Le soutien familial est essentiel pour prévenir l’extrémisme violent
Des liens positifs avec leurs parents, ou toute autre personne qui prend soin d’eux, peuvent dissuader les jeunes de rejoindre des groupes extrémistes violents.
En 2021, environ 180 millions d’enfants vivaient dans des zones de conflit en Afrique, ce qui est un record mondial. De plus, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé, un peu plus d’une femme sur trois en Afrique a subi des violences conjugales et intrafamiliales corporelles ou sexuelles. L’Afrique et l’Asie du Sud-Est sont en tête des classements régionaux.
Ce sont souvent les femmes et surtout les enfants qui souffrent le plus de la violence et de l’instabilité. En Afrique, ces situations sont aggravées par la pauvreté, la discrimination, les mauvaises conditions de logement, l’absence de services de base et les traumatismes historiques dus au nombre élevé de conflits en cours.
Ces facteurs de stress affaiblissent les liens familiaux et accentuent la pression sur les familles, les tuteurs et les personnes ayant la charge d’enfants. Ces traumatismes peuvent avoir des conséquences à long terme sur le développement et le comportement des enfants et des adultes. Non traités, ils peuvent impacter la génération suivante. Certaines personnes éprouvent alors des difficultés à se prendre en charge ou à répondre aux besoins physiques et émotionnels des enfants sous leur responsabilité.
Les traumatismes vécus au cours des années de développement contribuent à créer ce que l’on appelle des « expériences négatives durant l’enfance ». Ce sont les maltraitances, la négligence, la toxicomanie, la maladie mentale, les violences conjugales et intrafamiliales, le divorce ou la séparation des parents, la criminalité ou l’incarcération de membres de la famille. Plus un enfant est confronté à des expériences négatives, plus sa santé et son bien-être sont affectés augmentant le risque de rencontrer des difficultés sociales et comportementales à l’âge adulte.
Les traumatismes vécus durant l’enfance augmentent le risque de recrutement des jeunes par des terroristes
De nombreuses régions d’Afrique sont aujourd’hui touchées par l’extrémisme violent. Les enfants et les jeunes fortement exposés à des expériences négatives durant l’enfance sont plus susceptibles d’être recrutés par des groupes terroristes, qui ciblent les populations vulnérables.
Le système Almajiri, au Nigeria, dans lequel des institutions religieuses sont chargées de l’éducation d’enfants des rues ou placés par leurs parents, en est un exemple. Les enfants y sont souvent négligés et exploités, en proie à la traite des êtres humains et à la toxicomanie, ou recrutés par des extrémistes violents.
À Mombasa, sur la côte est du Kenya, les enfants des rues constituent un vivier de recrues potentielles pour les gangs criminels et des groupes extrémistes violents tels que les Chabab. Selon un rapport de l’association Human Rights Agenda, basée à Mombasa, 60 % des enfants des rues y étaient radicalisés et 90 % d’entre eux appartenaient à des gangs criminels.
Des recherches menées en Afrique par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont montré que le sentiment d’une enfance malheureuse et le manque d’implication des parents augmentent la probabilité de rejoindre ou d’être recruté par un groupe extrémiste violent. Le manque d’accès à l’éducation, qui constitue une forme de négligence, est directement lié au risque de radicalisation.
Le manque d’accès à l’éducation est directement lié au risque de radicalisation
L’étude du PNUD indique également que l’influence de la famille et des amis a une incidence majeure sur la décision d’intégrer ou de quitter un groupe terroriste. Par conséquent, des liens familiaux solides et résilients pourraient dissuader un individu de s’associer à des extrémistes violents.
L’objectif de développement durable (ODD) n° 16 des Nations unies promeut la paix, la justice et des institutions efficaces. Institution sociale unique en son genre, la famille joue de fait un rôle crucial. L’on estime que des relations familiales saines constituent le fondement de sociétés inclusives en Afrique et dans le monde. Les communautés africaines placent la famille au centre et accordent une grande importance aux liens avec la famille élargie, les tuteurs et les enseignants. La famille doit être considérée comme un vecteur essentiel pour assurer la paix et la stabilité.
Un document de 2017 de Futures Without Violence examine le lien entre les traumatismes et la radicalisation. Une relation solide avec au moins un adulte compétent, le sentiment d’attachement à un modèle positif ou un mentor et l’appartenance à une communauté renforcent la résilience des enfants et des adolescents.
Des liens ont été établis entre une parentalité positive et la prévention de la violence en général. Une étude publiée en 2022 par l’Institut d’études de sécurité (ISS) montre que la parentalité positive en Afrique du Sud accroît le sentiment de bonheur et de sécurité des enfants. Des programmes impliquant des organisations non gouvernementales, des personnes ayant la charge d’enfants et la population ont favorisé des relations chaleureuses et non violentes entre les parents et leurs enfants.
La famille doit être considérée comme un vecteur essentiel de paix et de stabilité
Les stratégies de prévention de l’extrémisme violent en Afrique devraient faire de la parentalité positive une priorité et l’inclure dans des initiatives plus larges visant à réduire les expériences négatives durant l’enfance et à promouvoir la stabilité sociale. Les familles et les personnes ayant des enfants sous leur responsabilité doivent être intégrées dans les interventions liées à l’ODD 16 en vue de créer des sociétés inclusives et solidaires.
Les enfants et les jeunes constituent la majorité de la population africaine. Il est donc impératif de les protéger des conflits et autres expériences négatives. Cela les aidera non seulement à résister aux tentatives d’exploitation par les groupes armés et les extrémistes violents, mais leur permettra également de jouer un rôle actif dans la promotion de la paix.
L’année prochaine, cela fera 30 ans que les Nations unies ont déclaré le 15 mai Journée internationale des familles. Alors que l’Afrique reste confrontée aux conflits, à l’insécurité et à l’extrémisme violent, il n’a jamais été aussi nécessaire de placer la parentalité positive, l’attention aux autres et les relations familiales au cœur de la prévention de la violence.
Isel Ras, consultante en recherche, programme Justice et prévention de la violence, ISS Pretoria
Image : © World Vision International
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