Faire financer les missions de paix de l’UA par l’ONU ?

Malgré des évolutions positives, pérenniser le Fonds pour la paix de l’UA reste une priorité pour le financement des opérations de paix.

De 2000 à aujourd'hui, l'Union africaine (UA) et les communautés économiques régionales ont mené près de 27 opérations de maintien de la paix en Afrique. Ces missions ont été confrontées à divers problèmes, tels que l'absence d'une stratégie politique directrice, une dépendance excessive à l'égard des déploiements militaires et un manque de capacités et de compétences diversifiées.

Dans la majorité des cas, l’inexistence d’un financement approprié, pérenne et prévisible a pesé sur le bon déroulement de ces missions. Pour y remédier, l'accent a été mis davantage sur l'utilisation des contributions obligatoires des Nations unies (ONU). Ces paiements obligatoires par les États membres selon une formule convenue sont devenus une demande essentielle dans le cadre d'un partenariat naissant entre l'ONU et l'UA en faveur de la paix et de la sécurité.

António Guterres, secrétaire général des Nations unies, a publié le 1er mai un rapport sur la sécurisation des ressources pour les opérations de paix conduites par l'UA. Ses conclusions pourraient résoudre le problème de financement constaté de longue date. Ce rapport a déclenché des processus politiques majeurs qui pourraient voir les missions pour la paix de l'UA financées par les fonds des Nations unies, notamment un projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) qui devrait être négocié dans le courant de l'année.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA s'est penché le 12 mai sur ce rapport et sur le rôle que pourrait jouer le Fonds pour la paix de l'UA. Les trois membres africains du CSNU (le Gabon, le Ghana et le Mozambique) présenteront au CPS, le 25 mai, des modèles de financement des opérations de maintien de la paix.

Des membres du CSNU semblent favorables au soutien de l'ONU aux missions de paix de l'UA

Le rapport de Guterres constitue un indicateur précieux de la réflexion en cours sur l'approche de l'ONU en matière de financement durable des missions de maintien de la paix. Toutefois, la mise en œuvre de ses recommandations dépend de la volonté politique des principaux membres du Conseil de sécurité, qui doivent approuver le projet de résolution et allouer les ressources nécessaires.

Par le passé, les Nations unies faisaient appel à des contributions obligatoires pour financer certaines missions africaines de maintien de la paix, comme celle de l'UA en Somalie. Néanmoins, ces opérations constituaient des exceptions et, dans le cas de la Somalie, l'ensemble du dispositif de soutien logistique ne couvrait pas la totalité des besoins de la mission. Le rapport indique que les réalités de l’environnement conflits/réponses exigent qu'un financement prévisible et pérenne des opérations pour la paix de l'UA soit « envisagé de manière plus systématique ».

Ce rapport reconnaît dans son ensemble les avancées de l'UA relatives aux éléments clés du débat sur le financement. Ils concernent notamment le partage de la charge financière entre les Nations unies et l'UA, les modèles de financement appropriés, les processus de définition des mandats et de planification, et le respect des droits de l'homme et du droit humanitaire international. Les efforts de l'UA pour développer un cadre stratégique pour la conformité, la responsabilité et la discipline sont également soulignés.

En outre, le rapport contient une série de propositions sur les modalités de financement qui pourraient être envisagées si le CSNU acceptait de soutenir, au cas par cas, les missions de maintien de la paix de l'UA. Les deux approches privilégiées dans le document du Secrétaire général s'alignent sur la position de l'UA concernant l'utilisation du Fonds pour la paix.

Partager des charges de l'UA pourrait s'avérer inadéquate pour certains membres du CSNU

La première option serait une mission hybride ONU-UA (comme celle déployée au Darfour) relevant du CSNU et du CPS de l'UA, dont la gestion serait assurée par les Nations unies conformément à ses politiques, règlements, normes et procédures. La deuxième option consisterait en un ensemble de mesures de soutien de l'ONU (comme en Somalie) fournies par le biais de contributions évaluées. Ces mesures serviraient à réaliser les activités mandatées par le CSNU, y compris celles qui ne relèvent pas des opérations de paix de l'ONU, dans le cadre d'une stratégie politique cohérente.

