Un grand pas en avant dans la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée

L'Afrique de l'Ouest fait de grands progrès pour améliorer la sécurité maritime aujourd'hui avec l'inauguration d'un centre de coordination au Bénin.

Aujourd’hui 13 mars, la commission de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) inaugure le Centre multinational de coordination (CMMC) de sa zone maritime dénommée Zone pilote E. Cette cérémonie qui se déroule à Cotonou, Bénin est une étape décisive dans la mise en œuvre effective de la Stratégie maritime intégrée de la CEDEAO (SMIC). Elle est l’expression de la volonté des états de la région à régler de façon durable l’épineuse question de la piraterie maritime et des autres activités illicites en mer.

La zone pilote E qui comprend le Bénin, le Niger, le Nigeria et le Togo est considérée comme la zone maritime la plus dangereuse en Afrique de l’Ouest, et nécessite plus d’efforts de protection. Après son inauguration, le centre de Cotonou coordonnera des activités conjointes entre les quatre états concernés. Il s’agira notamment de patrouilles, de partage d’informations, de cours de formation et d’exercices de simulation.

Conformémentaux directives de la SMIC, la nouvelle structure rendra compte au Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique de l’Ouest (CRESMAO). Elle coopérera aussi avec les centres multinationaux de coordination des zones G et F qui vont compléter l’architecture de sûreté maritime de la CEDEAO au niveau sous régional. La zone F se compose du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone; quand la Zone G couvre le Cap vert, la Gambie, la Guinée Bissau, le Mali et le Sénégal.

Cet acte de bravoure prouve qu’une coopération entre les états de la région peut permettre de venir à bout des pirates

Cette initiative de la commissaire de la CEDEAO pour les affaires politiques, paix et sécurité, Salamatu Hussaini Suleiman, fait partie d’une série d’actions résultant du sommet de Yaoundé des 24 et 25 juin 2013. A cette importante rencontre, les chefs d’état et de gouvernement de la Communauté économique des états de l’Afrique centrale (CEEAC), de la Commission du golfe de Guinée et de la CEDEAO ont adopté une politique commune pour faire face aux pirates et à l’insécurité maritime.

En plus de celles de la commission, les états membres de l’organisation initient des actions individuelles. Par exemple le Nigeria, nonobstant les énormes défis que lui pose Boko Haram dans le Nord du pays, est à la recherche d’une solution durable à la piraterie et au vol de pétrole dans le delta du Niger. Selonle journal nigérian Leadership, en 2014 le pays a intercepté 84 navires pour activités illicites dans ses eaux.

Le chef d’état major de la marine nigériane, Usman Jibrin, estime à 433 milliards de naira (2 milliards de dollars ou 1313 milliards de FCFA) les pertes du Nigeria dues au vol du pétrole, mais le pays acquiert des patrouilleurs de plus en plus grands.

Quant au Ghana, malgré un mauvais début 2015 avec l’attaque du navire panaméen Ocean Splendor le 14 janvier, il a démontré sa capacité à sécuriser ses eaux quand sa marine a récupéré dans le même mois le navire pétrolier nigérian Mariam, détourné une semaine plus tôt. La marine ghanéennea arrêté les huit personnes lourdement armées qui détenaient le Mariam et libéré les neuf membres d’équipage du navire. Cet acte de bravoure prouve qu’une coopération entre les états de la région peut permettre de venir à bout des pirates; ce qui est l’un des objectifs du nouveau centre de coordination. 

La CEDEAO et ses états membres sont déterminés à coopérer pour la sécurisation de leurs espaces maritimes

Presque tous les autres états membres de la CEDEAO sont dans la même dynamique. Des pays comme le Bénin –qui fait don du centre de la zone E- la Côte d’Ivoire, le Togo, la Guinée et le Sénégal se dotent de stratégies maritimes en phase avec la SMIC. En effet, ils créent des autorités maritimes chargées de la coordination de l’action de l’Etat en mer et s’équipent en patrouilleurs ainsi qu’en systèmes de surveillance à distance pour le contrôle de leurs domaines maritimes.

Quoique la piraterie, le vol à main armée, la pêche illégale, le vol de pétrole et les autres menaces maritimes sont loin d’être éradiqués, toutes ces actions suggèrent que la CEDEAO et ses états membres sont déterminés à coopérer pour la sécurisation de leurs espaces maritimes.

Il reste tout de même encore beaucoup à faire. La commission de la CEDEAO devra désormais s’atteler à achever la construction de son architecture de sûreté maritime. L’installation effective du Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique de l’Ouest justifierait davantage l’existence du Centre inter-régional de coordination (CIC) inauguré le 11 septembre 2014 à Yaoundé qui est censéfaire le pont entre le Centre régional de sécurité maritime de l’Afrique centrale (CRESMAC) et celui de l’Afrique de l’Ouest. La commission devra rapidement designer les deux pays hôtes des centres multinationaux de coordination des zones F et G qui seront installés à la lumière de l’expérience tirée du fonctionnement du centre de la zone pilote E. En outre, en vue d’avoir un système sécuritaire maritime plus harmonieux au sein de la CEDEAO, les états membres qui développent actuellement des stratégies maritimes nationales doivent bénéficier de l’assistance technique de la commission.

La communauté internationale et les acteurs de l’industrie maritime à qui profitera aussi la sécurisation du golfe de Guinée devraient aider davantage la commission de la CEDEAO et les états membres. La région bénéficie certes déjà du concours salutaire de certaines organisations comme l’Union européenne et l’Organisation maritime internationale, ainsi que de celui de plusieurs pays notamment la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et la Chine. Toutefois, les aides devraient aller au-delà de la rédaction de stratégies, des cours de formation et des exercices de simulation. La région a aussi besoin d’accroître ses capacités matérielles en termes de moyens navals et aériens pour répondre de façon appropriée à la brutalité des attaques qu’elle subit.

Avec l’inauguration du centre de coordination de la zone E, la CEDEAO passe une étape décisive dans l’application de sa stratégie maritime. Il est espéré qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin et que tous les bénéficiaires de la sûreté maritime du golfe de Guinée lui apportent leurs concours. Cela aiderait énormément les états de l’Afrique de l’Ouest à se libérer des pirates et des autres criminels qui sévissent dans leurs domaines maritimes.  

Barthélemy Blédé, chercheur principal, division Gestion des conflits et consolidation de la paix, l'ISS Dakar

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