La réunion semestrielle cherche à stimuler l’intégration dans un contexte difficile

Le non-respect des échéances empêche l’Afrique d’honorer les idéaux d’intégration du traité d’Abuja et de l’Acte constitutif de l’UA.

La sixième réunion de coordination semestrielle de l’Union africaine (UA) s’est tenue à Accra, au Ghana, le 21 juillet 2024, sur le thème « Éduquer une Afrique adaptée au 21e siècle ». Conformément aux paragraphes 3 et 4 du règlement intérieur de ces réunions, y ont participé les membres du bureau de l’UA, les présidents des huit communautés économiques régionales (CER) et des mécanismes régionaux (MR), ainsi que des fonctionnaires de la Commission de l’UA. La session était présidée par Mohamed Cheikh El Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie.

En tant que principal forum consacré à l’examen de l’intégration africaine, ses délibérations portent essentiellement sur l’état d’avancement du processus, la progression des grands projets et la collaboration entre les parties prenantes. Tout en soulignant les avancées, les rapports et les délibérations ont mis en évidence des retards dans la réalisation, ce qui constitue un obstacle majeur à l’atteinte des objectifs. Ces préoccupations ont conduit à un appel aux États membres pour qu’ils intensifient leurs efforts en vue de la réalisation de l’intégration continentale. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a noté que les CER africaines « ne vont pas bien » et que « leur efficacité, leur crédibilité et leur poids dans l’entreprise générale d’unité se sont, hélas, beaucoup érodés ».

Des progrès

Bien que la progression de l’intégration sur le continent soit difficile à évaluer de manière exhaustive, trois points de discussion ont fourni des indications à ce sujet. Le premier concernait l’adoption de l’indice synthétique africain d’intégration régionale (ASRI). Jusqu’à présent, les évaluations au sujet de l’intégration continentale reposaient sur l’indice d’intégration régionale africaine et l’indice d’intégration régionale multidimensionnelle africaine, dont on connaît le caractère incomplet pour assurer le suivi des efforts d’intégration multisectorielle de l’Afrique. Le nouveau modèle combine les points forts de ces deux indices et y intègre les enseignements tirés d’autres parties du monde, garantissant un suivi multisectoriel complet pour parvenir à une analyse globale.

L’efficacité, la crédibilité et le poids des CER se sont beaucoup érodés

Il évalue les quatre piliers de l’intégration à savoir ses aspects politiques, économiques, infrastructurels, humains et sociaux. Ces quatre piliers sont divisés en 10 dimensions, elles-mêmes composées de 37 sous-dimensions. Ainsi, le nouvel indice apporte une rigueur scientifique à la compréhension politique des avancées de l’intégration continentale plutôt que de s’appuyer sur des preuves anecdotiques souvent basées sur des récits qualitatifs trop généralisés et trop vagues pour aider à la prise de décision.

La décision de la réunion de mandater la Commission de l’UA, les CER/MR, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique et le Groupe de la Banque africaine de développement pour produire un rapport bisannuel sur l’intégration de l’Afrique à partir de 2025 est particulièrement importante.

Le deuxième résultat notable a été l’attention accrue portée par les États membres à l’urgence de mettre en place des institutions financières de l’UA. La création d’une banque centrale africaine et d’une monnaie africaine unique est au cœur des objectifs du traité d’Abuja de 1991 instituant la Communauté économique africaine. L’Acte constitutif de l’UA, qui prévoit la création de la banque, d’un fonds monétaire africain et d’une banque d’investissement africaine, a permis de renforcer la volonté d’atteindre cet objectif. Des efforts subséquents ont abouti à l’adoption du protocole de 2009 sur la Banque africaine d’investissement et du protocole de 2014 sur la création du Fonds monétaire africain. Ces institutions n’ont toutefois pas encore vu le jour.

Les nombreux défis auxquels l’Afrique est confrontée en raison de la fragmentation des institutions financières ont amené le président du Ghana, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, à souligner la nécessité de « créer un cadre financier plus cohérent et plus efficace ». Cette démarche permettrait, selon lui, d’améliorer la « capacité du continent à mobiliser des ressources intérieures et extérieures ». Bien qu’il ait tenu ces propos dans le cadre de son rôle de champion des institutions financières de l’UA, son engagement reflète un regain d’intérêt pour la mise en place de ces institutions.

L’Afrique doit créer un cadre financier plus cohérent et plus efficace pour la mobilisation des ressources

Dans ce contexte, les efforts du gouvernement d’unité nationale de la Libye pour établir un comité de pilotage conjoint afin de superviser et de promouvoir la mise en œuvre de la Banque africaine d’investissement ont été salués lors de la réunion. La volonté émergente de certains États membres de stimuler certains domaines d’intégration, si elle est correctement exploitée, peut progressivement faire boule de neige et déboucher sur des résultats tangibles dans la réalisation des objectifs du traité d’Abuja.

Les participants à la réunion ont pris note des succès plus spécifiques de l’initiative de commerce guidé de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Des sept États participants à ses débuts, on est passé à 39 États membres désormais impliqués. Cette évolution a permis d’étendre les efforts d’intégration et témoigne directement d’un engagement accru en faveur de la ZLECAf. En outre, quatre sociétés d’agrégation commerciale ont été créées dans quatre régions pour faciliter l’accès des micro-entreprises et des PME.