Dans son rapport, Guterres décrit un processus consultatif pour la planification conjointe, processus par lequel il réaffirme le rôle du CSNU dans le mandat des missions de l'UA bénéficiant d'un financement des Nations unies. Toute demande de soutien serait transmise par l'intermédiaire de l'UA et ferait l'objet d'une évaluation conjointe soumise à l'examen du Conseil de sécurité et du CPS. Les communautés économiques régionales d'Afrique seraient en mesure d'introduire des demandes de soutien par l'intermédiaire de l'UA et de participer à des évaluations stratégiques conjointes UA-ONU.

En revanche, le rapport reste évasif sur un point essentiel : la proposition de l'UA de contribuer à hauteur de 25 % au financement de l'opération. Cette contribution couvrirait en grande partie la planification, le pré-déploiement et la préparation de la mission. La contribution de 75 % des Nations unies couvrirait le reste des coûts de déploiement et de post-déploiement.

Curieusement, le rapport mentionne la proposition de partage des charges de l'UA mais sans se prononcer à son sujet. Selon un nouveau rapport du CSNU, ce mécanisme pourrait s'avérer inadéquat pour certains de ses membres qui insistent pour que l'UA s'engage davantage dans le financement des opérations de maintien de la paix. Pourtant, les observateurs ne pensent pas que cela constituera un obstacle dans les négociations sur le projet de résolution.

Reste à savoir comment financer les missions africaines non autorisées par le CSNU

La concrétisation des attentes du rapport repose sur la volonté politique des principaux membres du CSNU. En dépit de réticences antérieures, certains de ses membres semblent pencher vers un soutien de l'ONU aux missions de paix de l'UA. La raison principale de ce changement est l'évolution de la dynamique géopolitique et les difficultés que rencontrent les grandes opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Cette dynamique devrait être mise à profit par l'UA et ses États membres en vue de l'adoption d'une résolution du CSNU sur le financement des missions de l'UA. Pour ce faire, une diplomatie soutenue de l'UA et des trois membres africains du CSNU sera essentielle. L'UA réfléchit à l'idée de désigner un champion pour mobiliser les ressources des partenaires au développement pour des activités de l'UA dans le domaine de la paix et de la sécurité. Celui-ci pourrait également plaider en faveur de l'adoption de la résolution du CSNU.

Certes, le rapport du Secrétaire général est favorable à l'Afrique, mais il ne propose de financer que les opérations de l'UA mandatées par le CSNU. Reste à savoir comment financer les missions africaines non autorisées par ce dernier.

Par ailleurs, en cas de mise en œuvre, l'accord des Nations unies n’éliminera pas la dépendance excessive de l'Afrique à l'égard des fonds des bailleurs de fonds et ne lui permettra pas de s'approprier ses efforts de paix. Il convient d'explorer d'autres voies, et le Fonds pour la paix de l'UA est une option évidente. Le renforcement de l'engagement des États membres en faveur de ce fonds nécessitera des discussions franches au sein de l'organisation continentale.

La question du financement ne devrait pas éclipser dans le débat le besoin de trouver des solutions globales aux problèmes de sécurité de l'Afrique. Les opérations de maintien de la paix ne doivent être déployées que dans le cadre d'un ensemble de réponses découlant d'une stratégie politique rationnelle axée sur la prévention des conflits et la gouvernance inclusive.

Dawit Yohannes, chef de projet et chercheur principal, Meressa K Dessu, chercheuse principale et coordinatrice de la formation, et Emmaculate A Liaga, chercheuse, ISS Addis-Abeba.

Image : © ATMIS Photo/Mukhtar Nuur

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