Comment améliorer les performances du Groupe des sages
Si la sixième cohorte trouve une solution aux difficultés de l’UA, alors elle pourra remplir son mandat de manière satisfaisante.
Depuis sa création en 2007, le Groupe des sages, pilier essentiel de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA), contribue considérablement aux efforts de paix et de sécurité à l’échelle du continent. En vertu de l’article 11 du protocole du Conseil de paix et de sécurité (CPS), le mandat principal du Groupe consiste à soutenir les efforts du Conseil et du président de la Commission de l’Union africaine (CUA) en matière de prévention des conflits. Jusqu’ici, la composition du Groupe a changé à cinq reprises et a joué ce rôle à chaque fois, avec plus ou moins de succès.
Le cinquième Groupe des sages a été sélectionné lors du 35e sommet de l’UA en février 2022 pour un mandat de trois ans. Lors de sa réunion inaugurale en mars 2022, ses membres se sont engagés à « soutenir les transitions politiques en cours au Soudan, au Soudan du Sud, au Tchad et en Somalie, notamment en déployant ses mécanismes subsidiaires — le Réseau panafricain des sages (PanWise), FemWise et WiseYouth ». Malgré la concertation des efforts, aucune de ces crises et transitions n’a pu être résolue en raison d’obstacles à la fois internes et externes.
À moins de six mois de la fin du mandat du Groupe, il est important de réfléchir à ces questions et d’évaluer son efficacité par rapport à son mandat et à ses objectifs. En amont de la sélection de la sixième cohorte en février 2025, il convient de se pencher sur ce qui le mine depuis longtemps, y compris ses contraintes en matière de ressources. En remédiant aux obstacles et en anticipant les nouveaux défis, le prochain Groupe des sages pourra s’acquitter de son mandat.
Le cinquième Groupe des sages
Les membres du cinquième Groupe des sages se sont réunis avec les parties prenantes de la CUA au siège de l’UA les 28 et 29 mars 2022 afin de débattre et de définir les priorités pour la durée de son mandat. Comme indiqué dans le communiqué de presse publié après la réunion, il a été décidé de procéder de manière régulière à une analyse prospective afin de déterminer les options du CPS en matière d’interventions rapides dans les situations de conflit et de tensions émergentes. Le Groupe s’est également engagé à soutenir les pays en transition politique afin d’améliorer les processus électoraux, de renforcer le constitutionnalisme et de promouvoir la recherche de consensus. L’importance d’une collaboration et d’une coordination efficace avec des mécanismes analogues a été soulignée et le Groupe s’est engagé à organiser une septième réunion du réseau PanWise afin de redynamiser ce forum.
Le choix des membres du sixième Groupe des sages dépend de la résolution des problèmes persistants
L’actuel Groupe des sages a obtenu de modestes succès en concentrant son attention sur les transitions au Tchad et au Soudan du Sud. En raison des violences persistantes, les situations en Somalie et au Soudan se prêtent davantage à des efforts de gestion des conflits qu’à des activités de prévention. Compte tenu de la multiplicité des intérêts des différentes parties prenantes, le Groupe n’a pas encore entrepris d’action d’envergure dans ces deux pays.
Un rapport de mission du Groupe au Tchad a été présenté lors de la 1152e réunion du CPS. Le document émet des recommandations ciblées à l’intention de la CUA, du Comité des représentants permanents et des autorités tchadiennes afin d’apaiser les tensions et de garantir le retour à l’ordre constitutionnel. Le Groupe a par ailleurs entrepris une mission d’enquête au Soudan du Sud en décembre 2023 afin d’évaluer l’application de l’accord revitalisé sur la résolution du conflit dans la République du Soudan du Sud. Il a également sollicité le comité ad hoc de haut niveau de l’UA (C5) sur le Soudan du Sud, ainsi que les pays de la région, notamment l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda et le Soudan. Toutefois, l’une de ses principales recommandations, à savoir que les dirigeants de la transition ne se présentent pas aux élections, est restée lettre morte.
