Le Bénin peut-il prévenir la propagation régionale du terrorisme?

Entouré de pays touchés par l'extrémisme violent, le Bénin doit investir dans des actions visant à réduire les vulnérabilités des communautés locales.

Depuis février 2018, une soixantaine d’attaques non revendiquées ont été recensées dans la région de l’Est du Burkina Faso. Elles sont, en partie, attribuées à des groupes extrémistes violents comme l’État islamique dans le Grand Sahara, Ansarul Islam ou encore le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans. La recrudescence de ces attaques suscite l’inquiétude des pays limitrophes dont le Bénin.

La réponse militaire a été privilégiée pour remédier à la vulnérabilité du Bénin à l’extrémisme violent. Toutefois, si l’armée a, certes, un rôle à jouer dans la lutte contre le terrorisme, elle ne saurait à elle seule suffire pour éloigner la menace des frontières du pays. Les initiatives mises en œuvre ou envisagées devraient permettre une meilleure compréhension de la menace et favoriser l’implication des communautés locales.

En juillet 2018, le Conseil des ministres a nommé un secrétaire permanent chargé de mutualiser les actions de prévention de l’extrémisme violent au Bénin. À travers cette initiative, le gouvernement a reconnu la nécessité de mettre en place un instrument dédié, à travers la Commission nationale de lutte contre la radicalisation, l’extrémisme violent et le terrorisme, qui aura également pour mission d’adapter la législation du pays à la prévention du phénomène et à sa lutte.

Les forces armées béninoises ont mené, du 26 novembre au 2 décembre 2018, à Ségbana, au nord du pays, une opération antiterroriste dénommée « Ma Kon-Hin ». Cet exercice a permis de tester les aptitudes et tactiques d’un regroupement de 1 050 hommes des armées de terre, de l’air et des forces navales. Il s’est achevé par des actions civilo-militaires dont, entre autres, la réalisation de bloc de latrines et la fourniture de soins au profit des populations.

La porosité des frontières du Bénin avec le Burkina Faso, le Niger et le Nigeria accentue les risques d’une extension de la menace terroriste

Par ailleurs, en janvier, le Bénin a abrité la 4e réunion de l’initiative d’Accra à Cotonou. Cette plateforme visait à apporter des solutions aux défis sécuritaires communs au Bénin, au Burkina Faso, à la Côte d’Ivoire, au Ghana et au Togo. La rencontre, dont le thème était « le partage d’information comme arme », a réuni les ministres et les chefs des services de renseignements et de sécurité des pays membres de l’initiative ainsi que le Mali et le Niger.

Les recherches de l’Institut d’études de sécurité (ISS) dans le Sahel révèlent que les groupes extrémistes violents s’appuient sur les vulnérabilités individuelles, sociales et structurelles pour s’implanter ou opérer. Ils tirent profit des frustrations des populations et s’installent le plus souvent dans les zones excentrées ou frontalières, faiblement contrôlées par les pouvoirs publics, où le lien entre l’État central et les populations est distendu.

Plusieurs de ces facteurs de vulnérabilité existent au Bénin. Bien qu’ils ne se traduisent pas toujours par des actes de violence, le risque qu’ils puissent être exploités par des groupes extrémistes violents est réel.

L’absence ou la faible présence de l’État dans les régions frontalières, l’existence d’importantes réserves fauniques et forestières – constituant des refuges pour ces groupes – ainsi que les frustrations nées des différends entre l’État et les communautés de ces espaces accentuent le risque de vulnérabilité du pays.

Les groupes extrémistes violents s’installent le plus souvent dans les zones excentrées ou frontalières, faiblement contrôlées par les pouvoirs publics

La porosité des frontières exposent le Bénin à la menace terroriste. Celui-ci partage plus de 2 000 km de frontières avec quatre pays dont trois (le Burkina Faso, le Niger et  le Nigeria) sont touchés par la menace. Les communautés situées de part et d’autre de ces frontières sont généralement de la même ethnie et entretiennent des liens familiaux. Les mouvements migratoires des populations du Bénin, en particulier dans un contexte de perméabilité des frontières, accroît cette vulnérabilité. 

Depuis 2012, des efforts ont été entrepris par l’Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontaliers (ABeGIEF) pour développer le sentiment de citoyenneté des populations frontalières et en réduire la pauvreté. Il s’agissait, entre autres, de la construction d’écoles, de l’autonomisation des femmes à travers des activités génératrices de revenus, de la sécurisation des frontières et de la coopération transfrontalière.

Cependant, les populations expriment des besoins prioritaires précis tels que le désenclavement de leurs zones à travers la construction de ponts et de routes, l’accès à l’eau potable et à l’électricité ainsi que la mise en place de cantines scolaires dans les écoles.

Pour ces communautés, les frontières ne constituent pas des barrières mais un continuum territorial qui présente des opportunités de croissance économiques et de développement. Dans ce contexte, il est difficile pour l’État d’ériger des frontières sécurisées, ce qui rend ces espaces poreux et peut favoriser le déplacement des groupes extrémistes violents des pays touchés vers le Bénin.

Ces groupes tirent également profit des vastes réserves forestières et fauniques du complexe W-Arly-Pendjari, que partagent le Bénin, le Burkina Faso et le Niger. Celles-ci leur servent notamment de bases de repli et de lieux d'approvisionnement en nourriture grâce au braconnage.

Les actions de prévention de la menace extrémiste au Bénin devraient prendre en compte l’existence de conflictualités locales

Les différends locaux entre les communautés frontalières et l’autorité centrale pourraient être instrumentalisés par ces groupes pour s’implanter. L’accès aux ressources foncières est une préoccupation qui oppose, d’une part, les communautés entre elles et, d’autre part, les pouvoirs publics aux populations. Certaines décisions de justice ou des autorités locales sont parfois contestées et conduisent à des affrontements sanglants.

De plus, l’attribution en 2017, par le gouvernement, de la gestion des parcs nationaux à African Parks Network, une société sud-africaine, a suscité le mécontentement des travailleurs du Centre national de gestion des réserves de faune. Les communautés qui vivaient de la chasse y ont vu une menace pour leur activité, alors autorisée par le centre et désormais interdite. Cette situation a conduit à des manifestations et des heurts entre forestiers de l’African Parks Network et des chasseurs vivant à proximité des parcs.

Dans un tel contexte, les actions de prévention de la menace extrémiste au Bénin devraient prendre en compte l’existence de conflictualités locales, en particulier celles liées à la gestion des ressources foncières et des parcs nationaux. À cet égard, des mesures alternatives, de médiation ou d’accompagnement des populations qui s’estiment victimes ainsi que des mécanismes d’inclusion et de consultation des communautés peuvent être envisagés.

Aussi, l’accent doit-il être mis sur le désenclavement de ces zones excentrées, la fourniture d’eau potable et d’électricité par l’énergie solaire, par exemple, ainsi que la construction d’écoles dotées de cantines. De telles actions contribueraient à réduire des vulnérabilités susceptibles d’être exploitées par les groupes extrémistes violents au Bénin.

Michaël Matongbada, Chercheur Junior, ISS Dakar

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