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L’Afrique peut tirer profit des nouvelles alliances mondiales sur le climat

Avec le désengagement des États-Unis, l’Afrique doit exploiter au mieux ses partenariats avec l'Europe et la Chine sur le climat et l’énergie.

La remise en cause de l’agenda climatique mondial par le président américain Donald Trump constitue un risque à l’heure où les phénomènes météorologiques extrêmes et les impacts climatiques négatifs sont récurrents.

Cependant, des hégémonies émergent et de nouvelles alliances semblent prometteuses à l’instar de l’initiative France-Chine. Celle-ci annonce un partenariat plus large entre l’Union européenne (UE) et la Chine sur le changement climatique. L’Afrique peut-elle profiter des retombées de ces mouvements ?

En mars dernier, lorsque le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a reçu son homologue français, Jean-Noël Barrot, il a réaffirmé l’engagement de Pékin dans la coopération internationale face aux défis climatiques et la nécessité d’une gouvernance mondiale du climat. En mai, la ministre française de l’Environnement, Agnès Pannier-Runacher, a rencontré le ministre chinois de l’Écologie et de l’Environnement, Huang Runqiu, au sujet du revirement de Washington sur le climat.

Cette année, la Chine a renouvelé son engagement en faveur de l’Accord de Paris et de la promotion de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP30) qui se tiendra en novembre à Belém, au Brésil. La France s’est engagée à plaider pour un partenariat plus étroit entre l’UE et la Chine, qui constituerait un accord historique s’il est conclu durant le sommet Pékin-Bruxelles de juillet.

L’Afrique ne bénéficie que de 2 % des investissements en énergies renouvelables

L’UE est depuis longtemps une voix prépondérante dans les négociations de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique et a œuvré à réduire les émissions de ses États membres.

La Chine, souvent accusée d’être à la traîne dans les négociations, est au premier plan concernant la transition énergétique, notamment pour le déploiement des énergies renouvelables et des véhicules électriques. Elle enregistre la plus forte augmentation du développement d’énergies renouvelables et de fabrication de véhicules électriques. La Chine semble avoir dépassé son objectif de pic d’émissions en 2025, initialement prévu pour 2030, et serait en passe d’atteindre son objectif zéro net d’ici 2060, voire plus tôt.

Elle est également reconnue comme le premier fournisseur mondial de technologies dans les énergies renouvelables. Grâce à sa croissance verte, qui a impulsé sa réussite économique ces dernières années, le Forum économique mondial a reconnu la Chine comme un moteur de la transition mondiale.

En revanche, l’Afrique subit régulièrement des catastrophes climatiques, bien que sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre soit minime. Les projets qui se démarquent sur le continent sont notamment l’hydrogène vert en Namibie, les mégas fermes solaires au Maroc, l’énergie éolienne au Kenya et les mesures d’incitation à la transition énergétique en Afrique du Sud.

Les partenariats Afrique-Europe-Chine sur le climat et l’énergie seront une valeur ajoutée

Or, selon le World Resources Institute, l’Afrique concentre 80 % de la population mondiale sans électricité. En 2022, elle n’a reçu que 2 % des investissements mondiaux dans le domaine des énergies renouvelables.

L’Afrique entretient déjà des relations étroites avec l’UE et la Chine. L’initiative Afrique-UE pour l’énergie verte vise à produire 50 000 MW supplémentaires grâce aux énergies renouvelables d’ici à 2030, au bénéfice de 100 millions d’Africains. L’UE et certains pays européens soutiennent les transitions énergétiques justes au Sénégal et en Afrique du Sud. Le programme d’investissement de la passerelle globale UE-Afrique prévoit 150 millions d’euros pour des projets d’infrastructure énergétique en Afrique.

La Chine collabore avec 40 pays africains dans le domaine de l’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique et de la biomasse, amenant 120 GW d’électricité et 66 000 km de lignes de réseau. L’initiative « Ceinture solaire africaine », lancée récemment, est tout aussi prometteuse.

Depuis 2010, un cinquième des investissements directs étrangers et des constructions chinoises dans le domaine des énergies renouvelables ont été réalisés en Afrique, pour un montant de 66 millions de dollars US. Les ministres africains et chinois se sont réunis ce mois-ci pour évaluer la mise en œuvre des résultats du sommet 2024 du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC). Le rapport d’avancement mentionne que les entreprises chinoises sont associées à des projets africains d’énergie propre d’une valeur de 2,94 milliards de dollars US, et qu’un fonds spécial pour l’industrialisation verte a été créé.

La dette africaine pèse lourd et l’UE et la Chine sont les premiers créanciers du continent

Forte de ces bases solides, l’Afrique doit se montrer dynamique dans ses relations avec l’UE et la Chine. Les partenariats Afrique-Europe-Chine pour les projets relatifs au climat et à l’énergie seront également une valeur ajoutée.

L’Afrique devrait profiter du sommet Union africaine-UE, qui marque le 25e anniversaire du partenariat, pour promouvoir ses ambitions de développement vert et renforcer ses capacités d’adaptation au climat et de gestion des catastrophes.

L’Afrique devrait également prendre la tête des efforts de réalisation du plan d’action de Pékin du FOCAC (2025-2027). Le continent doit aller au-delà de l’assistance technique et du renforcement des capacités et nouer des partenariats pour la valorisation des catalyseurs de l’économie à faible émission de carbone, tels que les minerais essentiels que possède l’Afrique.

Le programme de financement doit intégrer les objectifs convenus durant la COP28 et s’intéresser au lourd fardeau de la dette africaine. Les chiffres sont inquiétants. La dette extérieure totale représente environ 24,5 % du produit intérieur brut combiné, soit un total de 685,5 milliards de dollars, et le service de la dette devrait coûter 88,7 milliards de dollars en 2025. Vingt pays africains sont menacés de faillite.

L’UE et la Chine sont les principaux créanciers du continent. L’Afrique doit adopter des financements innovants comme les « échanges de dette contre climat » qui annulent la dette en faveur de l’action climatique et les mécanismes du marché des crédits carbone prévus à l’article 6 de l’Accord de Paris.

Il faut que l’Afrique poursuive cette approche lors des sommets bilatéraux, mais aussi qu’elle milite pour que cette question soit prioritaire dans les forums comme le sommet Pékin-Bruxelles de 2025, le G20 de Johannesburg et la COP30. Cela permettra d’approfondir les alliances et d’attirer d’autres partenaires pour redorer le blason de l’action climatique africaine.

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