À l'aube de ses 20 ans, l’UA doit parler d’une seule voix

En février, le sommet de l’Union africaine doit aborder les vaccins et les interdictions de voyager, les perceptions erronées du changement climatique et le financement de l'UA.

En 2022, l’Union africaine (UA) célébrera son vingtième anniversaire. L’organisation fait face à une pression croissante pour obtenir de meilleurs résultats. À cet égard, le prochain sommet des chefs d’État, qui se tiendra les 5 et 6 février, sera crucial. Après l’élection de deux commissaires en octobre 2021, la nouvelle Commission de l’UA est désormais pleinement opérationnelle et doit montrer qu’elle avance dans la mise en œuvre de réformes de longue haleine.

Le leadership de l’UA dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 a de nouveau attiré l’attention à la fin de l’année 2021, lorsque de nombreux pays occidentaux ont imposé des restrictions de déplacement à plusieurs pays d’Afrique australe suite à la découverte du variant Omicron. Cela a poussé les gouvernements, les militants et les citoyens africains à se tourner vers l’UA pour obtenir une réaction. Le continent était puni pour sa transparence, alors qu’Omicron se répandait rapidement dans le monde entier.

Le travail des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), du groupe de travail de l’UA sur l’acquisition de vaccins dirigé par le président sud-africain Cyril Ramaphosa et du groupe de travail de l’UA sur la fourniture de vaccins a été salué. Pourtant, le continent ne sait toujours pas se faire entendre ni parler d’une seule voix contre ce traitement inéquitable.

À l’exception de quelques rares pays, l’Afrique ne dispose pas de vaccins en quantité suffisante. Le 5 janvier, seuls 9,5 % des Africains avaient été vaccinés, selon l’Africa CDC. Cette question devrait constituer l’un des principaux thèmes du sommet de février.

La nouvelle Commission de l’UA est pleinement opérationnelle et doit montrer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des réformes de longue haleine

Il est également nécessaire de parvenir à une position africaine commune dans le débat sur le climat. Les ministres des Affaires étrangères du continent ont souligné l’importance de ce point lors de la réunion du Conseil exécutif tenu en octobre 2021. Si certains progrès ont été observés lors de la Conférence des Nations Unies sur le Changement climatique (COP26) à Glasgow un mois plus tard, les États africains doivent présenter un front uni lors de la prochaine COP de novembre, qui aura lieu cette année en Égypte.

À cette occasion, l’UA devra changer la perception de l’Afrique comme victime du changement climatique. Au contraire, il conviendra de mettre l’accent sur la contribution du continent à une énergie plus propre, par exemple en produisant des minerais clés pour devenir le fer de lance des nouvelles technologies. La forêt tropicale du bassin du Congo et d’autres régions du continent sont également des écosystèmes cruciaux d’absorption de CO2 nécessaires pour atteindre l’objectif mondial de zéro émission nette.

Plusieurs sujets de tension liés à des conflits devraient également figurer à l’ordre du jour du sommet de février, sinon officiellement, du moins dans les coulisses, si la réunion a lieu en présentiel. Parmi les plus urgents figure le conflit en Éthiopie, qui a plongé le pays hôte de l’UA dans une crise et une incertitude politique. La médiation proposée par l’envoyé de l’UA, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, n’a pas abouti. La recherche d’une solution pacifique sera un test crucial pour l’UA.

L’accroissement des changements anticonstitutionnels de gouvernement et de la menace terroriste seront probablement aussi abordés. Le département des Affaires politiques, de la Paix et de la sécurité de l’UA, nouvellement constitué, doit montrer aux États membres ce qu’il a réalisé et en quoi le processus de réforme de l’UA sert en définitive les intérêts des citoyens. La décision controversée du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, d’accorder le statut d’observateur à Israël sera également à l’ordre du jour.

