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Trump tente d’externaliser le problème de l'immigration américaine

Le président américain aurait demandé aux cinq nations africaines invitées à son sommet d'accepter les demandeurs d'asile de pays tiers.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a organisé un mini-sommet avec cinq dirigeants africains à la Maison Blanche la semaine dernière. Cette réunion a été une surprise, compte tenu de sa position à l'égard du continent. Le choix des pays était également intéressant : pourquoi le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, le Liberia et le Gabon ?

Trump a annoncé aux délégués : « [Notre administration est] déterminée à renforcer nos amitiés en Afrique grâce à des efforts de développement économique qui profitent à la fois aux [États-Unis] et à nos partenaires. Et nous passons de l'aide au commerce », soulignant qu'il venait de supprimer l'Agence américaine pour le développement international (USAID).

Il a ajouté que les cinq pays présents possédaient tous « de grandes terres, des minéraux importants, des gisements de pétrole » et qu'il souhaitait discuter des questions de sécurité. Trump a encouragé les dirigeants à investir davantage dans la défense et à « poursuivre la lutte contre le terrorisme, qui est un gros problème en Afrique ».

Il a précisé : « L'immigration sera également à l'ordre du jour, et j'espère que nous pourrons réduire les taux élevés de dépassement de la durée de validité des visas, et que nous pourrons également progresser dans les ententes sur les pays tiers sûrs. »

La richesse supposée de ces cinq pays en minerais critiques a été présentée comme la principale raison de leur présence. Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a affirmé que son pays possédait « des minéraux, des terres rares, des minéraux rares », notamment du manganèse, de l'uranium et probablement du lithium, et qu'il était le deuxième producteur africain de minerai de fer.

La richesse en minerais des cinq pays africains est la principale raison de leur invitation

Le président libérien Joseph Boakai a également confirmé que son pays avait de nombreux minéraux et a demandé l'aide des États-Unis pour les explorer. Trump a ajouté une note comique de manière involontaire en félicitant Boakai pour son « bon anglais ». Il a demandé à Boakai où il avait appris à le parler, ignorant apparemment que l'anglais est la langue officielle du Liberia. Alors que le pays a été fondé au xixe siècle par des esclaves libres originaires des États-Unis.

Le président du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, a également souligné que son pays possédait du pétrole, du gaz et des minerais essentiels, notamment du manganèse, et a invité les États-Unis à investir dans leur transformation au niveau local, en construisant les capacités électriques nécessaires. Il a ajouté que si les États-Unis n'investissaient pas, d'autres le feraient. Il a également demandé à Trump d'aider le Gabon à mettre fin à la piraterie maritime dans le golfe de Guinée.

Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a indiqué que les États-Unis faisaient une étude géologique au Sénégal pour permettre d’évaluer le potentiel des minéraux. Il a ajouté que grâce aux entreprises américaines, le Sénégal avait découvert du pétrole et environ 950 milliards de mètres cubes de gaz.

Les minerais critiques, entre autres, ainsi que le pétrole et le gaz ont donc clairement joué un rôle dans le choix de ces pays, tout comme la question de l’insécurité régionale chronique. Les États-Unis pourraient être aussi à la recherche de pays d’accueil pour leurs bases militaires, après que la junte nigérienne a fait fermer la base américaine d'Agadez.

Trump s'est également vanté de l'accord de paix conclu récemment entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda sous l'égide des États-Unis. La plupart des dirigeants africains l'en ont remercié, l'exhortant à concrétiser son intention de négocier la paix au Soudan et en Libye.

Le Nigeria a déjà refusé des Vénézuéliens expulsés par les États-Unis

Cependant, l'immigration aux États-Unis, qui est une question intérieure clé pour Trump, était-elle vraiment au cœur des discussions ? Le Wall Street Journal a indiqué qu'avant le sommet, l'administration américaine avait envoyé aux cinq pays des demandes pour qu’ils acceptent des personnes expulsées par les États-Unis, que les pays d'origine avaient refusées ou tardé à reprendre.

Un document interne, consulté par le Wall Street Journal, stipulerait que les pays africains devraient accepter de ne pas renvoyer les demandeurs d'asile transférés « dans leur pays d'origine ou dans leur ancien pays de résidence habituelle jusqu'à ce qu'une décision finale ait été prise » par les États-Unis sur leur demande d'asile.

Cet accord semble similaire à celui qu’avait conclu l'ancien gouvernement conservateur du Royaume-Uni avec le Rwanda. Le gouvernement travailliste, en l’annulant l’année dernière, a déclaré qu’il n'avait pas dissuadé les migrants d’entrer au Royaume-Uni.

Des rapports indiquent que les États-Unis ont déjà essayé de persuader en vain le Nigeria d'accepter un accord sur l’expulsion de Vénézuéliens. Devant ces refus, Trump essaierait donc se tourner vers des pays de moindre envergure, peut-être plus souples, pour les persuader d'accepter des demandeurs d'asile ou des expulsés.

Mercredi, le Guardian a rapporté que cinq hommes originaires du Vietnam, de la Jamaïque, du Laos, de Cuba et du Yémen (coupables de crimes allant du viol d'enfants au meurtre), refoulés des États-Unis, étaient arrivés en Eswatini à bord d'un vol d'expulsion vers un pays tiers sûr. Le 4 juillet, les États-Unis ont expulsé vers le Soudan du sud huit hommes condamnés pour des crimes violents.

Il faut une approche plus constructive et plus éthique des relations entre les États-Unis et l'Afrique

L’on ne sait pas exactement comment les cinq gouvernements africains ont répondu à la demande de Trump, et aucun d’entre eux n'en a parlé dans la partie publique de la réunion.

Zenge Simakoloyi, chargé de recherche à l'Institut d'études de sécurité (ISS), a déclaré que le sommet de Trump semblait avoir principalement deux objectifs : tester l’externalisation de l'asile et diversifier les chaînes d'approvisionnement en minerais critiques des États-Unis loin de la Chine. Il a laissé entendre que le rejet des Vénézuéliens par le Nigeria suggère qu'il sera difficile d'externaliser la gestion de l'immigration américaine.

Simakoloyi a fait remarquer que la compétition avec la Chine dans le commerce africain et l'accès aux minerais était une caractéristique de la politique étrangère américaine en Afrique, comme en témoigne le corridor de Lobito par où sont convoyés des minerais de Zambie et de RDC depuis l'Angola. Il a suggéré que le président sénégalais Faye serve d’intermédiaire sur le plan diplomatique entre les États-Unis et les juntes du Sahel, le Sénégal ayant établi des relations avec les gouvernements militaires du Mali et du Burkina Faso.

L’'arrêt brutal de l'aide par Trump et son soutien au commerce et à l'investissement en Afrique est en principe une bonne idée, même s’il a provoqué une détresse importante sur le continent. (Des informations non confirmées cette semaine suggèrent que le PEPFAR, le programme américain de lutte contre le VIH/SIDA, pourrait être rétabli).

Toutefois, la manière dont les États-Unis négocient et investissent en Afrique sera déterminante. Comme l'a dit le président Nguema du Gabon à Trump : « Nous voulons également que nos matières premières soient transformées sur place, dans notre pays, afin de créer de la valeur et des emplois pour les jeunes, pour qu'ils cessent de mourir. Ils traversent la mer, l'océan pour aller dans d'autres pays ».

Ce serait une approche plus constructive et plus éthique des relations plutôt que d'externaliser l'asile et de déverser les criminels d'autres pays en Afrique.

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