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La candidature de Mnangagwa à un troisième mandat provoque des tensions

La décision du parti au pouvoir de prolonger le deuxième mandat du président Mnangagwa attise les tensions au Zimbabwe.

La candidature inconstitutionnelle du président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa à un troisième mandat a provoqué des violences cette semaine. À Harare, le lieu habituel de réunion de ses opposants a été incendié quelques heures avant le lancement de la campagne contre sa candidature. Et à Bulawayo, deuxième ville du pays, la police anti-émeute a empêché l’organisation d’un rassemblement de même nature.

L’opposition devait se réunir pour réfléchir à la manière d’empêcher le parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), de mettre en œuvre une résolution déterminante adoptée lors de la conférence annuelle du parti à Mutare au début du mois.

Cette résolution rappelait que, lors de sa précédente conférence le 26 octobre 2024 à Bulawayo, le parti avait décidé que « compte tenu des avancées considérables en matière de développement et des progrès socioéconomiques significatifs réalisés sous la présidence de Mnangagwa, son mandat à la tête de la République du Zimbabwe [devrait] être prolongé au-delà de 2028 jusqu’en 2030 ».

Le Zimbabwe aurait besoin que Mnangagwa reste au pouvoir pour y poursuivre son supposé programme de développement. Ce qui est absurde, comme l’a montré Ringisai Chikohomero dans un récent rapport de l’Institut d’études de sécurité. Le rapport décrivait  une économie en crise persistante, avec un taux de pauvreté extrême, supérieur à 42 % de la population.

La résolution de la conférence 2025 du ZANU-PF ajoute qu’aucune mesure notable n’a été prise pour appliquer la résolution de Bulawayo. Le secrétaire aux Affaires juridiques et ministre de la Justice a donc été chargé de veiller à ce qu’elle le soit avant la prochaine conférence annuelle en 2026. Le parti et le gouvernement ont été chargés d’engager les modifications législatives nécessaires pour « donner plein effet » à la résolution.

Que Mnangagwa doive rester au pouvoir pour poursuivre son programme de développement est absurde

La Constitution zimbabwéenne de 2013 dispose clairement qu’un président ne peut exercer que deux mandats. Mnangagwa est arrivé au pouvoir en 2017 après un coup d’État militaire qui a renversé le président fondateur du pays, Robert Mugabe. Mnangagwa a été élu pour un premier mandat en 2018, puis pour un second en 2023 qui prend fin en 2028. Cependant, le parti au pouvoir a désormais décidé de le prolonger jusqu’en 2030.

La décision de Mnangagwa suscite également des divisions au sein du ZANU-PF. Le vice-président du Zimbabwe, Constantino Chiwenga, y serait farouchement opposé, car il aurait dû succéder à Mnangagwa en 2028. Il a vivement critiqué le plan dit « ED2030 » lors d’une réunion du Politburo du ZANU-PF en septembre.

Le maire de Bulawayo, David Coltart, membre du principal rassemblement de l’opposition la Coalition citoyenne pour le changement (CCC), a déclaré à ISS Today : « Il existe de multiples garanties constitutionnelles qui protègent la limitation du nombre de mandats ». Et il est bien placé pour le savoir de par son métier d’avocat et ayant participé à la rédaction de la Constitution.

Il affirme que la Constitution dispose sans ambiguïté que le président ne peut exercer que deux mandats de cinq ans. Ses garanties sont que, premièrement, toute modification nécessite une majorité des deux tiers au Parlement. Deuxièmement, si la décision est adoptée, elle doit être confirmée par un référendum public. Troisièmement, aucune révision de ce type ne peut bénéficier à un président en exercice et, si tel était le cas, quatrièmement, elle devrait être confirmée par un second référendum.

Coltart a ajouté que le paragraphe 7 de l’article 328 de la Constitution était rédigé de sorte que si un amendement constitutionnel avait pour effet de prolonger la durée du mandat, alors : « un référendum est nécessaire. Peu importe la façon dont vous le formulez, les termes que vous utilisez, si cela a pour effet de prolonger la durée du mandat, un référendum est nécessaire ».

La décision de Mnangagwa sème également la discorde au sein du ZANU-PF

Coltart faisait référence aux suggestions de certains membres du ZANU-PF de reporter les élections de 2028 à 2030, ce qui prolongerait implicitement le mandat de Mnangagwa. Cependant, il est évident que lui-même et les autres rédacteurs de la Constitution avaient anticipé cette éventualité.

Il a expliqué que le problème pour Mnangagwa est que même un seul référendum sur la prolongation de son mandat, sans parler de deux, serait désastreux pour lui, car l’opposition est très forte dans le pays et même au sein du ZANU-PF. Tout référendum porterait en fait sur l’administration Mnangagwa, ce qu’il ne souhaite pas pour le moment.

Coltart a souligné qu’il n’y avait eu que deux référendums constitutionnels au cours des vingt-cinq dernières années. Le premier, en 2000, proposait un nouveau texte qui aurait étendu les pouvoirs présidentiels et autorisé l’expropriation sans compensation. Il s’est transformé en un référendum sur le régime de Mugabe, que ce dernier a perdu. Le second a eu lieu en 2013. Il portait sur l’actuelle Constitution, alors soutenue par 95 % de la population. Aucun des deux résultats n’a été favorable à Mnangagwa.

Coltart a considéré les opérations perpétrées cette semaine sur les locaux du SAPES Trust à Harare et sur une salle où devait se réunir l’opposition à Bulawayo comme un « coup de semonce » contre toute tentative de rallier l’opposition à la prolongation du mandat de Mnangagwa.

Il a précisé qu’avec une opposition en plein désarroi, en partie parce que le ZANU-PF l’a infiltrée et affaiblie, la contestation à tout projet de modification de la Constitution est devenue un cri de ralliement pour tous les opposants à Mnangagwa.

Le monde se désintéresse largement du Zimbabwe en tant que question morale

La lutte semble désormais engagée. Mnangagwa met tout en œuvre pour que la résolution pour prolonger son mandat soit adoptée. Selon Coltart, cela inclut la promesse de nouvelles voitures aux 300 membres du Comité central du ZANU-PF avant la conférence, ainsi que de véhicules Toyota Land Cruiser haut de gamme à tous les chefs provinciaux. Mnangagwa aurait également écarté les fidèles de Chiwenga des postes clés.

Tout cela ressemble à des préparatifs en vue d’une bataille acharnée entre les deux principaux dirigeants du parti. Cela n’augure rien de bon pour l’équilibre ou la prospérité d’un pays déjà pauvre et instable.

Le secrétaire général du Conseil des Églises du Zimbabwe, Kenneth Mtata, a averti que la tentative de Mnangagwa de prolonger son mandat compromettrait tous ses efforts pour sortir le Zimbabwe de son isolement. Elle compromettrait également les négociations sur la restructuration de la dette extérieure du Zimbabwe, menées par la Banque africaine de développement. De plus, elle découragerait les investissements internationaux.

C’est peut-être vrai, mais n’est en aucun cas évident, car ce monde, de plus en plus transactionnel, a perdu beaucoup de son intérêt pour le Zimbabwe, en tant que question morale.

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