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La fusion entre gouvernance et sécurité a-t-elle été bénéfique pour l’UA ?

La multiplication des crises en Afrique nécessite une Commission de l’UA plus homogène, plus compétente et mieux équipée.

L’une des dimensions les plus visibles de la réforme de la Commission de l’Union africaine (CUA) est la création, en 2020, du département des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité (PAPS). Marquant un tournant dans le processus de réforme de la Commission, ce nouveau département est né de la fusion des départements Affaires politiques et Paix et sécurité.

Des fusions du même ordre avaient déjà été opérées au sein des Nations unies et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Les architectes de la réforme de la CUA espéraient qu’elle permettrait à l’UA d’être plus à même de répondre à des crises pluridimensionnelles.

Cependant, cinq ans plus tard, l’homogénéité et les capacités du PAPS sont remises en question. Malgré le report du sommet de l’UA sur les réformes, qui était prévu le 26 novembre, il est essentiel d’évaluer l’impact de cette fusion. Le PAPS reste le plus grand département de la CUA, tant en termes d’effectifs que de budget. Son évolution pourrait mettre en lumière les succès et les limites de l’effort de réforme dans son ensemble.

Dès le début, sa réalisation a suscité des inquiétudes. Au-delà de l’absence de cadre global, pourtant nécessaire à la cohérence politique et bureaucratique, certains analystes avaient identifié des incohérences techniques. La première concernait la dissolution du système continental d’alerte rapide (SCAR) créé par le protocole établissant le Conseil de paix et de sécurité de l’UA (protocole du CPS).

Le SCAR a été absorbé par les bureaux régionaux, ce qui a considérablement réduit sa capacité à surveiller et à anticiper les menaces émergentes. Cela a affaibli l’alerte rapide en déplaçant l’attention vers les crises déjà inscrites à l’ordre du jour du CPS, laissant de côté les risques émergents ou latents insuffisamment traités.

Les bureaux régionaux n’ont pas la capacité d’assumer le mandat d’alerte rapide

Avec seulement trois agents habituellement affectés à chacun des cinq bureaux régionaux, la capacité à assumer le mandat préventif du SCAR est manifestement insuffisante. La légalité de sa dissolution a également été remise en question, car elle s’est produite sans révision du protocole établissant le CPS.

La deuxième question technique concerne l’exclusion du Programme frontière de l’UA du PAPS. Cela est particulièrement frappant compte tenu de l’adoption par l’UA en 2018 de l’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et du Protocole sur la libre circulation des personnes. Ces deux instruments exigent des approches cohérentes du continent de la gouvernance des frontières, qui étaient centralisées au sein du Programme frontière.

De plus, le caractère transnational du terrorisme et de la criminalité organisée exige une gestion innovante des frontières. La suppression de ce programme du PAPS reflète un décalage préoccupant entre la structure institutionnelle et les priorités politiques continentales.

Ces deux omissions techniques soulèvent des questions plus profondes quant à la justification même de la fusion. Elles suggèrent que la réforme a peut-être été motivée davantage par la nécessité de réduire les coûts et de projeter une image de rationalisation que par une vision cohérente visant à intégrer la gouvernance, la paix et la sécurité.

Si la fusion visait à améliorer la coordination et l’efficacité, elle n’a pas mis en place les mécanismes nécessaires pour réaliser cette ambition. Plus précisément, elle n’a pas renforcé la capacité de la CUA à traiter les questions de gouvernance en Afrique.

Les réformes de l’UA ont peut-être été motivées davantage par la nécessité de réduire les coûts

Parmi les autres lacunes, on peut citer l’absence de mécanisme de coordination entre les deux départements maintenant réunis, qui sont inextricablement liés et nécessitent une intégration opérationnelle cohérente. La responsabilité de la coordination semble incomber au commissaire du PAPS, fonctionnaire élu dont le rôle est intrinsèquement politique.

Dans la structure précédente, des directeurs spécialisés géraient la coordination et rendaient compte à leurs commissaires. Cela garantissait l’intégration institutionnelle de la collaboration technique, en particulier entre les fonctions de gouvernance et de paix et sécurité. En revanche, la nouvelle configuration risque d’encourager les rivalités institutionnelles et le travail compartimenté.

L’absence de cadre politique unifié est également problématique. Bien qu’il y ait eu des interactions entre le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) et le CPS depuis la fusion, ces échanges n’ont pas encore abouti à un processus clair permettant de relier la gouvernance à la paix et sécurité.

L’architecture africaine de gouvernance et l’architecture africaine de paix et de sécurité restent elles aussi distinctes sur le plan institutionnel. Bien que le protocole établissant le CPS couvre les deux, la fusion n’a pas permis de combiner des instruments tels que le MAEP et l’Évaluation de la vulnérabilité et de la résilience structurelles des pays. Plus fondamentalement, les efforts visant à définir une orientation politique commune ou à clarifier le fonctionnement du PAPS en tant que structure intégrée ont été limités.

Ces omissions soulignent la nécessité d’un examen complet de la fusion. Il pourrait se révéler utile de commencer par réintégrer le SCAR et le Programme frontière de l’UA dans le département. Cependant, ce qu’il faut en fin de compte, c’est repenser de fond en comble l’architecture du PAPS.

Il est essentiel de disposer du personnel nécessaire et des ressources suffisantes

L’une des possibilités consisterait à créer un poste de chef de cabinet ou de secrétaire du PAPS, chargé de superviser la coordination entre les deux directions. Le secrétaire pourrait gérer les partenariats, superviser le Secrétariat du CPS et les aspects financiers. Cela contribuerait à combler le fossé entre le politique et les opérations. Cela permettrait également au commissaire du PAPS de se concentrer sur l’orientation stratégique et la représentation de haut niveau.

Afin de garantir une plus grande cohérence thématique et fonctionnelle, il faudrait revoir la configuration interne du département. Un PAPS restructuré pourrait comprendre trois directions. L’une couvrirait la prévention et la gestion des conflits et intégrerait les bureaux régionaux. Une deuxième se concentrerait sur les affaires et les opérations de sécurité et inclurait toutes les formes de déploiements sur le terrain. La troisième serait consacrée à la gouvernance, aux institutions démocratiques, aux droits de l’homme et aux questions connexes.

Aucun de ces changements ne pourra aboutir sans un personnel et des ressources suffisants. La mentalité persistante consistant à « faire plus avec moins » a atteint ses limites. Si l’UA veut atteindre ses objectifs continentaux en matière de paix, de gouvernance et de sécurité, les États membres doivent s’engager à investir dans des structures à la hauteur de leurs mandats.

En fin de compte, le succès ou l’échec de la fusion du PAPS dépendra de sa capacité à former une institution cohérente et compétente. Après cinq années de fonctionnement, la question reste ouverte et mérite une réflexion approfondie et des mesures correctives audacieuses de la part des nouveaux dirigeants de la Commission. La multiplication des crises de gouvernance et de sécurité en Afrique nécessite une CUA mieux équipée.

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