Des délais qui ne vont pas sans coûts

Une analyse des rapports de la réunion indique que les retards considérables dans la mise en œuvre des étapes constituent un défi majeur à l’intégration. L’application des décisions et des traités multilatéraux est souvent soumise à de longues procédures statutaires qui empêchent l’obtention de résultats rapides. Dans le cas de l’Afrique, cependant, le calendrier de l’intégration souffre actuellement de retards persistants, y compris dans les secteurs identifiés comme étant en progression. Lors du sommet semestriel, deux exemples ont ainsi été mis en évidence.

Aucune grande puissance africaine n’a signé les protocoles relatifs à la banque centrale et au fonds monétaire

Premièrement, malgré le regain d’intérêt pour la création des institutions financières de l’UA, les avancées ont été entravées par des retards dans le respect des échéances et par l’incapacité des États membres à satisfaire aux critères de convergence économique pour l’intégration. En ce qui concerne la création de la banque centrale, par exemple, la réunion d’Accra a indiqué qu’en 2022, seuls trois pays sur 52 répondaient à toutes les exigences de convergence primaire, soit 4,2 % de moins qu’en 2021. Bien que ce recul soit le résultat direct des mauvaises performances économiques des États africains, les difficultés rencontrées par l’Afrique de l’Ouest pour instituer une monnaie unique ouest-africaine prouvent que, sans efforts conscients et soutenus pour atteindre les objectifs, l’intégration économique est vouée à l’échec.

Le fonds monétaire et les banques centrales et d’investissement sont confrontés à des défis similaires. Alors que le processus de création de la banque centrale se heurte à l’absence de consensus sur le projet de statut de son organe de surveillance (l’Institut monétaire africain), le fonds monétaire et la banque d’investissement sont confrontés à des problèmes de ratification. Actuellement, le protocole établissant le fonds monétaire n’a été signé que par 12 des 55 pays de l’UA et ratifié par seulement deux d’entre eux (le Tchad et le Cameroun). De même, le protocole sur la banque d’investissement compte 22 signataires et seulement six ratifications (le Bénin, le Burkina Faso, le Congo, la Libye, le Tchad et le Togo).

Étant donné que 15 ratifications sont nécessaires pour leur promulgation, leur installation est loin d’être effective malgré le traité d’Abuja et l’engagement professé en faveur de la réalisation des objectifs d’intégration de l’Afrique. Il convient également de noter que ces retards et ce manque d’engagement reflètent le faible intérêt des puissances régionales africaines pour les protocoles essentiels à l’intégration, tels que celui sur la libre circulation. Aucune grande puissance économique continentale ni même régionale n’a signé ou ratifié les protocoles relatifs à la banque centrale et au fonds monétaire.

La finalisation des mécanismes de coopération entre les parties prenantes dans chacun des secteurs des objectifs d’intégration de l’Afrique, conformément à la décision de la Conférence de l’UA de 2017 sur la division du travail, a également subi de nombreux retards. Entre 2017 et 2021, des progrès ont été réalisés dans les secteurs du commerce, des affaires politiques et de la paix et de la sécurité.

C’est sur cette base que la 35e session ordinaire de la Conférence de l’UA a décidé en 2022 que les autres secteurs devaient faire l’objet d’efforts similaires. Toutefois, depuis lors, ces efforts ont été contrecarrés en grande partie par la piètre qualité des prestataires extérieurs chargés de cette mission. Bien que ces obstacles soient considérés comme isolés, leur impact cumulatif sur l’intégration est considérable. Si la Commission de l’UA ne peut être blâmée pour les déficiences de tierces parties, on peut se demander si l’organisation continentale ne tirerait pas parti de ce type de mission.

Les domaines nécessitant une attention particulière

Les discussions de la réunion montrent clairement que l’Afrique a beaucoup à faire pour atteindre les objectifs du traité d’Abuja et de l’Acte constitutif de l’UA. Il est particulièrement urgent que l’adhésion de l’UA au G20 s’appuie sur un cadre continental solide, lui-même matrice d’une véritable représentation de l’UA. Pour y parvenir, les États membres doivent relever les défis existants et émergents auxquels est confronté le processus d’intégration continentale. Le principal d’entre eux est le non-respect des échéances qui empêche souvent la réalisation de progrès ultérieurs. Le Conseil de paix et de sécurité et la Commission de l’UA doivent de toute urgence remédier à ce problème.

Les questions abordées lors de la réunion réitèrent l’importance de la rencontre de coordination semestrielle de l’UA en tant que mécanisme principal de contrôle de l’intégration africaine. Si le forum a pour objectif d’identifier les défis, son rôle pourrait être renforcé en améliorant la manière dont les déclarations sont définitivement attribuées à des acteurs spécifiques. Cela permettrait de garantir l’obligation de rendre des comptes, d’assurer un leadership pour le respect des jalons et de faciliter le suivi des avancées dans le cadre des réunions de coordination ultérieures.

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