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Positionner l’Afrique du Sud comme gardienne de la route du Cap

Il faudra plus que de simples améliorations infrastructurelles pour profiter de l’essor du transport maritime le long cette route.

L’industrie mondiale du transport maritime privilégie traditionnellement l’itinéraire plus court et rentable traversant la mer Rouge et le canal de Suez. Cependant, depuis le détournement du Galaxy Leader il y a un an, les attaques des Houthis au large des côtes yéménites ont ravivé l’intérêt pour la route maritime passant par le Cap de Bonne-Espérance, désormais considérée comme un corridor de transit majeur.

Mais malgré les opportunités que ce nouveau tableau représente pour l’Afrique du Sud, le pays peine à transformer ces gains immédiats en avantages conformes à ses intérêts à long terme et à ses objectifs maritimes internationaux.

Les grandes compagnies maritimes, dont Maersk, Hapag-Lloyd et MSC, ne prévoient pas de retour rapide à la stabilité en mer Rouge. En septembre et octobre 2024, elles ont annoncé des itinéraires autour du Cap de Bonne Espérance, dès février 2025. Ces changements sont porteurs de possibilités pour divers secteurs sud-africains, dont le tourisme, la sécurité, le sauvetage, la recherche, les douanes et l’économie, bien que de nombreux navires évitent les ports locaux.

 

Les ports de Cape Town, Durban et Gqeberha jouent un rôle central dans le transport maritime mondial, offrant des services essentiels tels que l’entretien des navires, les changements d’équipage et le ravitaillement. Ils constituent également une porte d’accès aux marchés étrangers pour les pays voisins et un lieu de passage privilégié pour les navires contournant le canal de Suez, que ce soit pour des raisons économiques ou stratégiques.

Cependant, l’intensification du trafic maritime près des côtes sud-africaines augmente les risques de collisions, d’échouements et d’autres accidents graves, aux conséquences humaines et environnementales potentiellement désastreuses.

Certains navires transportant des milliers de passagers, il est impératif de mettre en place une coordination efficace des opérations de recherche et de sauvetage. De plus, les eaux côtières sud-africaines, abritant des zones marines protégées et des écosystèmes sensibles, nécessitent des interventions rapides en cas de pollution.

Pour répondre à ces défis, la SAMSA prévoit d’ici le 31 mars 2025 une évaluation critique des aides à la navigation afin d’anticiper les risques et de gérer efficacement les volumes croissants de trafic maritime le long des côtes du pays.

Si les préparatifs de cette évaluation n’ont pas encore commencé, le moment semble opportun pour examiner l’état de préparation de l’Afrique du Sud face aux défis actuels. Il est essentiel de combler les lacunes en matière de capacités et de renforcer le cadre de sécurité maritime du pays.

Les ports sud-africains figurent parmi les moins performants au monde

L’une des pistes à explorer est l’expansion du système de gestion de l’information sur les océans et les côtes. Une telle évolution permettrait à l’Afrique du Sud de mieux surveiller les mouvements des navires, de répondre aux accidents et de détecter les activités illégales dans ses eaux, qui pourraient s’intensifier avec l’augmentation du trafic maritime.

Les ports sud-africains ont également un rôle stratégique à jouer en tant que plaques-tournantes facilitant le commerce dans le cadre de la zone de libre-échange continentale africaine. Leur efficacité est cruciale pour soutenir la croissance économique nationale et régionale, tout en favorisant la prospérité des pays voisins.

Cependant, ces ports figurent parmi les moins performants au monde. Congestion, infrastructures obsolètes et risques cybernétiques compromettent leur compétitivité. Financer les améliorations nécessaires pour réduire les délais, traiter des volumes croissants et optimiser les revenus reste un défi majeur.

Attirer des investissements via des partenariats public-privé est une solution envisageable, notamment en misant sur l’automatisation et la logistique avancée. Toutefois, des litiges comme ceux concernant les concessions à Durban impliquant International Container Terminal Services et APM Terminals, illustrent les obstacles à surmonter pour pouvoir obtenir de tels investissements.

Enfin, l’Afrique du Sud fait face à une concurrence accrue de la part de nouveaux hubs portuaires en Afrique australe, orientale et occidentale. Le Mozambique, par exemple, modernise ses infrastructures portuaires et développe des corridors stratégiques tels que Nacala, Tazara et Lobito, susceptibles de réduire la part de marché sud-africaine.

Il est urgent d’adopter les projets de loi sur la sécurité et la gouvernance maritimes à l’étude

Pour rester compétitifs, les ports sud-africains doivent accroître leur efficacité et offrir des avantages financiers. L’un des défis actuels est l’inadéquation et le coût des installations de soutage (ravitaillement en carburant). La décision de l’administration fiscale sud-africaine de mettre fin aux possibilités d’avitaillement en mer en raison des droits de douane sur le carburant, sans solution immédiate en vue, a exacerbé la situation.

Alors que les combustibles de soute traditionnels ne sont plus viables face aux objectifs mondiaux de décarbonisation, l’Afrique du Sud se positionne désormais comme une plaque tournante pour les combustibles verts, anticipant les investissements pour accompagner la transition énergétique du secteur maritime.

Plusieurs projets de loi portant sur la pollution marine, la gouvernance portuaire, la recherche et le sauvetage, ainsi que les normes maritimes, sont en cours d’examen au Parlement. Toutefois, tout retard dans leur adoption pourrait compromettre l’efficacité des interventions en cas de marée noire majeure, d’où l’urgence de finaliser ces textes avant début 2025.

Des efforts sont également déployés pour coordonner les agences maritimes et élaborer une stratégie nationale globale de sécurité maritime. Cependant, ces initiatives stagnent depuis leur annonce en 2019.

En comblant ces lacunes, l’Afrique du Sud peut se positionner comme un État maritime responsable et influent, tout en renforçant sa compétitivité en tant que porte d’entrée de l’Afrique subsaharienne et gardienne de la route du Cap.

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