La SAMIDRC évitera-t-elle les échecs des missions de paix précédentes ?
La SADC doit s’assurer que l’opération lancée dans l’est de la RDC puisse surmonter les défis des missions précédentes.
Publié le 28 octobre 2024 dans
ISS Today
Par
Remadji Hoinathy
chercheur principal, Afrique centrale et bassin du lac Tchad, ISS
Près d’un an après son déploiement, les perspectives de réussite de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en République démocratique du Congo (SAMIDRC) sont peu encourageantes. Malgré un mandat direct et offensif, celle-ci risque de subir les échecs des opérations précédentes menées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Depuis 1999, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EACRF) et les Forces armées de la RDC (FARDC) ont tenté en vain de rétablir la paix.
Les efforts de la MONUSCO, en particulier, sont critiqués en raison de violations des droits de l’homme et de leur incapacité à répondre aux préoccupations locales dans une région dévastée par la violence exercée par plus de 120 milices. Parmi elles, le groupe rebelle M23, actif depuis 2012, a gagné du terrain dans l’est de la RDC. Un rapport de l’ONU de juillet révèle qu’il bénéficie du soutien militaire des troupes rwandaises et ougandaises, ce que les deux pays démentent.
En mai 2023, la SADC a autorisé la SAMIDRC à stabiliser la région, lui conférant un mandat offensif afin de combattre directement les groupes armés. Cependant, seulement 1 300 soldats du Malawi, de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie ont été mobilisés sur les 5 000 visés.
La SAMIDRC prévoyait 5 000 soldats au lieu des 1 300 déployés
Le financement de SAMIDRC illustre à la fois l’ambition et les limites des initiatives régionales en Afrique. L’Afrique du Sud s’est engagée pour 100 millions de dollars US et la RDC pour 200 millions pour un budget annuel estimé à 500 millions de dollars US. L’importance du déficit financier compromet la réussite de la mission.
Pour soutenir la SAMIDRC, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé un partenariat avec la MONUSCO pour des opérations conjointes, le partage de renseignements et l’assistance technique. Cette collaboration permet à la SAMIDRC de bénéficier des infrastructures de la MONUSCO et de ses capacités logistiques et militaires essentielles, comme les moyens aériens pour les évacuations médicales.
Malgré cet appui, la SAMIDRC peine à stabiliser la région, à l’instar des missions précédentes.
Ses règles d’engagement équilibrent actions offensives et défensives tout en protégeant les civils. Néanmoins, le manque de financements, de troupes et d’équipements la rende peu efficace — comme avec la MONUSCO et la Force d’Afrique de l’Est —, freinant sa capacité à identifier et contrer les groupes armés infiltrés dans les zones civiles et à reconquérir le territoire.
Aux doutes sur les capacités de la SAMIDRC se sont ajoutés ceux sur sa légitimité
En revanche, le M23 a pris le contrôle de sites stratégiques tels que Masisi et Rutshuru, provoquant le déplacement de nombreux civils. Les groupes rebelles ont également commis des violations flagrantes des droits de l’homme, notamment des meurtres, des violences sexuelles et des pillages, les femmes et les enfants étant les plus touchés.
L’Observatoire des déplacements internes rapporte que le conflit en RDC a provoqué le déplacement de plus de deux millions de personnes au premier semestre 2024. Selon Human Rights Watch, les forces rwandaises qui combattent aux côtés du M23 auraient « bombardé sans discrimination les camps de déplacés » autour de Goma toute l’année. Plus de 1 800 enfants ont été enrôlés par les groupes rebelles au cours de l’année écoulée.
Les capacités de la SAMIDRC suscitent des doutes, alimentés par des critiques sur sa légitimité. Face à des déficits de moyens évidents, la SADC a été qualifiée d’« imprudente » pour avoir déployé des troupes. Malgré le manque de chiffres précis, plus de 15 soldats auraient déjà perdu la vie et certains ont été capturés par le M23 en 2024.
Le Rwanda, opposé à ce déploiement non concerté, a demandé à l’Union africaine de retirer son soutien à la SAMIDRC, affirmant que la mission risquait d’exacerber les tensions locales.
Lors d’un atelier organisé en septembre par l’Institut d’études de sécurité, des groupes de la société civile locale et des communautés de l’est de la RDC ont également remis en question la capacité de la SAMIDRC à gérer la complexité du conflit.
Les États membres de la SADC n’ont réussi ni à déployer la force ni à surmonter ses défis structurels
« Les habitants de Goma s’interrogent sur la prolifération de forces étrangères sur le sol congolais, a déclaré un participant. Les gens se demandent combien d’armées étrangères seront encore présentes dans le pays. Cette situation mine la confiance envers […] les FARDC, et beaucoup rejettent la présence croissante d’armées étrangères ».
Les allégations d’inconduite sexuelle ternissent également la crédibilité de la mission. Des rapports récents indiquent que des femmes auraient été mises enceintes ou que des soldats auraient versé des « frais de divorce » pour éviter des poursuites. Ces incidents s’inscrivent dans un historique d’exploitation et d’abus dans ce domaine par des forces de maintien de la paix en RDC, illustrant l’absence de liens entre la sécurité et des initiatives humanitaires et de développement durable.
Le conflit en RDC reflète un réseau complexe d’intérêts divergents autour des ressources du pays, impliquant une variété de groupes armés ainsi que des acteurs nationaux et régionaux. Cette situation complique la tâche de la SAMIDRC.
De plus, les États membres de la SADC n’ont pas réussi à déployer l’intégralité de la force ni à surmonter les défis structurels qui l’entravent. Le soutien de la MONUSCO reste insuffisant pour compenser le manque de financements, d’infrastructures et de personnel, ce qui réduit considérablement les chances de succès face aux groupes rebelles armés et aux forces rwandaises.
Pour pallier certaines de ces difficultés, la SAMIDRC a déployé une équipe de formation pour assurer l’interopérabilité des forces lors d’opérations conjointes avec l’armée congolaise. Toutefois, son succès repose sur la coordination avec la MONUSCO, les communautés locales et les organisations de la société civile.
Sans une action rapide, la SAMIDRC risque de rejoindre la longue liste des interventions ratées dans l’est de la RDC. Elle doit être renforcée pour atteindre son effectif cible. La SADC et ses États membres doivent garantir un financement, un équipement et une formation adéquats, ce qui nécessite un dialogue approfondi et un regain de soutien.
Il convient également de se demander si le mandat de la SAMIDRC devrait inclure des efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix.
Sur le terrain, la mission doit assurer le respect des mécanismes de justice et de responsabilité face aux fautes professionnelles et aux abus sexuels. Un engagement direct avec les gouvernements locaux, la société civile et les communautés est crucial pour comprendre les préoccupations locales et promouvoir une coopération efficace.
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