© Cour internationale de Justice

Quel résultat après la saisine de la CIJ pour génocide à Gaza ?

Le respect par Israël des mesures provisoires nécessitera d’autres démarches des organismes internationaux, des États et de la société civile.

La Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné, le 26 janvier, des mesures conservatoires dans l’affaire qui oppose l’Afrique du Sud à Israël concernant des allégations de génocide à Gaza. L’obtention de cette ordonnance, saluée comme une avancée majeure, est une étape importante. Cependant, son application en est une autre.

La CIJ a spécifiquement demandé à Israël de prendre des mesures pour prévenir le génocide, empêcher les forces israéliennes de le commettre, prévenir et réprimer l’incitation à le commettre. Israël doit également fournir d’urgence une aide humanitaire, conserver les preuves et soumettre un rapport sur sa mise en conformité avant le 26 février.

L’Afrique du Sud interprète cette ordonnance comme une exigence pour Israël de cesser le combat. Cependant, la réaction du Premier ministre Benjamin Netanyahu montre sa réticence à tout changement dans les opérations, comme en témoignent les récentes frappes aériennes meurtrières sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Lors de la réunion du 31 janvier sur la situation à Gaza après l’ordonnance de la CIJ, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) s’est montré particulièrement préoccupé par la poursuite des bombardements et le bilan humanitaire des opérations. L’Algérie, qui avait requis d’urgence la réunion, aurait rédigé une proposition de résolution du CSNU exigeant un cessez-le-feu à Gaza.

L’Afrique du Sud peut suggérer d’autres mesures si le rapport d’Israël est non conforme

Ce n’est pas la première fois qu’un pays appelle à un cessez-le-feu au CSNU ou à l’Assemblée générale des Nations unies. Cependant, pour la première fois, la CIJ a déclaré qu’un génocide était probablement en cours à Gaza. Les résolutions précédentes réclamant un arrêt des combats ont été bloquées par les États-Unis grâce à leur droit de veto. La résolution pourrait bien connaître le même sort.

En l’absence d’autres mécanismes juridiques pour faire appliquer l’ordonnance de la CIJ, il appartiendra aux États d’exercer des pressions diplomatiques et, avec les organisations de la société civile, de saisir leurs tribunaux pour lutter contre l’impunité d’Israël.

Le rapport exigé à Israël devrait détailler la mise en œuvre des mesures provisoires d’ici la fin février pour démontrer son respect du droit international et de l’autorité de la CIJ. Toutefois le rapport pourrait ne pas révéler une conformité substantielle aux normes de la convention sur le génocide, étant donné la poursuite des bombardements à Gaza depuis le 26 janvier, en violation de l’ordonnance de la Cour.

Il reviendra à l’Afrique du Sud et à la CIJ d’identifier les lacunes dans le rapport d’Israël et de proposer des mesures correctives, probablement en demandant des dispositions supplémentaires. En parallèle, la Cour pourrait instituer un comité ad hoc de trois juges pour évaluer le rapport israélien et formuler des recommandations, bien que celles-ci puissent également ne pas être suivies.

La CIJ a pris des mesures préventives dans toutes les affaires de génocide

Ce n’est pas la première fois que la CIJ est saisie pour une affaire de génocide, comme en témoignent les cas de la Gambie contre Myanmar (2019) et de l’Ukraine contre la Russie (2022), dans lesquels la Cour a émis des mesures provisoires pour protéger les groupes vulnérables. Leur efficacité reste à être évaluée.

À ce jour, les rapports de conformité du Myanmar n’ont pas été rendus publics, pour des raisons obscures. Alors que la procédure judiciaire s’éternise, on ne sait pas quelles sont les mesures provisoires qui ont été observées et à quel degré. La Russie, de son côté, n’a pas respecté les mesures provisoires et n’a jamais été contrainte de fournir un rapport de conformité.

Alors que l’Afrique du Sud célèbre sa première « victoire » dans l’affaire qui l’oppose à Israël, l’avenir demeure incertain. Quoi qu’il en soit, la décision préliminaire de la CIJ pose des bases pour les mois et années à venir, alors que des débats intenses autour de cette affaire se poursuivront dans les tribunaux, à Gaza et sur la scène géopolitique mondiale.

Certains analystes ont déjà souligné les retombées diplomatiques potentielles pour l’Afrique du Sud. L’affaire reçoit un soutien croissant de pays d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et d’Europe. Certains ont initié des démarches similaires ou complémentaires qui pourraient inciter Israël (et ses appuis) à reconsidérer sa position.

L’Indonésie a argumenté devant la CIJ que l’occupation israélienne violait le droit à l’autodétermination

L’Indonésie a entrepris une action distincte contre Israël devant la CIJ, alléguant que l’occupation prolongée par Israël du territoire palestinien viole divers principes du droit international, notamment le droit à l’autodétermination. Cette affaire découle de la demande d’avis consultatif de la CIJ formulée par l’Assemblée générale des Nations unies sur les conséquences juridiques des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire occupé.

Le Nicaragua a demandé à intervenir dans l’affaire Afrique du Sud/Israël. Il a également adressé un mémorandum au Canada, à l’Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, leur réclamant de cesser leur soutien à l’occupation israélienne de la Palestine et la fourniture d’armes.

Les États-Unis accentuent aussi leur pression sur Israël et manifestent des inquiétudes grandissantes quant aux répercussions des opérations militaires israéliennes à Rafah sur les civils. Le 31 janvier, un tribunal fédéral américain a « imploré » le président Joe Biden et son administration d’ « examiner les résultats de leur soutien indéfectible au siège militaire contre les Palestiniens de Gaza », citant la « possibilité que les actions d’Israël puissent constituer un génocide » selon la décision de la CIJ.

Dans le même temps, la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur les crimes internationaux commis en Palestine, avec le concours de la Commission internationale indépendante d’enquête, chargée de recueillir et de préserver les preuves des crimes de guerre commis depuis le 7 octobre 2023. La commission s’est engagée à partager ses informations avec la CIJ.

Les organisations non gouvernementales, les médias et d’autres parties prenantes directement concernées par l’affaire Afrique du Sud contre Israël peuvent également engager des procédures judiciaires devant les tribunaux nationaux et régionaux. L’Afrique du Sud négocie actuellement avec d’autres pays qui souhaitent intervenir dans ce litige. Ils pourraient soumettre leurs propres observations à la CIJ ou se joindre à l’affaire sud-africaine.

Compte tenu du non-respect par Israël des mesures provisoires de la CIJ, d’autres processus complémentaires pourraient le dissuader de poursuivre l’assaut militaire contre Gaza en toute impunité. Ces démarches vont des discussions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies aux délibérations de la CIJ sur l’occupation, aux menaces de poursuites devant la CPI, aux initiatives diplomatiques et aux pressions politiques. Il reste toutefois à évaluer leur efficacité.

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