Retour des troupes de la SADC en RDC
La deuxième intervention militaire de la SADC dans l’est de la RDC en dix ans soulève de nombreuses questions.
Le conflit persistant dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) reprend de l’ampleur. Le 2 février, un hélicoptère Oryx de l’armée de l’air sud-africaine participant à la mission de maintien de la paix des Nations unies en RDC (MONUSCO), a été gravement endommagé par des tirs au sol, blessant certains membres de l’équipage et un médecin.
Des échanges de tirs, notamment de missiles, de mortiers et d’artillerie ont également été signalés cette semaine dans la région de Goma entre les forces armées congolaises et le groupe rebelle M23, bien que ces informations ne soient pas encore confirmées . Selon un rapport, l’armée congolaise a réussi à repousser une offensive du M23 contre la ville stratégique de Sake, à 20 km de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, le 7 février.
L’avancée du M23 vers Goma aurait incité les troupes récemment arrivées de la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC) à se déployer officiellement à Sake et dans les environs. Il s’agirait du premier déploiement connu de cette mission, composée de troupes sud-africaines, tanzaniennes et malawites, depuis son arrivée en décembre dernier.
Certains observateurs pensent que le M23 aurait encerclé Goma et a l’intention de s’en emparer, comme en 2012. Cet incident a attisé la grogne internationale et conduit à la création et au déploiement de la Brigade d’intervention des Nations unies (FIB), composée de troupes de la SADC d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi.
Cette semaine, le M23 a nié avoir l’intention de prendre Goma, mais a promis de riposter aux « attaques aériennes et d’artillerie visant nos forces et/ou aux tirs aveugles sur les populations civiles ».
La recrudescence des combats illustre les difficultés de la SAMIDRC à vaincre le M23
Le M23 a plaidé pour une solution pacifique, se disant prêt à quitter ses positions sous conditions d’un cessez-le-feu contrôlé et de mécanismes de vérification crédibles, appelant au soutien régional et international pour le dialogue politique.
La récente recrudescence des combats illustre les difficultés de la SAMIDRC à vaincre le M23, basé au Rwanda. Il est difficile d’évaluer ses performances, car la SADC a limité les informations sur son déploiement.
Cependant, Stephanie Wolters, experte de la RDC de l’Institut sud-africain des affaires internationales, a récemment prévenu dans le Daily Maverick que le M23, vaincu par la FIB en 2013, est devenu plus redoutable. Elle a également souligné le manque de pression exercée sur le président Paul Kagame par les États-Unis et d’autres alliés occidentaux pour qu’il retire son soutien au M23, ceci malgré les rapports des experts de l’ONU sur la RDC qui en font état.
La SAMIDRC manquerait de planification et un expert militaire a déclaré à cet effet : « Ce déploiement semble incertain, précipité et peut-être mal planifié en raison des pressions opérationnelles ».
Selon les experts militaires, la force sud-africaine, noyau dur de SAMIDRC, est techniquement mal équipée pour la mission en raison de sous-financement. L’absence des hélicoptères d’attaque Rooivalk, maillon essentiel de la défaite du M23 par la FIB en 2013, pourrait expliquer la vulnérabilité de l’hélicoptère Oryx lors des récents affrontements.
Le retour en RDC dix ans après avoir affronté le même adversaire indique la nécessité d’une approche différente
Les effectifs de la SAMIM, autre mission de la SADC au Mozambique, auraient été réduits prématurément pour éviter une sollicitation accrue des ressources militaires du bloc régional. Déployée en juillet 2021 après l’arrivée des troupes rwandaises, la SAMIM visait à aider le Mozambique à vaincre les insurgés de l’État islamique présents au nord de Cabo Delgado depuis 2017.
La prolongation en août 2023 du mandat de la SAMIM par la SADC, qui semblait être une formalité habituelle, était pourtant la dernière et un retrait est prévu en juillet 2024, sous réserve d’achèvement de la mission. Mais de nombreux observateurs notent la persistance des activités des insurgés.
Inversement, le Mozambique semble n’avoir jamais accepté la SAMIM et a préféré laisser le Rwanda combattre les insurgés. Ironie du sort, en RDC, la SADC pourrait désormais s’attaquer directement ou indirectement au Rwanda, son ancien allié au Mozambique.
Toutefois, la fin imminente de la SAMIM et le retrait de la MONUSCO prévu pour la fin 2024 pourraient libérer les ressources militaires de la SADC, notamment celles de l’Afrique du Sud, qui seront affectées à la SAMIDRC.
Certains pensent qu’une plus grande implication des Nations unies serait nécessaire en RDC, surtout depuis la décision du Conseil de sécurité de les autoriser, en décembre dernier, à apporter un soutien financier aux missions de paix de l’Union africaine (UA) et aux missions de paix régionales.
La SADC aurait réagi impulsivement à l’appel du président Félix Tshisekedi
La préparation militaire de la SAMIDRC est incertaine, tout comme sa justification politique. Vers la fin de l’année 2022, le processus de paix de Nairobi a exigé un cessez-le-feu immédiat dans l’est de la RDC et le rapatriement des militaires étrangers.
Le processus parallèle de Luanda, centré sur les dimensions politiques du conflit entre la RDC et le Rwanda, a approuvé les décisions de Nairobi, exigeant la fin des hostilités, le retrait du M23 et d’autres mouvements armés, et le déploiement d’une force régionale d’Afrique de l’Est, tout en insistant sur la cessation du soutien étranger aux rebelles. Cependant, les documents publics de la SADC révèlent que le mandat de la SAMIDRC consiste à vaincre le M23, à l’instar de la FIB en 2013.
La résolution du Conseil de paix et de sécurité de l’UA du 17 février 2023, demandant la « redynamisation » du cadre de paix, de sécurité et de coopération de 2013 pour la RDC et la région des Grands Lacs, pourrait justifier l’action de la SAMIDRC. Ce document appelait à un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et au retrait des forces étrangères.
Cette justification n’a pas été explicitement mentionnée par la SADC, du moins publiquement. Le retour de la SADC dans l’est de la RDC dix ans après sa première intervention contre le même adversaire suggère la nécessité d’une approche différente.
La SADC aurait réagi impulsivement à l’appel à l’aide du président de la RDC, Félix Tshisekedi, mécontent que la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est, déployée dans l’est de la RDC en 2022, n’ait pas attaqué le M23. En novembre 2023, Tshisekedi a exigé le retrait de cette force, entamé un mois plus tard.
L’appel de Tshisekedi à une action agressive contre le M23, et par ricochet contre le Rwanda, a été interprété comme un simple discours de campagne visant à capter des voix lors des élections présidentielles de décembre. Cependant le maintien de cette initiative même après sa réélection a transformé ce qui semblait être une stratégie rhétorique en une réalité de plus en plus préoccupante.
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