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La technologie devrait transformer la gouvernance à Madagascar

Le pays pourrait devenir un modèle d’innovation en matière de transition numérique du service public.

Madagascar est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique et du monde. Pourtant, il pourrait être à la pointe de l’innovation technologique en Afrique et révolutionner la formation de ses fonctionnaires ainsi que la gestion de ses structures de gouvernance.

À l’heure de la transition numérique dans la gouvernance et l’administration publique, Madagascar a lancé en 2020 le projet PRODIGY accompagné par la Banque mondiale. Il vise à moderniser les infrastructures numériques et la gestion de l’identité pour transformer l’administration publique.

Madagascar est confrontée à d’importants obstacles en matière de gouvernance, dont les barrières linguistiques. Le pays compte 12 dialectes et seulement 20 % de la population parle le français couramment (c’est la langue officielle utilisée dans les établissements d’enseignement et les institutions gouvernementales comme langue d’instruction). Les infrastructures sont limitées, et seulement 33 % de la population a accès à l’électricité (15 % en zone rurale). Ces défis compliquent la communication, la formation du service public et les réformes de gouvernance.

En revanche, Madagascar dispose d’un système de gouvernance centralisé et de partenariats internationaux actifs qui en font un terrain d’essai prometteur pour les initiatives d’e-gouvernance, particulièrement dans les environnements à faibles ressources.

En 2024, les engagements auprès des chefs de gouvernement et des agences dans les villes et les zones rurales ont révélé des défis et opportunités qui font de Madagascar une étude de cas pour le moins intéressante.

Madagascar souhaite moderniser ses infrastructures numériques afin de transformer son administration

Les efforts locaux, tels que les solutions de paiement par téléphonie mobile et les initiatives de gouvernance numérique, témoignent d’un engouement pour cette transformation. Madagascar explore déjà des solutions de finance numérique et compte plus d’utilisateurs de paiement par téléphonie mobile que de détenteurs de comptes bancaires. En outre, le projet PRODIGY encourage les nouvelles entreprises et les paiements numériques.

Imaginons que ces développements, associés au potentiel de la technologie blockchain, ouvrent la voie à un saut en avant transformateur. D’ores et déjà, des initiatives telles que la Digital Governance Unit et X-Road, en collaboration avec l’Estonian e-Governance Academy, favorisent l’e-gouvernance en améliorant les échanges sécurisés de données et la transparence, en soutenant l’alignement des politiques et en renforçant l’efficacité au sein des ministères. Cette trajectoire s’appuie sur l’amélioration de l’accès à l’internet, qui est passé de 5 % en 2016 à 22 % en 2021.

Vingt ans plus tard, tout Madagascar pourrait être transformé par ces avancées avec notamment de profonds changements sociétaux, à l’instar des révolutions technologiques et politiques passées qui ont remodelé des nations.

De récentes évaluations réalisées par Public Digital soulignent les progrès du gouvernement malgache en matière de maturité numérique, préparant ainsi le terrain pour la prochaine génération de services publics basés sur l’internet.

D’ici vingt ans, les constellations d’internet par satellite et les réseaux 6G pourraient fournir une connectivité à haut débit jusqu’aux confins de l’île. La traduction de langues en temps réel grâce à l’intelligence artificielle (IA) éliminera les barrières de communication, assurant des interactions dans plusieurs langues.

Le village TIC de Sambaina souligne le leadership de Madagascar en matière de gouvernance numérique rurale

Cet avenir pourrait offrir des solutions en matière d’énergies renouvelables, notamment des technologies solaires, éoliennes et géothermiques qui résoudraient le problème d’électricité dans les zones rurales du pays, facilitant l’adoption généralisée des technologies numériques.

En 2022, l’Évaluation de l’économie numérique de la Banque mondiale pour Madagascar a identifié des domaines stratégiques pour la mise en place d’un modèle de gouvernance décentralisé et habilité par la technologie, notamment dans la construction d’infrastructures numériques et d’une main-d’œuvre qualifiée. Dans deux décennies, l’analyse politique assistée par l’IA pourrait fournir des informations en temps réel aux décideurs à tous les niveaux du gouvernement.

