Les femmes dans la marine : 2015 est l'année du changement pour l'Afrique

La navigation maritime est depuis longtemps le domaine des hommes. Mais des mesures sont prises pour décomposer les obstacles culturels et structurels à la participation des femmes.

Le 26 août, le lieutenant-commandant Zimasa Mabela a pris le commandement du SAS Umhloti, un chasseur de mines de la marine sud-africaine. Ce faisant, elle est devenue la première femme à prendre en charge un navire de la marine sud-africaine.

En 2015, la nécessité de promouvoir le rôle des femmes dans les activités maritimes est devenue un sujet de préoccupation et d'intérêts sans précédent, et ce pour de bonnes raisons. La Fédération Internationale des Ouvriers du Transport estime que seuls 2 % des effectifs de la marine dans le monde est constituée de femmes.

Il est temps de changer cette statistique en augmentant les opportunités pour les femmes en termes d'éducation et d'acquisition d'expérience dans les activités maritimes. Il est également important de faire évoluer la culture dans le secteur maritime pour faire disparaître les préjugés dont sont victimes les femmes de façon quotidienne. Heureusement, certains éléments mettent en évidence que les efforts pour y parvenir donnent des résultats, même si l'acquisition d'expérience chez les femmes dans le secteur n'est pas une tâche facile.

Seulement 2 % de l'effectif maritime dans le monde est composé de femmes

La navigation maritime, depuis les temps où l'Homme a commencé à prendre la mer, s'est de plus en plus diversifiée en termes de race, de classe et de nationalité. Les marins travaillent pour un mélange de propriétaires privés et des entreprises qui reflètent cette industrie complexe et globalisée dont l'économie mondiale dépend. Cependant, la diversité du groupe hétéroclite et mondialisé des navigateurs ne s'est pas encore concrétisée en un mélange visible d'hommes et de femmes - étant donné que beaucoup de métiers de la mer restent l'apanage des hommes.

La longue interaction entre les hommes (majoritairement) et la mer a également créé des obstacles culturels importants à la participation des femmes dans la navigation. Ceci ne constitue cependant aucune excuse pour le maintien de l'exclusion des femmes, ou pour ne pas apporter de soutien aux nombreuses femmes qui se sont battues contre des normes de genre d’un autre temps et qui ont fait de grands progrès dans l'amélioration de la participation des femmes dans la marine.

L'Union africaine (UA) ouvre la voie sur le continent, comme en témoignent les deux événements qu'elle a accueillis cette année - l'un s'est déroulé en mars à Luanda, en Angola, sur les Femmes dans la marine africaine : vers l'Économie bleue de l'Afrique, et un autre en juillet, à Addis-Abeba, en Éthiopie. En outre, le thème de sommet de l'UA en janvier était l'Autonomisation des Femmes en Afrique, comme étape vers la réalisation des objectifs de l'Agenda 2063 de l'UA. L'Agenda 2063 indique que « ... l'économie océanique de l'Afrique, qui fait trois fois la taille de sa masse terrestre, doit être un contributeur majeur de la transformation du continent et de la croissance. »

La longue interaction entre les hommes et la mer a créé des obstacles culturels importants pour les femmes

Le Président de la Commission de l'UA Nkosazana Dlamini-Zuma a également fait de nombreuses déclarations importantes appelant à une plus grande participation des femmes dans les industries maritimes, en particulier dans le développement de l'Économie bleue de l'Afrique. Si cela se réalise, cela se reflètera par un intérêt croissant dans les pays africains qui sont en train de développer les industries maritimes. Cela pourrait se traduire par un avantage économique découlant des ressources maritimes pour l'Afrique et par des opportunités dans les domaines tels que la propriété de navires, la pêche, l'industrie de la manufacture, la construction navale, et l'extraction des ressources naturelles.

Dlamini-Zuma a suggéré que ... les femmes se sont rassemblées… celles qui travaillent dans l'industrie... souhaitent voir comment elles peuvent devenir des entrepreneurs dans l'industrie ».