L’Afrique ne sait pas encore se faire entendre ni parler d’une seule voix lorsqu’elle est traitée de manière injuste

Au cours du sommet, les 15 nouveaux membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS) seront élus, dont cinq postes pour les sièges de trois ans et dix pour les mandats de deux ans. Chacune des cinq régions d’Afrique choisit librement ses candidats. Le Nigeria, seul pays à avoir été membre du Conseil sans interruption depuis sa création, demeurerait membre. Ce renouvellement complet des membres pourrait voir l’émergence d’une nouvelle dynamique au sein du principal organe de paix et de sécurité du continent.

Il est également nécessaire de parvenir à une décision finale concernant le Fonds de l’UA pour la paix, doté de plus de 230 millions de dollars US grâce aux contributions des États membres. Malgré l’urgence de voir la paix et la sécurité instaurées sur le continent, l’établissement des modalités et des critères de décaissement connaît des retards. La question de la gestion du fonds doit être tranchée.

Lors de la réunion du Conseil exécutif d’octobre 2021, les ministres ont approuvé un budget global de la Commission de l’UA pour 2022 d’un peu plus de 650 millions de dollars. Ce budget se répartit entre 176 millions de dollars pour les opérations, 195 millions de dollars pour les programmes et 279 millions de dollars pour le soutien à la paix. Les partenaires internationaux devraient financer 66 % du budget et les États membres 31 %. Les 3 % restants proviendront des fonds de réserve administratifs et de maintenance.

Les ministres ont félicité les États membres pour avoir contribué à hauteur de 72 % au budget ordinaire de 2021 (opérations et programmes). Ce chiffre est toutefois loin de l’objectif de l’UA, qui souhaite autofinancer l’ensemble de son budget ordinaire et au moins 75 % de son budget programmatique, qui est encore entièrement financé par les partenaires.

Pendant des années, les États se sont montrés réticents à nommer les pays qui ne payent pas leurs cotisations. Désormais, l’UA a décidé d’accepter les demandes de retard et les plans de paiement pour régler les arriérés. Quatorze pays ont reçu des « sanctions d’avertissement » pour ne pas avoir payé au moins 50 % de leurs cotisations pour 2021.

Malgré certaines améliorations, l’UA est encore loin de son objectif d’autofinancement de son budget ordinaire

Dans le cadre des efforts visant à garantir le paiement intégral de leurs cotisations par les États membres, les ministres et les ambassadeurs à Addis-Abeba insistent pour que la Commission et les organes de l’UA éradiquent la corruption et les dépenses irrégulières. Par exemple, avant de recevoir de nouveaux fonds, les organes de l’UA devront prouver que les recommandations des rapports d’audit précédents ont bien été prises en compte.

Le thème de l’UA pour l’année 2022 est « Renforcer la résilience en matière de nutrition sur le continent africain : Accélérer le capital humain, le développement social et économique ». Ce thème s’inscrit dans le prolongement de décisions antérieures de l’UA, telles que la création d’une Équipe spéciale africaine sur le développement alimentaire et nutritionnel et l’élaboration d’une Stratégie régionale africaine de la nutrition (2016-2025).

Sur tout le continent, la pandémie de COVID-19 a aggravé une situation déjà catastrophique en matière d’insécurité alimentaire et de malnutrition. Si le taux de mortalité infantile en Afrique a chuté de façon spectaculaire, passant de 106 décès pour 1 000 naissances en 1990 à 51,7 pour 1 000 en 2019, la dénutrition reste une cause majeure de mortalité chez les enfants.

L’UA, présidée par le Sénégal cette année, peut tirer parti de son thème de 2022 pour souligner l’importance de faire le lien entre production agricole et sécurité alimentaire d’une part, et santé et nutrition d’autre part. Ce faisant, il est crucial que les efforts déployés par d’autres organismes continentaux ne soient pas inutilement reproduits et que cette déclaration d’intention aille au-delà de simples réunions et événements.

Équipe Rapport CPS, Institut d’études de sécurité

Cet article a été publié initialement par le projet PSC Report de l’ISS.

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Crédit photo l’Union africaine

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