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Le Conseil de paix et sécurité de l’UA a-t-il besoin de membres plus influents ?

La composition du CPS, dédié à la prévention et à la résolution des conflits, est déterminante pour son efficacité.

Lors du prochain sommet de l’Union africaine (UA) du 15 au 19 février, dix nouveaux pays siégeront au Conseil de paix et de sécurité (CPS) pour un mandat de deux ans. En tant que principal organe décisionnel de l’UA en matière de sécurité, l’efficacité du CPS dépend du pouvoir d’action de ses membres pour répondre aux nombreux défis du continent.

Les cinq régions d’Afrique sont confrontées à des défis problèmes complexes de gouvernance et de sécurité. L’élection de dix pays, soit environ les deux tiers du Conseil, suscite l’espoir de renforcer ce dernier. Mais en sera-t-il ainsi ?

Le CPS devrait jouer un rôle essentiel dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits, y compris la reconstruction et le développement post-conflit. Ce travail exige non seulement des ressources suffisantes, mais aussi des États membres dotés des connaissances techniques et de la volonté politique nécessaires. C’est pourquoi sa composition est un critère important pour comprendre l’orientation et la solidité du Conseil à tout moment.

Le CPS compte 15 membres, dont dix avec un mandat de deux ans et cinq pour un mandat de trois ans, par rotation. Le Burundi, la République du Congo, le Ghana, la Gambie, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et la Tunisie achèvent leur mandat de deux ans. Le Cameroun, Djibouti, le Maroc, la Namibie et le Nigeria ont un mandat de trois ans et ne se représenteront aux élections qu’en 2025. Les pays peuvent effectuer des mandats successifs.

La capacité du CPS à tenir ses engagements dépendra essentiellement du poids de chacun de ses membres

Quatorze pays seront en lice pour les élections de février (voir tableau). Sur les dix candidats sortants, seuls la Tanzanie, l’Ouganda et la Gambie ont manifesté leur intérêt pour un nouveau mandat de deux ans. S’ils sont élus, ils assureront une continuité précieuse dans le travail du CPS.

Les 14 États en lice pour les 10 sièges à pourvoir lors de l’élection du CPS en février

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(Cliquez sur l’image pour voir l'infographie en taille réelle)

Les sept sièges restants seront attribués aux nouveaux acteurs susceptibles d’insuffler une nouvelle dynamique et des idées novatrices au Conseil. Ces États auront besoin d’une orientation approfondie sur les défis sécuritaires et sur l’évolution des dynamiques du CPS.

Les critères de sélection des nouveaux membres sont notamment le respect de la gouvernance constitutionnelle par les États, leur contribution au Fonds pour la paix et l’existence de missions permanentes dotées d’effectifs et d’équipements suffisants aux sièges de l’UA et des Nations unies.

Outre ces exigences, les discussions régionales et les manœuvres de couloir jouent un rôle clé dans la sélection des candidats. Cette évolution positive témoigne d’un intérêt croissant pour la participation au CPS et le renforcement des blocs régionaux.

Dans le passé, ces consultations ont permis aux blocs du Centre, du Sud et de l’Ouest de s’accorder et de proposer le nombre requis de candidats pour les sièges disponibles. Sauf changement de dernière minute, la République démocratique du Congo (RDC), la Guinée équatoriale, l’Angola, le Botswana, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone et la Gambie devraient siéger au Conseil de 2024 à 2026.

En l’absence d’États influents tels que le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud, qui dirigera le CPS ?

En Afrique du Nord et de l’Est, les élections au CPS seront fortement disputées en raison de l’absence de consensus régional et des tensions bilatérales. En Afrique de l’Est, l’Éthiopie, l’Érythrée, l’Ouganda et la Tanzanie rivaliseront pour deux sièges, tandis qu’en Afrique du Nord, l’Algérie, l’Égypte et la Mauritanie  concourront pour un seul siège.

Ces pays devront consulter leurs homologues régionaux pour déterminer les candidats qui répondent aux critères d’adhésion au CPS et sont en mesure de diriger et répondre efficacement aux défis sécuritaires de l’Afrique. Lors des élections précédentes, certains pays, comme le Kenya et les Comores, ont retiré leur candidature avant le sommet après des négociations réussies en fin 2022.

L’obtention d’un consensus régional en Afrique du Nord pourrait être ardue en raison des tensions persistantes sur des questions telles que le Sahara occidental et de la vacance d’un seul siège.

Depuis plusieurs années, l’Afrique du Nord réclame un siège supplémentaire ou une répartition régionale plus équitable des 15 sièges du CPS. Le sommet de l’UA de février 2023 a créé un comité chargé d’étudier les options possibles et d’en rendre compte au conseil exécutif. Mais le comité n’a pas encore siégé, et il n’y aura donc pas de progrès sur la représentation de l’Afrique du Nord avant le prochain sommet.

La révision du protocole du CPS permettra-t-elle d’inclure des États leaders en tant que membres permanents ?

Bien que la recherche d’un consensus régional pour les candidatures au CPS puisse être bénéfique, elle risque de diluer la compétition, compromettant la qualité et les résultats du processus. En outre, élire des « petits » États pour respecter la rotation régionale ou parvenir à un consensus ne tient pas compte de leur aptitude à assumer les responsabilités du CPS.

La capacité du CPS à remplir son mandat dépendra principalement du pouvoir d’action de chacun de ses membres. La sélection d’États ne répondant pas aux critères constitue toujours un frein substantiel pour le CPS, impactant son programme de travail, l’établissement de l’ordre du jour mensuel et la capacité à répondre aux crises continentales.

Près de la moitié des candidats en lice pour le CPS en 2024 sont des « petits États » au poids diplomatique limité. En l’absence d’États influents tels que le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud, qui dirigera le Conseil ? Et quelles seront les implications pour les réponses de l’UA aux défis de paix et de sécurité ? La révision du protocole du CPS permettra-t-elle d’incorporer des États leaders disposant des ressources et de la volonté politique nécessaires en tant que membres permanents  ?

Cet article a été publié pour la première fois dans le Rapport sur le CPS de l’ISS.

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