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L’économie bleue et ses débouchés pour la Zambie

Un immense potentiel pour le développement durable de la Zambie se cache derrière ses ambitions maritimes.

L'industrie maritime est généralement associée aux États côtiers. Cependant, le domaine maritime comprend également les voies navigables intérieures comme les lacs, les rivières et les barrages. Les pays enclavés comme la Zambie peuvent donc activement promouvoir leurs intérêts dans ce secteur.

Cela leur est possible grâce à la coopération internationale et des cadres juridiques tels que la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) qui a établi le système actuel de gouvernance maritime. Plusieurs États enclavés ont participé à la rédaction de la convention. La CNUDM maintient un équilibre entre les zones économiques exclusives et les droits de navigation pour tous les États, et pas seulement les États côtiers. La Suisse et l'Autriche, par exemple, sont des pays enclavés qui développent des industries maritimes florissantes en étant « reliés par voie terrestre ».

Les États africains enclavés ont déjà façonné le système de gouvernance maritime. L'Éthiopie, en particulier, se dit souvent confinée dans une « prison géographique », ce qui souligne la nécessité d'un accès aux côtes et influence la gouvernance maritime dans la Corne de l'Afrique et au-delà.

La demande d'accès aux ports devrait augmenter pour les pays enclavés, en particulier pour le commerce et l'exploitation des ressources en mer. La CNUDM leur offre des droits d'accès au littoral, souvent grâce à des accords avec les États côtiers, comme celui entre l'Éthiopie et le Somaliland qui accorde à l'Éthiopie l'accès au port de Berbera à des fins commerciales et militaires.

La Zambie pourrait devenir une plaque tournante du commerce régional

La transition mondiale vers l'énergie durable a intensifié la demande de matières premières essentielles aux technologies d’énergie propre. Selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie, la demande de cuivre, de cobalt et de lithium devrait augmenter respectivement de 40 %, 70 % et 90 % au cours des prochaines décennies.

Cela représente une opportunité majeure pour la Zambie, qui possède de riches gisements de cuivre. Elle pourrait être favorisée par le projet du corridor de Lobito : une ligne ferroviaire de 1 300 km qui reliera la République démocratique du Congo (RDC) et la Zambie à l'océan Atlantique via le port angolais de Lobito. En octobre 2023, les États-Unis et l'Union européenne ont signé un accord sur le corridor avec la Banque africaine de développement pour soutenir l'Angola et les deux plus grands producteurs de cuivre d'Afrique, à savoir la RDC et la Zambie.

Le potentiel de l'économie bleue pour la Zambie

Le potentiel de l'économie bleue pour la Zambie

Source: ISS
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La RDC et la Zambie exportent déjà la majeure partie de leur cuivre vers la Chine. En février, Pékin a annoncé qu’il investira un milliard de dollars pour rénover le chemin de fer Tanzanie-Zambie qui relie la ceinture de cuivre zambienne à l'océan Indien en passant par le port de Dar es Salaam.

Même si la course mondiale aux matières premières essentielles peut libérer le potentiel de développement de la Zambie, elle est complexe sur le plan géopolitique et présente des risques potentiels. Certains voient dans le regain d'intérêt des États-Unis pour le corridor de Lobito la réponse de Washington aux nouvelles routes de la soie de Pékin, qui s'inscrit dans le cadre plus large de la rivalité géopolitique entre les États-Unis et la Chine.

Les deux puissances mondiales adoptent des approches divergentes. La Chine s'affirme en proposant des projets d'infrastructure et des prêts pour garantir l'accès aux ressources, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la dépendance à la dette. L'objectif de la Chine est de renforcer son emprise sur l'industrie minière régionale, en particulier sur les exportations de cuivre. Cette influence croissante a des implications économiques, environnementales et politiques significatives.

Les États-Unis ont souvent recours à une stratégie axée sur les partenariats économiques et les investissements, visant à favoriser le développement et les avantages mutuels avec les pays en développement. Toutefois, Washington tiendra-t-il ses promesses et surmontera-t-il les inquiétudes liées au risque politique ?

La Zambie possède 40 % des ressources en eau douce de l'Afrique australe

La position stratégique de la Zambie, à égale distance des océans Atlantique et Indien, pourrait faire d'elle une plaque tournante essentielle du commerce régional. Cela lui permet de garder un équilibre entre les États-Unis et la Chine, et d'adopter une diplomatie qui sert ses objectifs économiques et de développement. Cette position est en accord avec la politique étrangère du président Hakainde Hichilema, qui courtise l'Occident tout en soignant ses relations avec la Chine.

La pression de la concurrence géopolitique oblige la Zambie à avancer avec prudence pour sauvegarder ses intérêts nationaux. Ses priorités sont la transparence, le développement des infrastructures, la création d'emplois et une évaluation méticuleuse des termes de l'accord.

La Zambie peut également jouer un rôle important dans la gouvernance internationale des océans, notamment en ce qui concerne le changement climatique. Le pays a rejoint l'Organisation maritime internationale en 2015 — qui compte 16 pays enclavés dont six pays africains. Elle a aussi signé récemment le traité des Nations unies sur la biodiversité au-delà de la juridiction nationale. La Zambie doit maintenant contribuer au développement et à la mise en œuvre de pratiques de transport maritime durables et ratifier le traité visant à protéger les océans de la planète.

Avec de vastes étendues d'eau comme le fleuve Zambèze, les lacs Tanganyika, Kariba, Bangweulu et Mweru (qui sont pour la plupart transfrontaliers), la Zambie possède 40 % des ressources en eau douce de l'Afrique australe, ce qui est crucial pour le développement durable.

L’accès à la mer permet le transport de volumes plus importants à un moindre coût environnemental

Toutefois, l'absence de disposition spécifique de la CNUDM sur les voies d'eau intérieures rend difficile la gestion des masses d'eau transfrontalières. La convention de 1996 de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux est le seul cadre juridique contraignant au niveau mondial pour la collaboration concernant les ressources en eau partagées. La Zambie n'a pas signé cette convention et n'y a pas adhéré, mais devrait le faire.

La récente validation par la Zambie d'une stratégie nationale d'économie bleue reconnaît le potentiel de ces vastes ressources d'eau douce. La stratégie porte sur la biotechnologie, la durabilité environnementale, les services écosystémiques, le transport fluvial, la gestion de l'industrie de la pêche et les ressources minérales sous-marines.

La croissance économique doit toutefois être en harmonie avec la durabilité environnementale. Pour ce faire, la stratégie de l'économie bleue devrait relever du ministère de l'Économie verte et de l'Environnement, en partenariat avec le ministère du Commerce et de l'Industrie. En créant une synergie entre la conservation de l'environnement et le développement économique, la Zambie peut relever les défis liés au climat et favoriser une approche durable et inclusive de son secteur maritime.

La situation stratégique de la Zambie et la ratification de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine la positionnent comme une future plaque tournante commerciale au sein de la SADC et du marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe. Grâce à l’accès à la mer, des volumes plus importants pourraient être expédiés à des tarifs plus économiques que ceux des voies routières et aériennes, avec l'impact environnemental le plus faible par tonne dans le secteur des transports.

En explorant le potentiel de son industrie maritime, la Zambie doit regarder au-delà des industries extractives, où les États-Unis et la Chine sont les grands gagnants, et réfléchir à la manière dont le commerce intracontinental pourrait ouvrir des opportunités pour le développement durable.

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