© John Wessels/AFP

Élections en RDC : nouveau rendez-vous manqué avec la démocratie

Après les accusations de « coup d’État électoral » en 2018, les élections de décembre 2023, elles aussi, ont manqué de légitimité.

Après la victoire contestée du président Félix Tshisekedi aux élections de décembre 2023, la démocratie est en péril en République démocratique du Congo (RDC). Des allégations d’irrégularités et de violations du droit de vote révèlent de graves lacunes dans le système démocratique du pays.

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé Tshisekedi vainqueur avec plus de 70 % des voix, suivi par Moïse Katumbi avec 18 %, Martin Fayulu avec 5 % et Denis Mukwege avec moins de 1 %.

Cette victoire écrasante du président est largement remise en question. Les élections présidentielles, locales, provinciales et nationales synchronisées ont été qualifiées de « farce ». Des appels pour un nouveau scrutin ont été lancés.

Les prévisions préélectorales de GeoPoll indiquaient une victoire de Tshisekedi, sur la base d’améliorations socio-économiques limitées, telles que l’éducation gratuite, et d’une opposition divisée. Cependant l’ampleur de sa victoire a soulevé des questions sur l’ensemble du processus.

La commission électorale nationale n’a pas fourni de registre électoral pour examen et vérification

La communauté internationale, l’opposition et les groupes de la société civile ont régulièrement dénoncé les insuffisances des préparatifs électoraux de la CENI. Une mission d’observation de l’Église catholique et de l’Église du Christ au Congo a documenté 5 402 irrégularités significatives dans les bureaux de vote, telles que des dysfonctionnements des dispositifs de vote, des bureaux de vote non ouverts et des bourrages d’urnes. Le site Internet de la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (SYMOCEL), un groupe d’observateurs nationaux, a rapporté que les deux tiers des bureaux de vote ont ouvert tardivement et que seulement 57 % ont respecté les procédures.

En outre, bien que la CENI ait annoncé l’inscription de 44 millions de personnes sur les listes électorales (sur un total de 100 millions), aucun registre électoral n’a été fourni pour examen et vérification. Malgré les offres d’audit des listes électorales de l’Union africaine (UA) et des Nations unies (ONU), la CENI a préféré un audit interne de cinq jours. La Commission n’a également pas réussi à rendre plus transparentes les inscriptions des électeurs et a rejeté les appels de la Conférence épiscopale nationale du Congo (de l’opposition) pour un audit indépendant du registre électoral.

Peu de progrès ont été faits lors de ces élections de 2023 par rapport à celles de 2018, qui représentaient la première opportunité pour la RDC d’un transfert démocratique du pouvoir. Les deux élections ont été entachées par les mêmes allégations.

En 2018, l’Église catholique et la SYMOCEL avaient signalé des fraudes et des irrégularités, comme l’entrave à l’observation et des bulletins de vote et des machines de vote manquants. Des divergences sont apparues entre les centres de compilation des résultats locaux et les bureaux de vote, conduisant les premiers à refuser d’approuver le décompte officiel.

Les recommandations de la SADC sur la réforme électorale ont été peu suivies par la CENI ou le gouvernement

L’UA, l’ONU et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) avaient également constaté des problèmes lors des élections de 2018 et la SADC avait alors demandé à Kinshasa de recompter les votes. Malgré ces déficiences, les trois organisations régionales ont jugé les élections globalement satisfaisantes. Par conséquent, peu des recommandations de la mission d’observation de la SADC ont été suivies par la CENI ou le gouvernement pour procéder à des réformes avant les élections de décembre.

En 2023, la communauté internationale a de nouveau minimisé de graves irrégularités électorales. Les Nations unies ont demandé une enquête qui a été limitée aux discours de haine et à l’incitation à la violence. L’UA et la SADC sont restées neutres.

En 2018, Fayulu est devenu une figure majeure de l’opposition, contestant la victoire de Tshisekedi et qualifiant le scrutin contesté de « coup d’État électoral ». Il a accusé Tshisekedi d’avoir conclu un accord avec le président sortant Joseph Kabila. Ce sentiment a également entaché les élections de 2023, avec des appels à des manifestations de l’opposition.

Les allégations persistantes d’irrégularités, de fraudes et de manipulations politiques en 2018 et en 2023 ont entamé la confiance des électeurs dans le processus électoral et érodé la crédibilité des institutions démocratiques de la RDC, soulignant la nécessité de commissions électorales et de tribunaux indépendants.

Comme en 2018, la communauté internationale a de nouveau minimisé de graves problèmes électoraux

Le problème des non-votants pose un défi majeur pour la démocratie. L’absence de scrutin dans les zones contrôlées par des centaines de groupes armés, tels que le M23 et la coalition Wazalendo à Rutshuru et Masisi, prive des centaines de milliers de citoyens de leur droit de vote comme aux élections de 2018, alimentant les troubles civils et l’instabilité.

Le gouvernement doit rester ouvert au dialogue avec l’opposition politique sur la réforme du processus électoral pour apaiser les tensions et favoriser l’inclusion politique. La sécurité à Rutshuru et Masisi doit également être renforcée, bien que la dynamique actuelle montre que cela prendra un certain temps.

Tshisekedi doit collaborer avec la CENI pour garantir l’intégrité, la transparence et l’inclusivité des futures élections, ce qui est essentiel pour restaurer la confiance du public dans le processus électoral et les institutions démocratiques et assurer la stabilité de la RDC. La SADC, l’UA et l’ONU peuvent apporter leur soutien et leur expertise dans ce processus.

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