La prévention des conflits doit être la priorité des relations Europe-Afrique

Au vu de la montée de la violence politique et du terrorisme en Afrique, la négociation et le dialogue méritent autant d’attention que les opérations de soutien à la paix.

Une année importante s’annonce pour les relations entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique. Trois événements majeurs sont prévus : le lancement du nouveau partenariat avec l’Afrique proposé par l’UE, le sixième Sommet des chefs d’État UE-Afrique et la résolution concernant l’accord post-Cotonou. Si la coopération en matière de paix et de sécurité est un aspect essentiel de ces relations, sera-t-elle suffisante, dans sa forme actuelle, pour faire face à l’instabilité en Afrique ?

Le sixième sommet des chefs d’État et de gouvernement, reporté à 2021 en raison de la pandémie de COVID-19 et maintenant repoussé à 2022, vise à renforcer les liens entre l’UE et l’Afrique. Cependant, aucune date n’a été retenue et certains points de discussion cruciaux, tels que la stratégie proposée par l’UE pour l’Afrique, restent dans les limbes. En outre, les analystes régionaux se demandent si le sommet couvrira suffisamment les intérêts des deux parties et abordera les épineux problèmes de paix et de sécurité.

La violence politique, les menaces terroristes et l’instabilité augmentent en Afrique. Le sommet pourrait permettre de trouver un terrain d’entente sur les mesures préventives qui répondent mieux aux intérêts des deux régions que les réponses réactives de gestion des conflits. Il pourrait également contribuer à réduire leurs divergences sur les questions de migration et de déplacement.

Le sommet prévu intervient alors que la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, la pièce maîtresse du soutien de l’UE à l’Union africaine (UA), arrive à son terme. Depuis 2004, ce mécanisme de financement a fourni 3,5 milliards d’euros aux infrastructures de paix et de sécurité de l’UA, y compris à ses opérations de soutien à la paix. En mars 2021, il a été remplacé par la Facilité européenne pour la paix, qui a une portée plus large et permet de soutenir directement les efforts régionaux et nationaux.

L’asymétrie du partenariat entre les deux Unions a mené à des consultations inadéquates avec les homologues africains

La nouvelle facilité a une capacité de financement plus importante que la précédente, chiffrée à 5 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Néanmoins, d’aucuns craignent qu’elle ne dilue le rôle de coordination et de supervision de l’UA et ne réduise le soutien institutionnel à la Commission de l’UA.

Au-delà du passage de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique à la Facilité européenne pour la paix, l’UE vise un partenariat plus stratégique et plus adapté. Selon la stratégie proposée par l’UE pour l’Afrique, cet objectif peut être atteint en alignant les capacités et les instruments des deux Unions et en adhérant à des principes clés tels que l’appropriation, l’engagement et la responsabilisation mutuels.

La stratégie propose trois actions spécifiques en matière de paix et de sécurité : fournir une relation plus structurée ; intégrer la bonne gouvernance, la démocratie, les droits de l’homme, l’état de droit et l’égalité des sexes dans l’action et la coopération ; et assurer la résilience. La proposition accorde également une attention particulière aux femmes et aux jeunes sur les questions de paix et de sécurité.

Si ces engagements sont prometteurs, leur respect passe nécessairement par la résolution des quatre problèmes auxquels sont confrontées les relations UE-Afrique. Tout d’abord, l’inégalité des régions en matière de pouvoir économique et politique et d’avancées technologiques crée un partenariat asymétrique qui se caractérise principalement par une dépendance du bénéficiaire envers le bailleur. Il en résulte notamment un manque de consultations adéquates auprès des homologues africains.

Les relations entre l’UE et l’Afrique n’ont que très peu soutenu la prévention, la négociation et la médiation des conflits

Un deuxième problème réside dans la capacité de l’UA à gérer le partenariat, à définir ses priorités et à les aligner sur celles de l’UE. Alors que l’UE a créé un bureau de délégation pour soutenir la mise en œuvre, l’UA ne dispose ni de ce type de structure, ni du personnel nécessaire pour s’occuper de ce partenariat spécifique.

Le troisième problème consiste dans la dépendance continue de l’UA vis-à-vis des financements extérieurs pour ses activités de paix et de sécurité, malgré une certaine amélioration ces dernières années. Enfin, les relations entre l’UE et l’Afrique n’ont que très peu soutenu la prévention, la négociation et la médiation des conflits. Bien qu’il s’agisse d’un problème récurrent à l’échelle mondiale, le manque d’attention à cette question est criant en Afrique, où les conflits étatiques et la violence politique ont connu un pic entre 1989 et 2019.

Les efforts de l’UE en Afrique ont davantage porté sur la gestion des conflits que sur la prévention. Une évaluation de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique menée sur la période 2014-2016 a montré qu’environ 90 % de ses ressources ont été consacrées aux opérations de soutien à la paix.

Il existe cependant des possibilités pour améliorer la coopération UE-Afrique en matière de paix et de sécurité. Tout d’abord, le choix du moment est important. Le projet de l’UE de renforcer son partenariat avec l’Afrique coïncide avec les réformes en cours qui visent à améliorer l’efficacité et la capacité de mise en œuvre de l’UA.

Selon le nouveau commissaire chargé des Affaires politiques, de la Paix et de la sécurité de l’UA, la priorité est à la mise en place de partenariats inclusifs et intelligents

L’ambassadeur Bankole Adeoye, le nouveau commissaire chargé des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité de l’UA, a fait des partenariats inclusifs et intelligents l’une de ses priorités stratégiques. Pour améliorer les liens entre l’Afrique et l’UE, l’UA doit achever la restructuration de sa Commission et accroître sa capacité à gérer ses partenariats. Ces réformes permettront de mettre en œuvre des priorités stratégiques communes et d’obtenir l’appui de l’UE.

L’ambassadrice de l’UE auprès de l’UA, Birgitte Markussen, estime que la mise en place de dialogues politiques UE-Afrique soutenus pourrait « renforcer la visibilité auprès des populations des deux continents ». Cela permettrait de résoudre le problème de l’insuffisance des consultations avec les parties prenantes africaines et de créer une compréhension commune dès le départ.

Les dirigeants européens et africains doivent renouveler leur engagement en faveur d’une stratégie commune et de mécanismes de mise en œuvre qui accordent la priorité à la prévention des conflits en temps opportun. Pour ce faire, l’UE, l’UA et les communautés économiques régionales doivent investir dans les dialogues nationaux, les négociations, les médiations et les outils permettant de garantir que les parties respectent les accords conclus.

Meressa K Dessu, chercheur principal et coordinateur de formation, et Dawit Yohannes, chercheur principal, ISS Addis-Abeba

Cet article d’ISS Today est publié dans le cadre du Programme de formation pour la paix (TfP) financé par le gouvernement norvégien. Une version de cet article a initialement été publiée par PeaceLab.Blog.

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