Le Forum national de Madagascar sur la gouvernance de l’internet, lancé en 2019, a permis aux citoyens et aux organisations d’influencer les politiques numériques. L’on peut envisager un avenir où les réunions municipales en ligne et les guichets de services publics à réalité augmentée seront courant dans les communautés malgaches.

La formation des fonctionnaires pourrait également être révolutionnée. Le projet de la Banque africaine de développement pour le renforcement de la gouvernance par la transition numérique porte sur l’amélioration de la gestion économique et des structures de gouvernance de Madagascar, à savoir les institutions garantes d’une administration publique efficace.

Dans une vingtaine d’années, les parcours d’apprentissage personnalisés pilotés par l’IA pourraient se substituer aux programmes de formation uniformisés. Des simulations en réalité virtuelle offriraient une formation pratique et sans risque en matière de gestion de crise et de prise de décision. L’apprentissage permanent, grâce à des modules ludiques, garantirait le développement continu des compétences.

Madagascar accueille déjà des délégations internationales désireuses de s’inspirer de son succès

Dans cet avenir hypothétique, un réseau panafricain d’apprentissage entre pairs aura vu le jour, connectant les fonctionnaires du pays et d’ailleurs. Ce réseau faciliterait le partage des connaissances, la résolution collaborative des problèmes et l’échange des meilleures pratiques, faisant de Madagascar un centre d’innovation en matière de service public pour l’Afrique.

Dans ce scénario optimiste, l’infrastructure de la finance numérique soutiendrait les systèmes de gouvernance et de formation du pays. La budgétisation basée sur la blockchain garantirait la transparence, les contrats intelligents rationalisant les services tels que les prestations sociales et la gestion des infrastructures.

Un système universel d’identité numérique permettrait de formaliser l’économie, de stimuler la collecte des impôts, de réduire la corruption et d’améliorer l’efficacité des services publics. Si la gouvernance assistée par l’IA peut améliorer la prise de décision, cela doit être supervisé par des humains appliquant l’éthique et les valeurs culturelles. Des mesures de confidentialité des données protégeraient les informations des citoyens, et des partenariats public-privé fourniraient des appareils et une formation à la culture numérique pour combler les lacunes en matière d’accès.

Si cette vision devenait réalité, les approches innovantes de Madagascar en matière de gouvernance et de formation serviraient de modèle aux pays africains, pour surmonter les barrières linguistiques, infrastructurelles et éducatives grâce à la technologie. Des initiatives telles que le village TIC de Sambaina, à l’est de la capitale Antananarivo, soulignent déjà le leadership du pays dans la gouvernance numérique rurale.

Les organisations internationales et les nations développées peuvent considérer Madagascar comme une étude de cas, le pays accueillant déjà des délégations désireuses de s’inspirer de son succès. Grâce aux technologies émergentes, Madagascar peut se positionner comme leader de l’administration publique.

Mais le chemin sera semé d’embûches. Madagascar aura besoin d’infrastructures numériques étendues, d’une éducation améliorée et de partenariats publics-privés solides d’ici 2044. Bien qu’ambitieux, ce scénario illustre ce qu’une vision pérenne et une planification systématique peuvent produire.

Il faut prendre des mesures concrètes à court terme, d’abord des investissements fondamentaux dans les infrastructures et l’alphabétisation numériques (durant les cinq prochaines années), puis l’adoption de systèmes d’IA et la décentralisation de la gouvernance (pour la décennie suivante). Des exemples d’autres pays, tels que la gouvernance basée sur la blockchain en Estonie, montrent que ces avancées sont possibles.

La vision pour Madagascar présentée ici est un scénario optimiste qui dépend de la capacité à surmonter les obstacles comme le manque de financement, l’instabilité et le faible niveau d’habileté numérique. Malgré les difficultés, la poursuite de cet objectif peut engendrer des progrès continus significatifs. Le succès de Madagascar démontrerait que la vision, l’engagement et la technologie peuvent permettre de relever les défis les plus ardus.

Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Tomorrow, le blog du programme Afriques futures et innovation de l’ISS.

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