Cette déclaration renforce des objectifs de longue ¬date visant à accroître la participation des femmes dans le secteur maritime, tels que ceux exprimés par l'Organisation Maritime Internationale, l'agence maritime de l'ONU.

Jusqu'à quel point le rôle et la contribution des femmes au développement maritime est reconnu et défini est une question imminente. Si les femmes doivent être pleinement intégrées dans l'industrie maritime, les discussions ne peuvent se limiter à la participation dans seulement un ou deux domaines, comme le travail environnemental, ou l'entrepreneuriat, tel que la propriété de navires. La création d'une communauté de femmes expérimentées dans les professions maritimes doit se produire à plusieurs niveaux et dans divers secteurs de l'industrie.

La présence de femmes à des postes d'autorité est cruciale, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'expérience en mer, de l'éducation et de la formation. Cela vaut également pour le secteur de la sécurité publique tel que les marines, les garde-côtes et les autorités maritimes.

Le point de vue de l'industrie maritime est que les femmes peuvent plus facilement participer aux activités entrepreneuriales

Dans l'industrie, on pense qu'il est plus facile d'appeler à des changements sur le plan économique ou de l'entrepreneuriat - c'est d'ailleurs là que la participation féminine actuelle est largement observée. Cependant, l'entrée dans d'autres secteurs des femmes, en particulier ceux liés à la sécurité, ne doit pas être négligée.

Combler cette lacune permettra également d'améliorer la sécurité des femmes en mer. Un cas révélateur est celui d’Akhona Geveza, une cadette sud-africaine de 19 ans retrouvée noyée sur les côtes de la Croatie en 2010. Les autorités locales ont déclaré de façon controversée que son décès était lié à un suicide. La veille de sa mort, Geveza avait signalé au capitaine qu'elle avait été violée par un des officiers. La conclusion des autorités croates n'a jamais été pleinement acceptée et reste un sujet de débat non résolu à ce jour.

Les efforts visant à assurer la sécurité et le soutien aux femmes marins incluent les « Sisters of the Sea » de l'Autorité de sécurité maritime de l'Afrique du Sud - une initiative importante pour permettre le partage d'expérience et de soutien.

Ces projets exigent à présent une dynamisation et une expansion. Des évolutions en matière d'infrastructure afin d'assurer la sécurité physique des femmes à bord des navires sont également nécessaires. Cela comprend des toilettes, des installations de couchage et de vestiaire et un accès aux produits d'hygiène intime séparés.

Un autre signe encourageant est l'augmentation du nombre de femmes qui reçoivent l'éducation et la formation nécessaires pour des carrières telles que le pilotage maritime, ce qui implique de diriger des navires en zone portuaire. Mais les chiffres à eux seuls ne présentent qu'une partie de l'histoire. Les femmes qui prennent la mer doivent obtenir de l'expérience à plusieurs niveaux et dans ¬différents secteurs, tels que les postes de direction ou d'ingénierie et ne pas se limiter à participer ou aux professions faiblement rémunérées.

Par exemple, seulement 15 sur 70 pilotes maritimes en Afrique du Sud sont des femmes - mais il s'agit d'une bonne base sur laquelle s'appuyer. Ailleurs, les chiffres n'ont pas encore atteint ce niveau. Elizabeth Marami est la première femme pilote maritime du Kenya et bien que l'UA ait salué cette réussite en marquant la Journée et la Décennie des Mers et Océans de l'Afrique à Addis-Abeba en juillet, elle reste pour l'instant la seule femme kenyane dans cette profession.

Une attention et une action soutenue sont nécessaires au niveau de l'UA, des Communautés économiques régionales et des gouvernements nationaux, en partenariat avec les établissements d'enseignement maritimes tant au niveau africain que mondial. L'objectif doit être de transformer l'industrie de telle sorte que les histoires de succès isolées se transforment en un secteur maritime inclusif et équilibré entre les sexes.

Timothy Walker, Division de la gestion des conflits et de la consolidation de la paix, ISS Pretoria

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