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Renforcer la collaboration CPS - CEDEAO pour relever les défis

Apporter des réponses synergiques et efficaces aux crises en Afrique de l’Ouest exige une coopération renforcée entre organes continentaux.

Les consultations entre le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) et le Conseil de médiation et de sécurité (CMS) de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont débuté le 24 avril 2024 à Abuja, au Nigeria. Une deuxième consultation annuelle a été organisée le 16 mai 2025. La première rencontre a débouché sur plusieurs décisions clés.

Parmi celles-ci figure la mise en place de plateformes de consultation régulières, telles que la réunion annuelle de consultation entre le CPS et le CMS, des interactions régulières entre les présidents des deux organes, une délimitation plus claire des rôles en matière d’alerte précoce et de réaction rapide, ainsi qu’une interopérabilité accrue pour la planification et le déploiement des missions. Ces initiatives participent de la collaboration UA-CEDEAO dans le cadre de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) afin d’améliorer les réponses aux crises politiques et sécuritaires du continent.

La création de plateformes de consultation est l’avancée la plus marquante, et ce, pour deux raisons. Premièrement, elle institutionnalise une culture de consultation, identifiée depuis longtemps par les sources de l’UA et de la CEDEAO comme une lacune dans leurs relations. Deuxièmement, elle permettra des discussions ouvertes et franches sur des questions importantes telles que la division du travail dans les efforts régionaux en faveur de la paix et de la stabilité. Elle intervient dans un contexte où la CEDEAO est confrontée à des transitions politiques complexes et à de nombreux défis. Cette situation est aggravée par le retrait du Niger, du Mali et du Burkina Faso de l’Union et par la détérioration de l’environnement sécuritaire, due en grande partie à la propagation de l’extrémisme violent.

L’UA et la CEDEAO ont constaté qu’une culture de la consultation manquait à leurs relations

Malgré les appels répétés à renforcer la collaboration, les divergences relatives à l’application du principe de subsidiarité entre la région et l’UA perdurent depuis les désaccords de 2012-2013 au sujet de la transition de la mission de la CEDEAO au Mali à la mission internationale de soutien au Mali dirigée par l’Afrique. Plus récemment, les approches se sont opposées concernant la gestion du coup d’État de 2023 au Niger. Ces plateformes sont donc essentielles au renforcement des relations entre l’UA et la CEDEAO. En plus d’être des forums de dialogue, elles offrent des points d’entrée stratégiques pour relever des problèmes de coordination de longue date, qui sont essentiels pour apporter une réponse commune plus cohérente et plus efficace au paysage complexe de la paix et de la sécurité en Afrique de l’Ouest.

Le casse-tête de la collaboration

Pour la feuille de route 2016-2020 de l’APSA, l’absence d’une compréhension commune de la subsidiarité, de la complémentarité et de l’avantage comparatif est au cœur des tensions répétées et de l’interaction limitée de l’UA avec les communautés économiques régionales (CER) et les mécanismes régionaux, notamment la CEDEAO. Cependant, le problème principal est le flou qui entoure la subsidiarité et sa concrétisation. Le défi est donc de savoir laquelle des deux institutions doit prendre la direction de la gestion des crises.

La CEDEAO a tendance à interpréter la subsidiarité comme une délégation de la primauté de l’UA aux CER, en leur accordant un pouvoir de décision discrétionnaire. De son côté, l’UA envisage la question en partant du principe que son rôle central en matière de paix et de sécurité à l’échelle du continent demeure intact. Elle estime que les CER sont responsables devant elle et qu’elles doivent s’aligner sur les normes et les cadres qu’elle établit. Sur le plan opérationnel, cette divergence conceptuelle se traduit par des réponses incohérentes en cas de crise.

Le problème principal demeure le flou qui entoure le principe de subsidiarité et sa concrétisation

Malgré certains efforts pour résoudre ces problèmes et leur impact sur la gestion des crises régionales, ces imprécisions continuent de nuire à l’action commune des deux organisations. On a pu le constater récemment quand  elles ont été incapables d’apporter une réponse commune au coup d’État perpétré au Niger. La coordination d’interventions régionales plus larges en matière de sécurité en est un autre exemple, telles que l’initiative d’Accra et le G5 Sahel. Là, des approches et des mandats concurrents ont entravé la mobilisation des ressources collectives régionales et continentales.

