PRÉSIDENCE DE L'ANGOLA

Relance du processus de Luanda : vers la paix dans l’est de la RDC ?

Les pourparlers entre le Rwanda et la RDC ont repris, mais il reste à voir s’ils permettront de lever les obstacles fondamentaux à la paix.

Le processus de Luanda a été établi dans le cadre de la Feuille de route de Luanda 2022, visant à désamorcer les tensions entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) et à ramener la paix dans l’est de la RDC. Cependant, l’escalade des combats depuis octobre 2023 entre les rebelles du M23 et les Forces armées de la RDC (FARDC) a conduit à une impasse.

La RDC a accusé les Forces de défense du Rwanda (RDF) de combattre aux côtés des rebelles du M23, tandis que le Rwanda a affirmé que la RDC soutenait les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle hutu actif dans l’est de la RDC.

Le processus a donc été relancé début 2024 sous la médiation du président angolais João Lourenҫo, et le 30 juillet, un accord de cessez-le-feu permanent a été conclu entre les deux pays. Plusieurs cycles de négociations infructueuses entre les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RDC ont tenté de s’attaquer aux causes sous-jacentes de ces conflits qui perdurent. La réunion des chefs des services de renseignement des deux pays tenue à Rubavu, au Rwanda, les 29 et 30 août, a porté du fruit.

L’accord de Rubavu s’articule autour de trois axes principaux : la neutralisation des FDLR, le retrait des forces rwandaises de la RDC et la participation éventuelle des forces rwandaises aux opérations militaires contre les FDLR. Le dernier point concerne un mécanisme ad hoc mis en place dans le cadre du processus 2022 pour vérifier la mise en œuvre de l’accord. Il sera composé de trois officiers rwandais, trois officiers congolais et 18 officiers angolais et sera dirigé par le lieutenant-général angolais João Nassone.

L’armée de la RDC ne dispose pas des capacités nécessaires pour mener une guerre asymétrique

Des désaccords subsistent sur la façon d’appliquer l’accord de Rubavu, la RDC insistant pour que la neutralisation des FDLR s’accompagne du retrait des forces rwandaises. Cependant, les médiateurs angolais travaillent à l’élaboration d’un plan opérationnel détaillé qui permettrait de répondre aux préoccupations des gouvernements de la RDC et du Rwanda.

Malgré ces dispositions opérationnelles, la réussite de la mise en œuvre de l’accord de Rubavu dépendra de la résolution de plusieurs défis politiques et sécuritaires majeurs.

Dans son objectif de démanteler les FDLR, le processus de Luanda s’inscrit dans le sillage des approches passées qui n’ont pas permis d’instaurer une paix durable. En effet, les forces armées de la RDC ont déjà lancé des opérations militaires pour neutraliser les FDLR, seules ou conjointement avec les Forces de défense du Rwanda (RDF).

En janvier 2009, l’armée de la RDC et 5 000 soldats des RDF ont lancé des opérations militaires conjointes sur 35 jours contre les FDLR. Un mois après, ces dernières, dispersées et disloquées par l’assaut, ont repris leurs anciennes positions et lancé des représailles visant des civils qui auraient collaboré avec les RDF.

Le retrait des forces rwandaises pose problème parce qu’il ne concerne pas le mouvement rebelle du M23

Entre mai 2009 et janvier 2015, trois autres opérations menées par l’armée de la RDC et la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC n’ont pas permis de démanteler le groupe. 

L’une des principales raisons de ces échecs est l’immensité du territoire de la RDC, principalement couvert de forêts, ce qui permet aux FDLR de se cacher lorsque les opérations commencent. Plus important encore, l’armée de la RDC ne dispose pas des capacités tactiques, opérationnelles et logistiques nécessaires pour mener une guerre asymétrique et ne peut pas occuper convenablement les postes abandonnés par les FDLR.

Cela signifie que la probabilité pour les forces armées de la RDC de vaincre les FDLR dans le cadre du processus de Luanda est limitée, d’autant plus que la plupart des Congolais remettent en question l’agenda du Rwanda en RDC et rejettent le rôle éventuel des RDF dans une opération contre les FDLR.

Le désengagement des forces rwandaises est également problématique parce qu’il ne concerne pas le mouvement rebelle du M23. Le gouvernement congolais considère le M23 comme un mandataire du Rwanda et exige donc que les forces rwandaises et le M23 se retirent simultanément.

Kinshasa a rejeté la proposition des médiateurs angolais pour des négociations directes avec le M23

Cependant, Kigali considère le M23 et son alliée, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), comme des rebelles congolais défendant des griefs distincts. Le M23 a formulé des revendications allant au-delà de la question des FDLR, telles que le retour des réfugiés, la citoyenneté, l’accès à la terre, le contrôle des ressources naturelles et, surtout, l’absence d’autorité gouvernementale dans l’est de la RDC. Les médiateurs angolais ont récemment proposé des négociations directes entre le gouvernement de la RDC et le M23, ce que Kinshasa a rejeté.

La mobilisation par le gouvernement de la RDC des groupes armés locaux Maï-Maï sous l’égide des Wazalendo ou des Volontaires pour la Défense de la Patrie – dans le cadre de la guerre qu’il mène contre le M23 – constitue un autre défi pour le processus de Luanda.

Plusieurs de ces groupes armés sont étroitement associés aux FDLR et leurs dirigeants partagent des intérêts commerciaux et des liens communautaires avec les rebelles hutus du Rwanda. Le Wazalendo est une entité peu structurée et difficile à contrôler, dont les combattants affrontent les rebelles du M23 ou de l’AFC dans plusieurs parties de Rutshuru et de Masisi, malgré le cessez-le-feu du 30 juillet.

Pour surmonter ces obstacles, les instances régionales et internationales doivent évaluer les défis qui ont empêché les différentes initiatives militaires et civiles entreprises jusqu’à présent de porter leurs fruits. Des issues plus constructives pourront alors être trouvées pour stabiliser l’est de la RDC et la région des Grands Lacs.

La mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC) en cours de déploiement pourrait être reconfigurée et renforcée par des forces armées d’autres pays de la région. Elle pourrait avoir un nouveau mandat centré sur la neutralisation des FDLR et le cantonnement du M23.

Le gouvernement de la RDC devrait être invité à négocier un cessez-le-feu avec le M23 et l’AFC, comme l’ont déjà conseillé les médiateurs angolais. Cela permettrait d’engager un processus politique national qui s’attaquerait aux causes profondes des conflits, conformément à l’accord-cadre de 2013 de l’Union africaine.

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