REUTERS/Arlette Bashizi

Autopsie de l’échec de la SADC dans l’est de la RDC

Le retrait prématuré des contingents de la SADC révèle de profonds problèmes politiques et de l’insuffisance des capacités militaires.

Le 13 mars, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a annoncé mettre fin à son déploiement militaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et entamer le retrait progressif de ses troupes. Cette annonce est la conséquence d’une série de revers de la mission de la SADC en RDC (SAMIDRC), dont le point culminant a été la prise, en janvier, des villes de Sake et de Goma par le M23, mouvement soutenu par le Rwanda.

Depuis sa mise en place en décembre 2023, la force régionale n’a pas réussi à repousser le M23 et a subi des pertes. C’est le second déploiement de la SADC, après la mission au Mozambique, à s’achever sans résultat.

Pourquoi ces échecs et quelles en sont les implications pour les futures opérations régionales ?

L’échec de la SAMIDRC dans l’est de la RDC peut être attribué à plusieurs facteurs militaires et politiques. D’un point de vue militaire, la mission a été débordée par le M23 et le Rwanda à Sake et à Goma.

Les contingents de la SADC, qui étaient censés combattre aux côtés de l’armée congolaise, ont trouvé une force nationale démotivée et peu préparée. De plus, le manque de capacité  de la SAMIDRC elle-même l’a grandement limitée. Le défaut de financement durable et d’équipement, en particulier de puissance aérienne, ainsi que la faiblesse du réseau routier l’ont également compromise.

Le mandat de SAMIDRC était plus axé contre l’insurrection que sur le maintien de la paix

La RDC a sollicité la SAMIDRC, espérant réitérer le succès de 2012-2013 de la brigade d’intervention des Nations unies dans l’est du pays. Cependant, la puissance opérationnelle des forces sud-africaines – l’épine dorsale de la brigade – s’est considérablement détériorée par rapport aux autres armées de la région (voir la figure).

 

Sur le plan politique, la SAMIDRC a souffert d’un manque de cohésion au sein de la SADC. Entre 2022 et 2024, rares étaient les États membres qui souhaitaient financer une mission qui ne correspondait pas à leurs intérêts nationaux.

L’ambiguïté stratégique a également miné la force. Le déploiement militaire n’était pas ancré dans un processus politique. Pire encore, il y avait une certaine concurrence entre la SAMIDRC, soutenue principalement par l’Afrique du Sud et, dans une certaine mesure, par la Tanzanie, et le processus de Luanda, mandaté par l’Union africaine (UA) et dirigé par le président angolais João Lourenço. L’Angola appartenant à la SADC, le bloc aurait pu s’occuper du volet militaire et Luanda se concentrer sur le processus politique. 

L’indécision de la Tanzanie a ajouté à la confusion. La Tanzanie n’avait pas participé à la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (CEA) déployée dans l’est de la RDC avant la SAMIDRC. Bien qu’elle ait d’abord soutenu la SAMIDRC, elle a progressivement évolué vers une position neutre.

À l’approche des élections d’octobre, la présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan, a accordé la priorité au développement économique et à la stabilité régionale plutôt qu’aux engagements militaires. Maintenir de bonnes relations avec le Rwanda et l’Ouganda est crucial. Le Rwanda dépend du port de Dar es Salam pour son approvisionnement en marchandises, et l’Ouganda prévoit de transporter du pétrole brut des champs pétrolifères du lac Albert vers le port de Tanga, en Tanzanie, via l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est.

Les organisations régionales ont été conçues à l’origine pour l’intégration économique

La Tanzanie s’inquiète également de la propagation de l’extrémisme violent sur son territoire à partir du nord du Mozambique. Un contingent militaire rwandais soutient actuellement les forces mozambicaines dans la région, ce qui rend moins probable une confrontation ouverte entre la Tanzanie et le Rwanda dans l’est de la RDC. La tiédeur de l’engagement de la Tanzanie au sein de la SAMIDRC a affaibli la mission et a contribué à sa disparition.

Les pays impliqués dans l’est de la RDC sont motivés par des intérêts stratégiques concurrents. En poussant au déploiement de la SAMIDRC, l’Afrique du Sud semble principalement motivée par des facteurs économiques et par le désir de préserver son prestige régional, bien qu’elle ne dispose pas des capacités militaires nécessaires. Aussi importante que soit la RDC, elle ne constitue pas un intérêt majeur pour l’Afrique du Sud.

En revanche, l’Ouganda et le Rwanda considèrent que l’est de la RDC est vital en raison de leur proximité géographique, de leurs préoccupations en matière de sécurité et des enjeux économiques. Ce qui explique leur engagement inébranlable en faveur d’une présence militaire à long terme, notamment en soutenant le M23.

L’échec de la SADC en RDC et son retrait prématuré du Mozambique soulèvent des questions quant à l’efficacité du Pacte de défense mutuelle de la SADC. Bien que les responsables sud-africains et le Secrétariat de la SADC l’aient présentée comme une mission de maintien de la paix, la SAMIDRC ne répondait pas à la définition standard du maintien de la paix.

Son mandat était axé sur la contre-insurrection et visait à « aider le gouvernement de la RDC à rétablir la paix et la sécurité dans la région orientale ». Il s’agissait donc d’une mission de combat et non d’une opération de maintien de la paix.

Les intérêts au sein des blocs régionaux peuvent diverger ou être même concurrents

L’absence de stratégie politique – la colonne vertébrale du maintien de la paix traditionnel – le souligne encore davantage. Dans ce contexte, les allusions du gouvernement sud-africain à un retrait progressif pour céder la place à des efforts de médiation ne sont guère plus qu’un moyen de sauver la face.

Alors que la capacité de la SADC à remplir son mandat de défense mutuelle s’affaiblit, elle semble se concentrer de plus en plus sur la protection des présidents en exercice à la suite d’élections très contestées. En tant qu’organisation régionale, elle peine à contribuer à la sécurité de ses États membres et à promouvoir les normes démocratiques.

Conçues à l’origine pour l’intégration économique, les organisations régionales ont toujours lutté pour devenir des structures efficaces de sécurité et de défense collectives.

Avant la SAMIDRC, la force régionale de la CEA a été expulsée de l’est de la RDC en raison de divergences d’interprétation du mandat de la mission entre Kinshasa et la CEA. Les opérations de soutien à la paix en Afrique centrale se sont souvent révélées plus efficaces, même si la région est en retard en matière d’intégration.

Les revers militaires subis par la SADC et la CEA suggèrent qu’il est nécessaire de réévaluer le principe de subsidiarité de l’UA. Celui-ci donne la priorité aux acteurs les plus proches d’une situation (pays ou communautés économiques régionales) sur ceux qui en sont plus éloignés (UA ou Nations unies).

La mise en œuvre de ce principe révèle que les États membres d’un même bloc régional peuvent avoir des intérêts divergents, voire concurrents, dans les situations de crise, ce qui rend difficile, voire impossible, la coordination des réponses en matière de sécurité.

Cette question figure parmi les priorités du nouveau président de la Commission de l’UA, Mahmoud Ali Youssouf. Toutefois, une réforme significative ne sera possible que si les organisations régionales examinent leurs faiblesses structurelles. Dans le cas contraire, les futures interventions militaires sont vouées à l’échec.

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