Les obstacles à une coordination efficace

Ces faiblesses expliquent les difficultés qui persistent dans la collaboration entre la CEDEAO et l’UA, en particulier dans le domaine de la paix et de la sécurité. Elles peuvent être attribuées à trois obstacles. Le premier est le manque de lignes directrices claires et contraignantes détaillant les rôles et les responsabilités de l’UA et des CER, y compris la CEDEAO, dans la gestion de ces questions. Les efforts visant à renforcer la collaboration entre l’UA et les CER en répartissant les tâches de façon pratique étaient au cœur du programme de réforme institutionnelle de l’UA. Le cadre proposé était censé clarifier « qui doit faire quoi, quand et comment » dans la prévention des conflits, la médiation et les domaines connexes.

Cependant, malgré la volonté politique affichée depuis près de huit ans, l’UA n’a pas encore finalisé ce cadre. Par conséquent, la coordination entre l’UA et la CEDEAO — et entre l’UA et les CER — se heurte toujours à une incertitude structurelle. La création de la plateforme interrégionale d’échange de connaissances a ouvert un espace de dialogue entre les CER, mais elle reste une initiative périphérique liée à la réunion de coordination de milieu d’année plutôt qu’un mécanisme de coordination spécifique et fonctionnel. Le prochain sommet des chefs d’État de l’UA aura lieu en juillet 2025. Il sera consacré à la réforme institutionnelle et devrait permettre d’accélérer le processus.

Deuxièmement, la coordination est entravée par la faible institutionnalisation des plateformes existantes. Les mécanismes tels que le processus de Nouakchott restent informels, ad hoc et axés sur les crises. Ils sont souvent activés a posteriori et ne disposent pas de mandats solides, de structures permanentes ou de lignes directrices de mise en œuvre. De même, les réunions annuelles d’échange de connaissances et les réunions de milieu d’année ne disposent pas d’organes de suivi permanents, de groupes de travail ou d’un engagement approfondi sur les questions stratégiques. Cela limite la continuité, entrave l’apprentissage institutionnel et affaiblit l’efficacité de la coopération UA-CEDEAO.

L’application partielle des décisions passées laisse craindre une simple reprise des discussions

Troisièmement, les asymétries structurelles entre le CPS et le CMS compliquent davantage la coordination. Les deux organes ont des procédures, une autorité et des structures de prise de décision différentes. La CEDEAO fonctionne selon son propre traité, conserve son autonomie juridique et a développé des mécanismes de paix et de sécurité qui sont antérieurs à ceux de l’UA et qui ne s’alignent pas nécessairement sur eux. En l’absence de cadres harmonisés et de lignes directrices opérationnelles communes, ces différences augmentent les risques de voir émerger des approches contradictoires et des réponses fragmentées aux crises régionales.

Faire face aux défis

La réunion 2024 de consultation entre le CPS et le CMS devrait être le fondement d’un dialogue soutenu et élargi entre l’UA et la CEDEAO. Au-delà des deux conseils, des liens plus étroits devraient être établis entre le département des Affaires politiques, de la Paix et de la Sécurité de l’UA et son homologue de la CEDEAO. Cela permettrait aux institutions d’évaluer ensemble les obstacles persistants tels que les décalages structurels et les approches fragmentées, et d’y répondre plus efficacement. Compte tenu des changements institutionnels découlant des réformes de l’UA en cours, un examen complet des structures et des mécanismes de coordination apparaît essentiel.

Alors que l’UA poursuit son travail de rédaction du cadre de division du travail UA-CER, elle devrait utiliser les nouvelles plateformes pour identifier les causes des malentendus récurrents — en particulier ceux liés à la subsidiarité. Cela permettrait de clarifier les rôles, d’aligner les attentes et de tirer des leçons pour orienter la collaboration entre l’UA et les CER.

Si les réunions entre le CPS et le CMS constituent une évolution positive, le suivi rigoureux des avancées, des réalisations et des points d’achoppement permanents devraient constituer une priorité. Les forums consultatifs existent depuis longtemps dans l’écosystème du CPS, mais, pour se démarquer, ceux-ci doivent bénéficier d’un suivi et d’une responsabilisation soutenus de la part des commissions de l’UA et de la CEDEAO. Par exemple, les décisions prises en 2024 n’ont été appliquées qu’en partie, ce qui laisse craindre que les consultations UA-CEDEAO ne fassent que réitérer les discussions du passé au lieu d’aller de l’avant. Cela confirmerait une approche symbolique du dialogue, ce qu’aucune des deux parties ne devrait accepter. Au lieu de cela, les deux organisations doivent traduire les intentions politiques en engagements concrets et assurer une mise en œuvre coordonnée par le biais de mécanismes conjoints.

Si ces mesures pratiques sont prises au sérieux, l’UA et la CEDEAO renforceront considérablement leur capacité collective à traiter les questions les plus urgentes de la région. Une coordination efficace n’est pas seulement un objectif technique : c’est un impératif stratégique pour la stabilité régionale et la promotion de l’intégration continentale.

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