L'UA doit faire face aux liens entre gouvernance et conflits en Afrique

Le Conseil de paix et de sécurité n'est jamais parvenu à aborder les lacunes en matière de gouvernance qui sous-tendent de nombreux conflits sur le continent.

Un examen des questions traitées par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) en 2021 révèle, de manière prévisible, des points positifs et négatifs pour l'organe chargé de la prise de décisions en matière de prévention, de gestion et de résolution des conflits. Selon les archives, le CPS s'est réuni plus de 80 fois l'année dernière et a traité de multiples conflits violents qui sévissent sur le continent.

Point positif, le Conseil a consacré beaucoup de temps aux catastrophes et à la gestion des crises. En outre, le lien entre le changement climatique et l'insécurité est apparu à l'ordre du jour pour la première fois au niveau des chefs d'État. Cela témoigne d'une évolution vers les questions de sécurité humaine à long terme, un développement qui s'écarte de la préoccupation traditionnelle du CPS pour les conflits violents.

Les transitions politiques ont constitué une autre priorité en 2021. Des délégations du Conseil se sont rendues en Somalie, au Soudan, au Soudan du Sud, au Tchad et en République centrafricaine pour assurer la liaison avec les parties prenantes et élaborer un plan d'action en vue d'un soutien durable de l'UA aux transitions politiques. La visite en Somalie a permis de réduire les divergences entre les positions de ce gouvernement et du CPS sur l'avenir de la mission de l'UA en Somalie.

Dans le contexte d’une menace croissante du terrorisme et de l'extrémisme violent, plusieurs réunions se sont tenues, notamment au niveau ministériel, où une stratégie de lutte contre ce phénomène a été discutée. La nécessité de soutenir davantage les initiatives approuvées par l'UA, telles que la Force multinationale mixte contre Boko Haram, a également été abordée, ainsi que le G5 Sahel et le déploiement de 3 000 soldats supplémentaires dans la région. La finalisation de la stratégie de l'UA pour la stabilisation du Sahel a été privilégiée.

Le lien entre changement climatique et insécurité est apparu pour la première fois à l'ordre du jour du CPS au niveau des chefs d'État

Le CPS a par ailleurs conceptualisé une stratégie visant à stabiliser et à développer les zones touchées par Boko Haram, particulièrement dans le bassin du lac Tchad. Un consensus a été atteint sur le besoin d'un financement durable de la part des Nations unies pour les opérations de soutien de la paix dirigées par l'UA, y compris celles qui assurent la lutte contre le terrorisme.

Les coups d'État et les changements anticonstitutionnels de gouvernement ont aussi été des sujets récurrents en 2021. Les prises de pouvoir militaires au Mali, en Guinée et au Soudan ont été jugées anticonstitutionnelles et le CPS a suspendu la participation de ces pays aux activités de l'UA, sous réserve d'un retour à l'ordre constitutionnel sous un régime civil.

Au Mali et en Guinée, le Conseil a attendu que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest se prononce avant de prendre position. Le seul pays où le CPS est intervenu directement est le Soudan ; il s’agit de son action la plus rapide lors d’un changement anticonstitutionnel de gouvernement.

Le Conseil a été critiqué pour avoir attendu que les organes régionaux fassent le premier pas. Sa gestion du transfert de pouvoir anticonstitutionnel au Tchad après la mort d'Idriss Déby en avril a également été sévèrement décriée. Allant à l'encontre des normes de l'UA, le CPS a approuvé un plan de transition de 18 mois élaboré par les militaires qui avaient pris le pouvoir.

Le CPS est intervenu directement au Soudan, son action la plus rapide contre un changement anticonstitutionnel de gouvernement

Le conseil a tenu deux réunions sur les élections, avec une attention particulière sur la pandémie de COVID-19, et a reçu de nombreux rapports des missions d'observation électorale de l'UA. En outre, une tentative novatrice d'évaluation de la mise en œuvre du plan de travail annuel du CPS a été entreprise. Cependant, une meilleure méthodologie et une planification préalable sont nécessaires pour que cela devienne un outil utile permettant de responsabiliser le Conseil quant à ses résultats.

Contrairement aux réalisations susmentionnées, le bilan du CPS en matière de réaction rapide et proactive aux crises et de gestion des conflits à long terme est moins impressionnant. Bien qu'il ait encouragé les États membres à s'attaquer aux causes profondes de l'insécurité, le Conseil n'a jamais réussi à mettre en évidence et à combattre les lacunes en matière de gouvernance qui sous-tendent divers conflits sur le continent.

Selon le Armed Conflict Location & Event Data Project, le continent a connu 13 051 manifestations et émeutes en 2021, au cours desquelles 1 297 décès ont été signalés. Ces manifestations antigouvernementales étaient souvent dues à l'absence de sécurité et d'État de droit, ainsi qu'à la montée des inégalités, de la corruption et de l'oppression, autant de problématiques qui n'ont pas été abordées par le CPS. Tant qu'il ne s'attaquera pas résolument aux défaillances des États membres en matière de gouvernance, la capacité de cet organe à prévenir les conflits sera limitée.

La prévention des conflits constitue le fondement du mandat du CPS. Pourtant, même avec le soutien du système continental d'alerte précoce de l'UA, le bilan de 2021 du CPS, comme pour les années précédentes, montre un manque d'action rapide au profit d'un rôle de pompier. Cela s'explique probablement par la manière dont le conseil établit son ordre du jour ; les pays en proie à des conflits internes ne veulent généralement pas figurer à l'ordre du jour du CPS, et s'abstiennent donc d'y inscrire d'autres pays.

Le principe directeur de l'UA, la souveraineté, est désormais un obstacle à une action rapide du CPS

Le principe directeur de la souveraineté de l'UA a également entravé une action précoce du CPS. Certains États membres s'opposent à l'intervention du Conseil parce qu'elle constituerait une ingérence dans les affaires intérieures des pays ou créerait un précédent susceptible d'être utilisé à mauvais escient. Cette approche a pour effet d'ignorer les facteurs sous-jacents de l'insécurité, notamment les lacunes en matière de gouvernance et la montée des tensions intercommunautaires.

Bien que le président de la Commission de l'UA ait le pouvoir de faire avancer toute question de paix et de sécurité, il semble préférer les recours diplomatiques. Le président émet périodiquement des déclarations sur des questions particulières, mais celles-ci ne sont pas nécessairement liées aux décisions du CPS.

La tension entre le rôle du CPS et celui des communautés économiques régionales, qui selon certains devraient intervenir en premier, limite ainsi la capacité de l'UA à répondre rapidement et de manière adéquate aux crises. À titre d'exemple, lorsque le Mozambique a présidé la réunion ministérielle du CPS sur le terrorisme, la crise au Cabo Delgado n'a pas été abordée. D'après certains analystes, cela est dû au fait que la Communauté de développement d'Afrique australe a invoqué le principe de subsidiarité, qui lui permet de diriger la recherche de solutions dans cette région.

Du 5 au 6 février 2022, 15 nouveaux membres du CPS seront élus lors du sommet de l'UA. Afin de contribuer efficacement à la paix et à la sécurité en Afrique, ils doivent faire preuve d'une volonté politique plus forte et se consacrer à pallier les faiblesses du Conseil.

Rapport sur le CPS, ISS Addis-Abeba

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Crédit photo J Penney

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