L’indépendance financière de l’UA est indispensable au renforcement de ses partenariats

La dépendance de l’UA des financements internationaux affecte sa capacité à fixer ses priorités et à être maître de son destin.

Dans un ordre mondial en pleine mutation et face aux menaces constantes qui pèsent sur la sécurité de l’Afrique, l’Union africaine (UA) doit renforcer ses relations extérieures avec les organismes multilatéraux et les États. Jusqu’à présent, elle éprouve des difficultés à nouer des liens autres qu’avec ses partenaires traditionnels, à savoir les Nations unies (ONU), l’Union européenne (UE), les États-Unis et la Chine.

L’ONU et l’UE sont les premiers partenaires du bloc africain, l’UE étant le principal contributeur au budget de l’UA. La question du financement est un enjeu majeur qui influence les relations extérieures de l’UA et donne souvent lieu à des collaborations davantage déterminées par les priorités de ses partenaires que par celles de l’Afrique. L’UA dépend en grande partie de ses partenaires pour financer ses activités, les deux tiers de son budget pour 2023 provenant de sources extérieures.

La relation UA-UE est formalisée par des sommets et des interactions officielles régulières. Leurs agences de sécurité respectives échangent des informations et entreprennent des missions conjointes sur le terrain. La collaboration entre l’UA et l’ONU est régie par le Cadre de paix et de sécurité de 2017 et par le Cadre conjoint de 2018 pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’UA. Des conférences annuelles UA-ONU sont également organisées.

Ces interactions permettent de mutualiser les ressources, d’améliorer la coordination et d’organiser des missions d’évaluation conjointes. Elles sont aussi l’occasion d’adopter des positions communes sur les défis urgents en matière de sécurité, notamment le recours aux sanctions en cas de conflit. Des efforts ont également été faits pour harmoniser les décisions du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA et du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU). Malgré des résultats tangibles, le CPS déplore d’être toujours marginalisé au sein du CSNU.

L’UA a du mal à diversifier ses partenaires de sécurité qui sont par tradition l’ONU, l’UE, les États-Unis et la Chine

L’UA entretient des liens de longue date avec les États-Unis sur les questions de sécurité, de gouvernance, de croissance économique et de climat. Les États-Unis ont apporté leur appui aux récentes tentatives de l’UA pour trouver une solution à la guerre en Éthiopie ainsi qu’aux transitions fragiles au Soudan et au Tchad. Lors du sommet inaugural sur la démocratie en 2021, seize États de l’UA se sont engagés à soutenir les initiatives démocratiques.

Dans le cadre de sa coopération avec l’UA en matière de sécurité, la Chine a déployé des soldats dans des opérations de maintien de la paix dans plus d’une douzaine de pays africains. Elle procure également à l’UA une assistance technique, un renforcement des capacités, des technologies et des équipements pour l’aider à lutter contre la piraterie, le terrorisme et d’autres menaces. L’UA et la Chine ont des échanges notables dans les domaines de la sécurité maritime, du soutien logistique, de la formation, y compris militaire, et de la médecine.

L’un des principaux obstacles à l’établissement de partenariats productifs est la dépendance excessive de l’UA des financements de l’UE et d’autres partenaires. Celle-ci a entraîné des lacunes dans l’établissement des priorités et une moindre appropriation du programme de paix et de sécurité de l’Afrique.

En 2016, l’UA a créé un fonds pour la paix afin de pérenniser son financement et de renforcer son autonomie financière. Mais l’objectif de 25 % d’autofinancement des activités de sécurité en Afrique n’est toujours pas atteint. À ce jour, les États n’ont alimenté ce fonds qu’à hauteur de 60 millions de dollars US, par rapport à l’objectif de 400 millions de dollars US. À cela s’ajoute le problème récurrent de savoir comment l’ONU peut contribuer de manière plus efficace aux opérations de soutien de la paix (OSP) de l’UA.

Malgré les efforts pour réduire sa dépendance, les deux tiers du budget de l’UA pour 2023 proviennent de sources extérieures

Cette particularité du financement de l’UA a pour effet d’avoir des partenariats déterminés par les intérêts des partenaires internationaux. La Facilité européenne de soutien à la paix, par exemple, permet de financer directement un large éventail d’opérations continentales de soutien à la paix, y compris celles qui ne sont pas autorisées par le CPS. Il s’agit notamment de coalitions militaires africaines, d’armées nationales comme au Nigeria et au Mali, ainsi que d’armées de terre et de marines d’États côtiers du golfe de Guinée. Cette pratique rompt avec la norme qui consistait à faire transiter les fonds par l’UA. Or, cette nouvelle approche pourrait se révéler contre-productive.

Le partenariat entre l’UA et les États-Unis semble principalement motivé par la concurrence géopolitique. La nouvelle stratégie américaine pour l’Afrique encourage la transparence et la responsabilité, le renforcement de la démocratie et la réduction de l’instabilité régionale. Elle se concentre sur la relance post-pandémie, les opportunités économiques et la crise climatique, mais vise également à contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique.

L’UA ne dispose pas d’une stratégie cohérente dans ses rapports avec ses partenaires. Ses relations avec le Japon, par exemple, ne sont pas clairement axées sur la sécurité. Le Japon soutient le renforcement des liens entre le CPS et le CSNU, la démocratie et les questions relatives aux femmes, aux jeunes et aux enfants dans les conflits armés. Mais la conférence internationale triennale de Tokyo sur le développement de l’Afrique porte essentiellement sur l’agenda du développement de l’Afrique.

Les décisions relatives au financement des activités de sécurité doivent être mises en œuvre et le contrôle financier renforcé

L’UA doit viser des partenariats de qualité, et non des partenariats en nombre. Pour de meilleurs résultats en matière de sécurité, elle doit relever les défis qui sapent depuis longtemps ses collaborations extérieures. Il est essentiel que l’UA se dote d’une stratégie solide pour ses interactions extérieures et qu’elle finalise le projet de cadre politique pour les partenariats d’ici au plus tard février 2023.

Il faut renforcer la capacité de l’UA à planifier et à gérer les OSP. Les décisions concernant le financement des activités de sécurité doivent être rapidement mises en œuvre et les mécanismes de contrôle financier renforcés.

Afin de réduire la dépendance de l’UA à l’égard des financements de ses partenaires internationaux, il est essentiel qu’elle veille au paiement des cotisations de ses États membres, comme l’exigent leurs obligations statutaires. Il faut espérer que le lancement du Fonds revitalisé de l’UA pour la paix et la formation d’un conseil d’administration par le président de la Commission de l’UA, annoncés le 5 décembre 2022, déboucheront sur des actions à court terme.  

L’équipe de l’ISS chargée du Rapport sur le CPS

Cet article a été publié pour la première fois dans le Rapport sur le CPS de l’ISS.

Image : European Union

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigeria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigeria qui souhaitent republier des articles et pour toute demande concernant notre politique de publication, veuillez nous envoyer un e-mail.

Partenaires de développement
l’ISS exprime sa reconnaissance aux membres suivants du Forum de Partenariat de l’ISS : la Fondation Hanns Seidel, Open Society Foundation, l’Union européenne et les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié