AUSSOM Photo/Moses Odang

La mission de paix de l’UA en Somalie : les promesses de financement ne suffisent pas

Sans financement prévisible, l’AUSSOM reste prisonnière d’un cycle d’insécurité, d’arriérés croissants et de l’instabilité politique.

La Somalie, le Royaume-Uni, l’Union africaine (UA) et les Nations unies (ONU) se sont réunis à New York le 25 septembre afin de renforcer leur soutien à la Mission de soutien et de stabilisation de l’UA en Somalie (AUSSOM). Les engagements qui ont été pris lui ont donné un nouvel élan politique, mais le caractère imprévisible de son financement et la recrudescence des attaques d’al-Shabab continuent de menacer l’AUSSOM et la stabilité de la Somalie.

L’AUSSOM devait être financée en grande partie par le fonds des contributions obligatoires de l’ONU, conformément au mécanisme prévu par la résolution 2719 de 2023 du Conseil de sécurité. La résolution dispose que les budgets des missions de paix de l’UA autorisées par le Conseil de sécurité sont alimentés à 75 % par le fonds commun de l’ONU, l’UA couvrant les 25 % restants.

Cependant, à la suite du manque de soutien des États-Unis, le Conseil n’a pas pu approuver la proposition de financement en mai 2025. En conséquence, l’AUSSOM continue de dépendre d’engagements à court terme de quelques bailleurs, ce qui met à mal la sécurité du financement et la viabilité de la mission à long terme.

La principale difficulté de la mission réside dans le remboursement aux pays des indemnités versées aux soldats, aux policiers et au personnel civil sous contrat avec l’UA, qui s’élèvent à 200 millions de dollars US par an.

L’Union européenne (UE), qui a largement couvert les soldes des contingents et les salaires des civils lors des missions précédentes, n’a pas encore alloué de fonds pour l’année 2025. Les consultations entre les États membres de l’UE et le Comité politique et de sécurité de l’UE (COPS), qui approuve l’allocation, devraient être finalisées avant le sommet UE-UA qui se tiendra en novembre en Angola.

Il est difficile pour l’AUSSOM de rembourser aux pays les indemnités versées à son personnel

La mission est composée pour l’essentiel de contingents militaires (environ 11 146 soldats), d’un petit nombre de policiers (environ 680) et de 12 civils. Le Bureau d’appui de l’ONU en Somalie (UNSOS) lui fournit une aide logistique, alimentaire, médicale et à l’hébergement. Toutefois, le budget de l’UNSOS pour 2025, d’environ 500 millions de dollars US, est partagé entre l’AUSSOM, l’armée nationale somalienne et la Mission d’assistance transitoire des Nations unies en Somalie, une mission politique spéciale.

Le déficit total de l’AUSSOM, qui s’élève à plus de 92 millions de dollars US, concerne principalement les indemnités, salaires et coûts de fonctionnement accumulés depuis le début de la mission, ainsi qu’une dette supplémentaire de 100 millions héritée des missions précédentes. Actuellement, les fonds destinés à couvrir le déficit et à financer les dépenses futures de la mission sont fournis par divers accords bilatéraux, qui n’offrent pas de financement sûr et durable.

La résurgence d’al-Shabab aggrave les difficultés financières de l’AUSSOM. Depuis mars, le groupe a lancé une série d’attentats coordonnés, baptisés « offensive de Shabelle », qui ont délogé l’armée somalienne de plusieurs bastions clés. Bien que les opérations conjointes de l’AUSSOM et des forces armées aient permis en partie de repousser al-Shabab hors de certains districts, le manque d’argent reste le problème le plus récurrent de l’AUSSOM.

Pour y remédier, le sommet des pays contributeurs de contingents, à Kampala, en avril, a demandé d’y adjoindre 8 000 soldats supplémentaires. Il a également convenu de déployer à court terme des forces bilatérales des pays ayant conclu des accords directs avec la Somalie, tels que l’Ouganda, l’Éthiopie et Djibouti.

