Les Forces de réaction rapide à la rescousse dans l'est de la RDC
Les Nations unies espèrent qu'un remaniement de la Brigade d'intervention permettra de contrer les tactiques impitoyables des Forces démocratiques alliées.
Publié le 17 septembre 2021 dans
ISS Today
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Une nouvelle Brigade d'intervention (FIB) parviendra-t-elle à inverser la tendance contre l'infâme groupe armé lié à l'État islamique qui continue de terroriser l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ?
La FIB est dotée d'un personnel de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) et rattachée à la Mission de stabilisation de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUSCO). Au cours des dernières années, la brigade a peu œuvré à la mise en œuvre de son mandat agressif visant à neutraliser les groupes armés tels que les Forces démocratiques alliées (ADF) dans l'est du pays. Les Nations unies ont donc décidé, en 2020, de restructurer la FIB et d'y inclure des troupes du Kenya et du Népal.
La première FIB, composée de trois bataillons d'Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi, a été déployée en RDC en 2013. Elle a enregistré un succès quasi immédiat lors de sa première campagne contre les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. Elle avait ensuite pour mission de s'attaquer aux autres groupes armés de la région, comme les Forces démocratiques de libération du Rwanda et les ADF.
Ces campagnes n'ont toutefois pas abouti, notamment contre les ADF, qui opèrent dans le district de Beni, dans la province du Nord-Kivu. En décembre 2017, sur le pont de Semuliki, 14 casques bleus de la FIB et cinq soldats des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont été tués. En novembre 2018, lors de l'opération Usalama, neuf casques bleus ont été tués et deux ont été portés disparus.
La FIB a peu agi dans le cadre de son mandat de neutralisation des forces armées dans l'est de la RDC
Les ADF continuent de massacrer des civils et l'état de siège déclaré en mai dans le Nord-Kivu et l'Ituri par le président de la RDC, Félix Tshisekedi, n'a apparemment pas eu beaucoup d'impact. Les ADF se sont révélées être un ennemi bien plus coriace que le M23. Originaires d'Ouganda, elles sont présentes en RDC depuis les années 1990. Ayant une connaissance approfondie du terrain, les combattants se sont retranchés à Beni ; ils disposent de réseaux de contrebande étendus pour leur financement et d’un fort soutien de la part de certains habitants.
Alors que le M23 était une force militaire assez traditionnelle et visible qui pouvait être attaquée avec des armes conventionnelles, les ADF constituent un groupe de guérilla classique. Ils attaquent les civils puis se retirent rapidement dans la jungle avant l'arrivée des FARDC ou de la FIB.
Par ailleurs, les ADF sont totalement sans pitié. Leur tactique la plus notoire et la plus troublante consiste à répondre aux offensives des FARDC et de la FIB par des représailles massives contre les civils. Certains soupçonnent que la brutalité et l'efficacité croissantes du groupe pourraient être dues à son affiliation à l'État islamique en 2019 par le biais de sa province d'Afrique centrale.
Un autre obstacle à la lutte contre les ADF a été la coordination insuffisante entre les FARDC et la MONUSCO/FIB, pour diverses raisons. Il s'agit notamment du refus de l'ONU de travailler avec certains généraux des FARDC accusés de violations des droits humains, et de la suspicion que certaines troupes des FARDC auraient commis des atrocités. Les généraux des FARDC ont aussi parfois été réticents à partager des renseignements opérationnels avec la FIB.
Avec la nouvelle direction de la MONUSCO, la coopération avec le nouveau gouvernement de la RDC pourrait être plus facile
Ces facteurs, associés à la crainte d'un ennemi impitoyable et aux inquiétudes de provoquer des représailles contre les civils, semblent avoir empêché les pays de la FIB de participer à des offensives contre les ADF depuis octobre 2019. Le Kivu Security Tracker n'a enregistré que cinq engagements terrestres entre la brigade et les ADF à Beni après cette date, dont aucun n'a été initié par la FIB.
Cependant, l'inaction relative de la brigade a déclenché des manifestations de la population congolaise, qui dénonçait le manque de protection de la part de la MONUSCO/FIB. Certaines de ces manifestations ont été accueillies par une répression violente, voire meurtrière. Selon un sondage réalisé par le Congo Research Group, le taux d'approbation de la MONUSCO chez la population locale est tombé à 47 % en mars 2021, contre 68 % deux ans plus tôt.
Tous ces éléments ont incité le Conseil de sécurité de l'ONU à déléguer l'ancien chef de la branche militaire de la MONUSCO, le lieutenant-général Carlos Alberto dos Santos Cruz, à évaluer la FIB, fin 2019. Le rapport confidentiel de ce dernier a débouché sur une proposition de l'ONU visant à réorganiser la brigade. En plus d'initier des offensives contre les groupes armés, elle se dotera de plusieurs forces de réaction rapide. Le raisonnement tactique semblait signifier qu'au lieu de se contenter de mener des opérations provoquant des représailles des ADF, la FIB répondrait rapidement aux attaques contre les civils.
Après avoir initialement rejeté la proposition en août 2020, au motif qu'elle introduirait des éléments extérieurs à la SADC et réduirait son contrôle, la SADC a fini par l’accepter lors d'un sommet spécial en novembre de la même année.
D'aucuns s'inquiètent du fait que l'intervention militaire ne s'accompagne d'aucune stratégie politique
Selon des sources militaires des Nations unies, la nouvelle FIB comprend toujours trois groupements tactiques d'Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi. Elle a également acquis quatre forces de réaction rapide, deux de Tanzanie et du Kenya, qui sont déjà en place, et deux autres d'Afrique du Sud et du Népal, qui sont toujours en attente de déploiement.
Étant donné qu'un système de renseignements performant est la clé d'une action rapide permettant de sauver des vies civiles, la nouvelle FIB dispose de nouvelles unités de renseignement composées de Tanzaniens et de Sud-africains. Il est cependant trop tôt pour dire si ces changements rendront la brigade plus efficace, notamment contre les ADF.
Pierre Boisselet, du Kivu Security Tracker, estime « [qu]'une fenêtre d'opportunité s'est ouverte pour que la FIB améliore son action ». Les troupes d'autres pays contributeurs pourraient être plus disposées à se battre. Avec un nouveau chef de la MONUSCO, depuis mars, et un nouveau commandant de la force qui arrive ce mois-ci, la coopération avec le nouveau gouvernement de la RDC pourrait être plus facile.
David Zounmenou, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité, souligne toutefois qu'en fin de compte, il incombe à la RDC de protéger sa population. « Compte tenu de la stratégie de sortie de l'ONU, il est plus durable de renforcer les capacités des forces de sécurité nationales pour consolider le succès éventuel de la FIB restructurée », dit-il.
D'aucuns s'inquiètent néanmoins du fait que l'intervention militaire ne s'accompagne d'aucune stratégie politique. « Les causes du conflit sont profondes et nombreuses », déclare M. Boisselet. « Elles ne peuvent être résolues uniquement par des moyens militaires, des réformes de l'État congolais sont également nécessaires. »
Peter Fabricius, consultant ISS
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Crédit photo : Ministry of Defence – Kenya