En 2023 et 2024, les membres du Groupe ont pris part à des missions d’observation électorale au Nigeria, en Sierra Leone, au Zimbabwe, au Liberia, en République démocratique du Congo et aux Comores. Alors qu’on s’attendait à des violences pré et postélectorales dans certains de ces pays, les efforts de diplomatie de la navette ont permis de gérer les tensions entre les partis politiques, les groupes d’opposition, les organes de gestion des élections, les institutions de l’État et la société civile. Malgré la duplication des efforts et des ressources — avec la présence de la CUA et d’observateurs internationaux et régionaux — ces missions ont contribué à l’organisation d’élections pacifiques.
Les membres du Groupe se sont également entretenus avec les États membres suspendus sur les avancées et les défis de leurs transitions. Bien qu’informelles, ces consultations constituent un progrès notable dans l’apaisement des tensions entre ces États et la CUA.
La coordination avec les mécanismes régionaux
Le cinquième Groupe des sages a également intensifié les contacts et les efforts de coordination avec ses homologues régionaux. Il a ainsi organisé, en collaboration avec PanWise, les septième et huitième retraites annuelles, respectivement en Namibie (octobre 2022) et au Rwanda (février 2024).
Malgré son rôle crucial dans le rétablissement de la paix, le Groupe manque de ressources
Les communautés économiques régionales et les mécanismes régionaux ont participé à ces deux événements, ce qui a renforcé les liens entre les mécanismes continentaux et régionaux. Cependant, la 27e réunion statutaire du cinquième Groupe des sages a souligné la nécessité d’une collaboration plus approfondie avec les mécanismes régionaux, des consultations fréquentes et informelles étant plus indiquée que des retraites annuelles.
En outre, bien que la coordination avec les mécanismes régionaux soit essentielle, on ne doit pas y accorder trop d’importance au détriment du mandat principal du Groupe, qui est de soutenir la prévention des conflits au sein du CPS.
Des limites d’ordre structurel
En 2017, le CPS avait décidé, lors de sa 665e réunion, que des rencontres trimestrielles devaient avoir lieu avec le Groupe des sages afin de renforcer la capacité de l’UA en matière de prévention des conflits. Cette disposition n’a pas été respectée, les interactions entre les deux organes ayant été, au mieux, limitées. Cette tendance s’est étendue à d’autres composantes de l’APSA, notamment le système d’alerte précoce, la Force africaine en attente et le Fonds pour la paix. Du fait de ses relations difficiles avec la CUA, le Groupe s’est souvent retrouvé sur la touche, au profit d’envoyés spéciaux, de comités ad hoc et de groupes d’experts de haut niveau.
Les réflexions sur le mandat et l’efficacité du Groupe doivent être prises en considération
Les ressources constituent également un défi de taille. Bien que le 1204e communiqué du CPS souligne le rôle crucial du Groupe dans le rétablissement de la paix, ce dernier ne s’est pas encore vu doter des ressources politiques, humaines et financières nécessaires. Son secrétariat dispose de peu de moyens et doit soutenir d’autres unités au sein de la Commission. Des sources proches du Rapport sur le CPS estiment le budget annuel du Groupe des sages pour 2024 à environ 100 000 dollars US, ce qui est à peine suffisant pour financer une mission de terrain. Alors que le Groupe s’apprête à recevoir environ un million de dollars US du Fonds pour la paix, ses ressources financières et humaines devraient enfin être à la hauteur de l’importance de son mandat.
La voie à suivre
Tandis que les États membres commencent à réfléchir à d’éventuels candidats pour le prochain Groupe des sages, les réflexions sur son mandat, son efficacité, sa collaboration avec d’autres structures issues de l’APSA et des communautés économiques régionales, ainsi que sur la duplication des efforts et des ressources, méritent d’être prises sérieusement en considération. Le Groupe devra accorder la priorité à la mise en place de contacts réguliers avec le CPS, le système d’alerte précoce et la CUA. Outre leurs points de convergence, ce partage de l’information contribuera à renforcer les efforts dans la prévention des conflits et à améliorer la synergie entre la prise de décision et la mise en œuvre des politiques. Le choix des membres du sixième Groupe des sages ne doit pas être vu comme un simple exercice de routine, mais plutôt comme une occasion de résoudre des problèmes persistants afin d’assurer le succès de l’opération.