La COP30 devra passer de la rhétorique du genre à l'action
Une politique sensible au genre est vitale pour la résilience climatique, mais nécessite des plans réalisables et de meilleures ressources.
Les femmes et les filles représentent 80 % des personnes déplacées à cause du changement climatique qui les expose à un risque accru de pauvreté, de violence et d'exploitation. Elles sont également beaucoup plus susceptibles que les hommes d'être blessées ou tuées lors de catastrophes naturelles, car les inégalités entre les sexes ont créé des disparités en matière de soins de santé, d'accès à l'information, de ressources et de prise de décision.
Le changement climatique amplifie également les inégalités existantes entre les hommes et les femmes, en accentuant la vulnérabilité des plus fragiles. Les politiques climatiques qui tiennent compte de la dimension de genre sont donc essentielles pour renforcer la résilience et garantir une action climatique transformatrice et efficace.
Des réponses intégrées sont nécessaires pour traiter ces questions qui sont profondément liées. Cependant, aucun pays au monde n’est en bonne voie pour atteindre les objectifs de développement durable à l’horizon 2030 en matière d’égalité des sexes. Ces objectifs sont essentiels pour la résilience climatique et pourraient permettre aux femmes d'aider leurs communautés à résister aux effets du changement climatique.
Lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2024 (COP29), les États ont convenu qu'un plan d'action global pour l’égalité des genres serait élaboré lors de la COP30 à Belém, au Brésil. Ils ont également décidé d'étendre le programme de travail de Lima sur le genre (LWPG) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mis en place en 2014 pour aborder la question du climat et du genre au niveau intergouvernemental. Le programme reconnaît que la justice climatique exige de s'attaquer aux inégalités environnementales et sociales, ce qui positionne les femmes comme agent du changement.
Bien que précieux, le LWPG a eu du mal à tenir ses promesses en raison de ressources insuffisantes et d'une intégration limitée du genre dans la convention. Parmi les problèmes persistants, on peut citer la représentation incohérente des femmes dans les processus de la CCNUCC et les délégations à la COP, ainsi que le soutien limité à la mise en œuvre pour les pays en développement.
Le Gender Climate Tracker montre que depuis 2008, aucune COP n'a atteint une représentation et une participation égales des deux sexes dans les délégations. À la COP29, seulement 35 % des délégués étaient des femmes, montrant qu’il existe des obstacles systémiques à l’égalité entre les sexes dans les négociations sur le climat.
La COP29 n’a pas non plus parlé des droits humains, de l'intersectionnalité ou de la reconnaissance de la diversité des expériences des femmes. L'Égypte, l'Iran, la Russie et l'Arabie saoudite se sont opposés à l'utilisation d'un langage sensible au genre et ont cherché à assurer des distinctions binaires, limitant toute référence aux lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queer et autres identités de genre (LGBTQ+).
Ces désaccords reflètent un recul mondial complexe du genre et des droits de l'homme, y compris lors d'événements des Nations unies.
La COP doit également faire face à la tension entre ce que certains pays considèrent comme une position progressiste et d'autres comme une tendance controversée ou inacceptable. En outre, certaines contributions déterminées au niveau national ont définit des engagements spécifiques liés au genre, tandis que d'autres y faisaient référence de manière générale ou les excluaient. Ces différences fragilisent le consensus et rend difficile l’harmonisation des ambitions, du langage et du champ d'action des États à la COP.
L'Afrique est confrontée à de graves risques climatiques, qui atteignent plus durement les femmes et les filles, en particulier dans les zones rurales et touchées par les conflits. Cela souligne l'importance de la participation de l'Afrique à la COP, en particulier en ce qui concerne le genre.
Malgré la participation croissante du continent aux pourparlers, le Groupe africain des négociateurs n'a pas de position forte sur le genre. Les délégations africaines sont confrontées à d'importants déficits financiers, ce qui limite leur participation, leur préparation et un engagement significatif. Tous les États participant à la COP29 ont exhorté le secrétariat de la CCNUCC à veiller à ce que les points focaux nationaux pour l'égalité des sexes puissent assister aux réunions. Ce type de soutien est essentiel pour renforcer la voix de l'Afrique à la table des négociations.
Sans financement, le Plan d'action pour l'égalité des genres restera une ambition
À l'approche de la COP30, le groupe africain des négociateurs demande que le nouveau plan d'action pour l'égalité des genres tienne compte des réalités africaines et des besoins des femmes et des filles vulnérables. Il recommande, entre autres, de solliciter des moyens techniques et financiers nécessaires pour la mise en œuvre du plan auprès des États développés.
Les requêtes techniques touchent la formation des points focaux nationaux sur le genre, l'amélioration des données sur le genre et des systèmes de suivi, le soutien à l'intégration du genre dans les politiques climatiques et le renforcement des capacités pour les évaluations d'impact sur le genre. Les demandes financières concernent la mise en œuvre de plans d'action nationaux sur l’égalité des sexes, le soutien à la participation des femmes aux négociations sur le climat, l'accès aux technologies climatiques et l'amélioration de la résilience des femmes et des filles.
La décision de la COP29 d’élaborer un plan d'action pour l'égalité des genres souligne l'urgence d'un soutien plus important aux pays en développement, mais manque de mécanismes notamment financiers pour l’appliquer. Sans ressources spécifiques, le plan restera une ambition, en particulier pour les pays en développement. Alors qu’elle visait des objectifs financiers forts, la COP a raté l'occasion de s'assurer des arrangements pour financer le plan, avec des objectifs clairs et mesurables.
Le genre doit être intégré dans tous les points à l'ordre du jour de la COP
Le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) est un accord de financement sur le climat qui vise à réunir au moins 300 milliards de dollars US par an d'ici 2035 pour soutenir l'action climatique des pays en développement. Bien qu'il stipule que la finance climatique doit bénéficier aux femmes et à d'autres groupes marginalisés, l'accord n'est pas juridiquement contraignant. Cela, associé à l'absence de mesures de responsabilisation, fait de l'appel du NCQG en faveur d'un « soutien accru » une simple ambition pour les pays en développement.
Présentée comme la « COP du peuple », Belém devrait permettre aux communautés locales de faire entendre leur voix et exprimer leurs besoins. Toutefois, pour faire la différence, le plan d'action pour l'égalité des genres a besoin d'objectifs mesurables et d’un mécanisme de financement dédié. De périphérique, le genre doit devenir transversal et être intégré dans les principaux résultats de la COP30, en particulier dans les contributions déterminées au niveau national, la transition juste et l'adaptation.
À l'approche de la COP30, une coordination plus forte au sein du Groupe africain des négociateurs est nécessaire pour présenter une position claire avec un message cohérent qui mette l'accent sur les priorités de l'Afrique. Le Groupe doit faire pression pour que le genre soit intégré dans tous les points de l'ordre du jour de la COP et requérir le soutien du secrétariat de la CCNUCC.
Pour ce faire, les négociateurs africains devront bénéficier de l'expertise et du personnel nécessaires pour s'engager de manière significative dans les processus de la CCNUCC, d'autant plus que les négociations deviennent plus techniques et sont axées vers les résultats.
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