La contestation pèse sur la popularité historique du MPLA
Les manifestations contre la cherté de la vie en Angola témoignent d'un mécontentement généralisé qui pourrait se prolonger jusqu'en 2027, année électorale.
Des milliers de personnes sont à nouveau descendues dans les rues en Angola le 28 juillet, pour protester contre la hausse du coût de la vie. Les manifestations ont commencé dans la capitale Luanda et se sont rapidement étendues aux villes de Huambo, Malanje et Benguela. En seulement trois jours, il y a eu plus de 1 500 arrestations et 250 blessés, et au moins 29 personnes ont trouvé la mort lors des affrontements avec la police.
L'Association nationale des chauffeurs de taxi d'Angola, principal fournisseur de transports dans la ville densément peuplée de Luanda, avait d’abord appelé à manifester pour dénoncer l’augmentation de 33 % du prix du diesel. La police a interdit la marche, affirmant que des négociations avec le gouvernement étaient déjà en cours pour réduire l'impact de cette hausse, et a qualifié la manifestation de rébellion.
Cependant, la manifestation s'est rapidement transformée en un soulèvement populaire contre l'augmentation du coût de la vie.
Comme les fois précédentes, les manifestations ont débuté pacifiquement. Cependant, la police a été déployée pour réprimer les marches par la force, et a tiré à balles réelles sur les manifestants et procédé à des arrestations.
La violence de la répression a provoqué des troubles graves. À Luanda, des milliers de jeunes des quartiers informels situés derrière les gratte-ciels de l'élite de la ville sont descendus dans la rue. Ils ont bloqué les routes, brûlé des pneus, pillé des épiceries et des magasins d'électroménager, et lancé des pierres sur la police.
Moins de 20 % des actifs occupent un emploi formel, et le taux de chômage des jeunes est de 54 %
Trois mois plus tôt, le Mouvement étudiant angolais (MEA) avait organisé une manifestation pacifique à Luanda sous le slogan : « Pour toutes les écoles oubliées, pour tous les élèves négligés, pour tous les enseignants qui persévèrent ». Les manifestants réclamaient plus d’investissements dans l'éducation et de meilleures conditions d’enseignement pour les professeurs et les apprenants. La police a réagi également par la violence et a procédé à l'arrestation arbitraire d'au moins 50 étudiants et de trois journalistes qui couvraient la manifestation.
À la mi-juillet, des centaines de personnes ont participé à une autre manifestation organisée par la jeunesse et les organisations de la société civile. Elles s'opposaient à l’augmentation des prix du carburant et à la suppression des subventions pour les transports sans concertation. Une fois de plus, elles ont été accueillies par une force excessive.
La violence de la police n'a pas réussi à intimider la population qui est revenue en grand nombre pour les manifestations du 28 juillet. La répression des forces de sécurité ne sera sans doute pas suffisante pour mettre fin aux mobilisations.
Bien que les dernières manifestations aient été déclenchées par la hausse du prix du carburant, la véritable cause est l'augmentation du coût de la vie dans les centres urbains, plus précisément à Luanda.
Pourtant, l’Angola est l'un des principaux producteurs de pétrole d'Afrique. Le prix du diesel, avec l'augmentation de 33%, atteint désormais 40 centimes de dollar US le litre, ce qui en fait l'un des prix les plus bas de la région et du monde. Néanmoins, le salaire mensuel minimum en Angola est inférieur à 70 000 kwanzas (soit 76 dollars US), ce qui est également l'un des plus bas au monde. Le président João Lourenço s'était engagé, il y a un an, à augmenter le salaire minimum à 100 000 kwanzas, mais cela n'a pas été fait.
Moins de 20 % de la population active angolaise occupe un emploi formel. En mai dernier, sur les 12,81 millions d’actifs, environ 81 % travaillaient dans le secteur informel, sans revenu fixe, sans sécurité sociale, sans assurance maladie ni autres avantages sociaux.
