Coup de projecteur : L’ISS alerte le Conseil de sécurité sur les risques d’un scénario catastrophe en Afrique de l’Ouest
Le Conseil de sécurité des Nations Unies doit maintenir son attention sur la région et adopter une approche plus pragmatique devant les défis politico-sécuritaires.
Dr Lori-Anne Théroux-Bénoni, directrice régionale de l’ISS pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad, a été invitée à donner un briefing au Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) à l’occasion de sa réunion semestrielle de janvier sur les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.
Cette invitation est une reconnaissance de l’expérience de l’ISS qui, depuis plus de dix ans, mène des travaux de recherche, d’analyse et d’élaboration de politiques avec des gouvernements, des organisations régionales telles que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Commission du bassin du lac Tchad, le Conseil de l’Entente, ainsi que l’Union africaine.
Le Dr Théroux-Bénoni a exhorté la communauté internationale à ne pas ignorer le Sahel au moment où les menaces dans les États côtiers d’Afrique de l’Ouest retiennent l’attention. Elle a déclaré que les stratégies de prévention du terrorisme devaient reconnaître l’interdépendance des espaces régionaux permettant aux groupes extrémistes de recruter, de se financer et d’assurer leur logistique.
« Alors que les conditions dans lesquelles se déploie la coopération au développement sont de plus en plus difficiles, l’ISS fournit des perspectives et des analyses africaines sur la manière de s’engager au Sahel, en lien avec les dynamiques en l’Afrique de l’Ouest, plus largement », a expliqué Marie Kruse, envoyée pour le Sahel du ministère danois des Affaires étrangères.
Le monde entier a les yeux tournés vers l’Ukraine et le Moyen-Orient. En outre, avec la fin de la Mission de stabilisation de l’ONU au Mali (MINUSMA), qui aura duré 10 ans, et la dissolution de l’initiative du G5 Sahel, la réunion du CSNU sur UNOWAS constitue une rare et importante occasion de faire un briefing à la communauté internationale. L’ISS a présenté ses perspectives sur les défis politiques, sécuritaires, environnementaux, climatiques et humanitaires croissants en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
Le Dr Théroux-Bénoni a décrit l’état actuel de la région comme l’un des scénarios du pire en termes d’extrémisme violent, de coups d’État, et d’intégration régionale. Les réponses internationales doivent tirer des enseignements des erreurs du passé et s’appuyer sur les résultats de travaux de recherche empiriques et les réalités du terrain.
La stabilité de l’Afrique de l’Ouest est importante pour la communauté internationale, et ce pour de nombreuses raisons. Si la région attire des investissements internationaux, elle est aussi une base pour le terrorisme, le crime organisé et le commerce illégal de drogue. L’instabilité de la région est également perçue comme un facteur de migration vers l’Europe.
Le briefing de l’ISS a fourni des perspectives en mesure d’alimenter des réponses efficaces à l’échelle nationale, régionale et internationale. Il a offert une visibilité mondiale à l’ISS et à ses travaux sur les dynamiques régionales, et a donné lieu par la suite à des demandes de réunions avec des agences et des représentants des Nations Unies.
Les réponses internationales doivent apprendre du passé et s’appuyer sur la recherche et les réalités du terrain
« L’institut porte une voix africaine indépendante et forte, qui éclaire de manière fiable les réponses internationales sur les menaces et les opportunités en Afrique de l’Ouest », a déclaré Leonardo Santos Simão, représentant spécial des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.
Le Dr Théroux-Bénoni a exhorté les Nations Unies, les organisations régionales et les États d’Afrique de l’Ouest à mieux se préparer au retour des militants lorsque ces derniers quittent les groupes extrémistes, en adoptant des stratégies de réhabilitation pragmatiques et en s’engageant à les réintégrer au sein de leurs communautés.
Par le passé, les pays du bassin du lac Tchad n’étaient pas préparés aux vagues de défections de Boko Haram, a-t-elle déclaré. Les longs délais d’attente avant que les militants ne puissent participer aux programmes de désarmement et de réintégration ont créé de fortes tensions lors de la mise en œuvre de ces mesures.
Mais les expériences du Nigéria et du Niger ont permis d’identifier des enseignements utiles pour d’autres pays qui tentent de lutter contre l’extrémisme violent. Il s’agit notamment d’encourager les défections, d’adopter une approche cohérente à l’échelle régionale, d’élaborer de meilleurs cadres juridiques et de recueillir le soutien de l’opinion publique.
L’ISS a également exhorté la communauté internationale à travailler sur la teneur et pas uniquement sur la durée des transitions d’un régime militaire à un régime civil.
Il importe de tirer les leçons des transitions précédentes, a déclaré le Dr Théroux-Bénoni. Depuis août 2020, les six coups d’État survenus dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest ont été causés par des pressions socioéconomiques, par l’augmentation du segment démographique des jeunes dans la population, mais aussi par l’échec de la réforme du secteur de la sécurité, la montée du terrorisme et de la criminalité, et enfin par des crises de gouvernance.
« Certes, il est important d’écarter les militaires du pouvoir, mais il faut aussi chercher à créer les conditions qui rendront plus difficile la survenance de coup d’État en travaillant sur les fragilités structurelles », a déclaré le Dr Théroux-Bénoni.
« La manière dont on gère les transitions militaires peut soit favoriser la stabilité, soit préparer le terrain pour le prochain coup d’État, de sorte que les périodes de rupture démocratique exigent un certain pragmatisme. La présence des putschistes au pouvoir doit être brève, et le retour à un régime civil est une priorité, mais il ne peut s’agir de la seule finalité ni du seul critère de réussite. »
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Dr Lori-Anne Théroux-Bénoni, ISS: [email protected]