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La police de l’UA doit être plus active dans la gouvernance de la paix et de la sécurité

L’Union africaine a sous-utilisé la police dans ses efforts de consolidation de la paix ; il est temps qu’elle participe aux décisions.

Les plans ambitieux de développement et de libre-échange de l’Union africaine (UA) auront du mal à porter leurs fruits sans de nouvelles approches face à l’instabilité et à l‘insécurité. Donner à la police, avec son approche orientée vers la communauté, un rôle accru dans la consolidation de la paix et les opérations de soutien à la paix (OSP) pourrait contribuer à la stabilité et au développement.

Les conflits violents et la criminalité organisée restent des menaces majeures pour la sécurité humaine en Afrique. Entre 1989 et 2022, le nombre de conflits a augmenté de 306 %, passant de 34 en 1989 à 104 en 2022. Au cours des cinq dernières années, les taux de criminalité organisée ont augmenté, et pourraient rester élevés, la résilience des États demeurant faible. Dans ces conditions, il est peu probable que l’approche sécuritaire « dure » adoptée en Afrique, caractérisée par des opérations à forte composante militaire, permette d’instaurer la paix et la stabilité.

La consolidation de la paix est l’objectif final de toutes les OSP et vise à soutenir les structures et les politiques qui construisent la paix et empêchent la résurgence du conflit. Elle englobe : le renforcement de l’état de droit, la prévention des crimes, la promotion de la justice et des droits de l’homme, l’amélioration de la gouvernance démocratique et la promotion de la résolution des conflits et de la réconciliation.

L’utilisation de la police de proximité comme approche « douce » de la sécurité favoriserait la consolidation de la paix aux plans régional et continental. Le rôle inestimable de la police des Nations unies dans la consolidation de la paix, la gouvernance et le développement est reconnu à différents niveaux, notamment par le secrétaire général des Nations unies António Guterres et le Conseil de sécurité.

Depuis 2000, la police n’a participé qu’à deux des 27 OSP autorisées par l’UA

Malgré son rôle grandissant dans la consolidation de la paix, l’UA a sous-utilisé la police. À l’instar des Nations unies, elle a adopté une approche multidimensionnelle des OSP, qui inclue également des composantes civiles et policières. Cependant, la plupart des OSP restent dominées par les militaires. Depuis l’année 2000, la police n’a participé qu’à deux missions des 27 OSP autorisées par l’UA en Afrique : au Darfour au Soudan (2004-2007) et en Somalie (depuis 2009).

L’armée et la police ont des rôles distincts dans la gestion des conflits et la consolidation de la paix. L’armée peut mettre un terme aux affrontements armés et prévenir leur reprise, tandis que la police se concentre sur la prévention de la criminalité, les enquêtes, et le rétablissement de l’état de droit et de la justice.

La protection des civils est une priorité des mandats des missions de paix actuelles. Diverses études indiquent que la police est plus souple et réactive que les militaires et les civils dans la mise en œuvre de ces mandats grâce à sa formation, ses compétences, son attitude et son approche.

Dans les environnements post-conflit, la police peut aider à réformer et à reconstruire les capacités des forces de l’ordre locales et des institutions chargées de l’application de la loi. Les mesures axées sur la communauté permettent à la police de s’associer à des personnes à différents niveaux et de les responsabiliser, et de fournir des services de sécurité adaptés aux besoins de la population. Grâce à des partenariats et des engagements communautaires, la police peut renforcer la confiance du public, essentielle à une paix durable.

Aucun conseiller principal en police n’a été nommé ni de structure de maintien de l’ordre mise en place

Cependant, plusieurs contraintes structurelles et opérationnelles concernant la police dans les OSP de l’UA subsistent. La police n’est pas représentée dans les structures décisionnelles de l’UA telles que le Conseil de paix et de sécurité et le Comité technique spécialisé sur la défense, la sûreté et la sécurité. Ces structures ont besoin d’un organe consultatif qui leur procure des conseils professionnels fondés sur des preuves sur toutes les questions relatives au maintien de l’ordre.

La politique de l’UA de 2018 sur le maintien de l’ordre dans les OSP prévoit la présence de structures de police au siège, à Addis-Abeba, et sur le terrain. Elle indique que le bureau de la composante de police au siège devrait comprendre, entre autres, un conseiller en chef de la police et un conseiller adjoint. Toutefois, jusqu’à présent, aucun conseiller en chef n’a été nommé et aucune structure policière n’a été mise en place.

Le Groupe de soutien stratégique de la police, composé de représentants des États membres et créé par le président de la Commission de l’UA en 2013, a été officialisé par la politique de l’UA. Son rôle consultatif et le manque de leadership et de coordination limitent cependant son efficacité.

Les liens entre la police de l’UA et les forces de police nationales africaines sont également médiocres. L’absence de relations directes et de canaux de communication indique que toutes les informations policières sont acheminées par des voies militaires, ce qui entraîne des retards.

Les diverses tentatives pour inscrire cette question à l’ordre du jour de l’UA ont été largement infructueuses en raison d’un malentendu persistant sur la portée et la fonction du maintien de l’ordre dans les OSP. Beaucoup le perçoivent comme une fonction locale, limitée aux frontières nationales. Bien que les dirigeants africains aient adopté la politique de l’UA sur le maintien de l’ordre dans les OSP, le manque de leadership pour défendre sa mise en œuvre est également un problème.

Beaucoup à l’UA considèrent la police comme une fonction limitée aux frontières nationales

L’UA doit renforcer sa structure policière continentale pour bénéficier d’une police au service de la consolidation de la paix dans le cadre de ses aspirations de l’Agenda 2063. L’application stricte des dispositions de la politique de l’UA serait un début.

La Commission de l’UA devrait créer un bureau spécifique doté d’experts en police, dont un conseiller en chef. Le conseiller en chef peut également guider les travaux du mécanisme de coopération policière de l’UA, Afripol, de la composante police de la Force africaine en attente et des OSP déployées sur le terrain. Cela permettrait d’harmoniser le travail de la police dans la lutte contre la criminalité, la gestion des conflits et la consolidation de la paix. Le nouveau bureau de police pourrait également coordonner le rôle du Groupe de soutien stratégique de la police dans toute l’Afrique.

Les chefs de police des États membres de l’UA, en particulier des 15 pays membres du Conseil de paix et de sécurité, devraient participer aux processus décisionnels stratégiques de l’UA sur l’état de droit, la justice, la gestion des conflits et la consolidation de la paix.

Les États membres doivent aussi incorporer des officiers de liaison de la police dans leurs missions diplomatiques permanentes auprès de l’UA à Addis-Abeba. Ces officiers faciliteraient la communication entre la Commission de l’UA et les pays, et renforceraient le partage des informations et des meilleures pratiques en matière de police et de consolidation de la paix en Afrique et au-delà.

Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Up Close, un blog du programme Afrique du Wilson Centre.


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