La plupart des promesses de Lourenço restent lettre morte
Le chômage des jeunes est encore plus alarmant. Il atteint le taux de 54,3 % dans la couche de la population âgée entre 15 et 24 ans. Ces jeunes descendent dans la rue pour protester contre la flambée du coût de la vie. La répression des manifestations n’est pas une réponse à leurs revendications, et le gouvernement angolais semble peu disposé à changer de cap et à prendre en compte leurs préoccupations.
Lourenço, élu lors d'un scrutin contesté en 2017, a remplacé José Eduardo dos Santos resté au pouvoir pendant 38 ans. Lourenço avait promis des réformes économiques, le progrès social, le respect de la démocratie et de lutter contre la corruption. Alors qu'il approche de la fin de son deuxième et dernier mandat, la plupart de ses promesses restent lettre morte et son parti connaît une baisse de popularité historique.
Les prochaines élections présidentielles en Angola, prévues en 2027, intensifient la crise actuelle. Le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA), au pouvoir depuis 1975, a qualifié les troubles d'« antipatriotiques » et de menace pour « l'unité, la réconciliation, la paix et le progrès ». Cette façon de voir empêche tout engagement sincère face aux réclamations de la population.
Les élections de 2022 ont été les plus contestées de l'histoire de l’Angola. Malgré des irrégularités généralisées et des conditions favorables au MPLA, le parti au pouvoir n'a remporté que 51,17 % des voix. L'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), principale force d'opposition, a obtenu 44,5 % des suffrages. Résultat révélateur, le MPLA a perdu Luanda, où l'UNITA a gagné avec 62,59 % des voix.
La vague actuelle de manifestations pourrait se prolonger jusqu'en 2027, devenant un moyen d'exprimer le mécontentement généralisé à l'égard du MPLA. L'UNITA a soutenu les manifestations, les décrivant comme le résultat de décennies de mauvaise gouvernance du MPLA qui n'a pas profité à la population.
Les manifestations pourraient se poursuivre jusqu'à l'année électorale 2027
La réponse de la police reflète une tendance des partis politiques dominants, qui recourent souvent à la répression lorsque leur emprise sur le pouvoir est menacée. Les contextes électoraux en Tanzanie, au Mozambique et au Zimbabwe en sont trois exemples.
Florindo Chivucute, directeur exécutif du groupe de réflexion Friends of Angola, a déclaré à ISS Today qu'il y avait un risque élevé de nouvelles manifestations violentes jusqu'aux élections. Il a souligné que l'inflation et l'augmentation des prix du carburant, des denrées alimentaires et des services essentiels étaient les principaux facteurs de frustration. Il a ajouté : « Les inégalités sociales persistent en Angola, avec des disparités marquées entre l'élite politico-économique et la population en général, ce qui alimente le sentiment d'injustice ».
Il a également mis en garde contre le risque « d’augmentation de la violence de la répression par le régime angolais dans les années à venir, en particulier en raison du malaise grandissant qui entoure la fin du cycle politique de Lourenço et l'absence d'un successeur clair au sein du MPLA, une situation qui déclenche des conflits internes, des tensions entre les factions et une instabilité au sommet du pouvoir ».
Si le gouvernement continue à réprimer les manifestations, le nombre de morts, de blessés et d'arrestations risque de se multiplier. Les manifestations vont persister et devenir plus destructrices, avec des dommages sur les infrastructures et des risques pour la stabilité économique.
Les manifestations postélectorales au Mozambique, qui ont duré quatre mois malgré la répression policière, devraient servir d'avertissement à Luanda : la violence ne permet pas d'apaiser la colère d'une population mobilisée. La récurrence des manifestations en Angola le confirme.
Le gouvernement devrait plutôt ouvrir le dialogue avec les dirigeants des manifestations, trouver des solutions aux revendications de la population et veiller à ce que les prochaines élections se déroulent dans un climat de paix et de respect mutuel.
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