Le 3 juillet, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a réitéré l’appel du sommet de Kampala, exigeant des bases opérationnelles avancées et davantage de moyens logistiques et aériens. Cependant, bon nombre de ces initiatives, y compris concernant les effectifs, ne se sont pas encore concrétisées.

Il faut créer une « coalition de volontaires » pour garantir un soutien continu

Le CPS a également approuvé un montant supplémentaire de 10 millions de dollars US provenant du Fonds pour la paix de l’UA, en plus des 10 millions initiaux résultant des intérêts des investissements du fonds, y compris la Facilité de réserve pour les situations de crise. Avec les 20 millions de dollars du Fonds pour la paix de l’UA, promis lors de l’événement organisé le mois dernier à New York, l’UA aura contribué à hauteur de 40 millions de dollars US en 2025.

À New York, le Royaume-Uni a déclaré qu’il versera environ 16,5 millions de livres sterling (22 millions de dollars US), tandis que la Chine, le Japon et la Corée du Sud se sont engagés pour un total de 5,6 millions de dollars US. Avec les contributions de l’UA, ces montants pourraient couvrir les besoins de l’AUSSOM pour 2025, mais laissent 2026 dans l’incertitude, en l’absence d’un mécanisme de financement permanent.

L’engagement de l’UA d’assurer la stabilité en Somalie grâce à la présence continue de l’AUSSOM coûte cher, tant sur le plan financier qu’en pertes humaines parmi le personnel de la mission. Afin d’éviter de compromettre les acquis obtenus de haute lutte, l’UA devrait intensifier ses efforts diplomatiques à New York et à Bruxelles, comme lors de la 6e réunion consultative annuelle avec le COPS de l’UE qui s’est tenue la semaine dernière, afin de garantir un financement prévisible. Une conférence plus large sur la stabilité en Somalie pourrait ainsi être planifiée.

Les conférences d’engagements comme celle de New York devraient établir une « coalition des volontaires » officielle pour un soutien continu, au lieu d’engagements spontanés et ponctuels. On pourrait également créer une coalition financière pour l’AUSSOM en élargissant les sources de financement afin d’attirer les pays qui ont des intérêts en Somalie, tels que les Émirats arabes unis, le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite.

Le veto américain à la résolution 2719 montre que tout financement stable de l’AUSSOM devrait bénéficier du soutien des États-Unis, ou du moins de l’absence d’opposition de leur part. L’administration Trump préférant les accords bilatéraux, des engagements diplomatiques entre la Somalie et les États-Unis pour soutenir l’armée somalienne pourraient constituer une alternative pour alléger la charge financière de la mission.

Tout financement stable de l’AUSSOM devra bénéficier du soutien des États-Unis

Compte tenu de la probabilité que, malgré leurs différences idéologiques, les Houthis, soutenus par l’Iran, forment des alliances avec des groupes terroristes somaliens, l’insécurité dans la région continue de menacer les intérêts américains. De fait, la majeure partie de l’aide américaine à la Somalie en 2025 (environ 208 millions de dollars US) est consacrée aux opérations de maintien de la paix américaines dans le pays. Or, l’aide totale des États-Unis est passée d’un milliard de dollars US en 2024 à 278 millions en 2025.

Dans le même temps, les pays contributeurs de troupes à l’AUSSOM devraient envisager d’augmenter leur engagement financier. Ils pourraient le faire en complétant ou en prenant en charge les indemnités versées aux contingents, le temps de trouver des solutions durables. Mieux encore, ces pays pourraient annuler la dette de l’UA concernant le paiement des indemnités au cours de l’année écoulée.

En l’absence de solutions innovantes, pratiques et durables, l’AUSSOM a peu de chances d’échapper à un cycle d’endettement et d’arriérés, et à une perte de crédibilité.

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