UA-IGAD combine la légitimité des voix africaines avec la capacité de l'ONU à mettre en œuvre des sanctions porteuses de résultats, avec l'effet de levier nécessaire sur les parties en conflit. En début octobre, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté une résolution visant à créer une commission d'enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité au Soudan. Aucun des 19 pays ayant voté en faveur de la résolution n'était africain. Plusieurs pays africains ont voté contre la résolution ou se sont abstenus.

L'UA, l'IGAD et leurs États membres pourraient faire pression pour une plus grande représentation et prise de décision au sein de la MINUATS. L'annonce récente que Ramtane Lamamra, ancien ministre algérien des Affaires étrangères et ancien commissaire de l'UA pour la paix et la sécurité, pourrait remplacer Perthes à la tête de la MINUATS intervient à un moment critique.

Ce cycle de pourparlers de Djedda offre à l'UA et à l'IGAD l'occasion d'élaborer un plan global qui oriente leurs engagements et améliore la coordination sur le Soudan. L'UA a la possibilité de modeler concrètement le processus de paix en termes de conception, de calendrier et de résultats. La réunion ministérielle du CPS du 15 novembre offre une plateforme pour reconceptualiser l'engagement de l'Afrique au Soudan.

Maram Mahdi, chercheuse, Gouvernance de la paix et de la sécurité en Afrique, ISS Addis-Abeba

Image : © AFP

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