La quête d’indépendance du Sahara occidental semble s’essouffler
Le soutien croissant au plan d'autonomie du Maroc plutôt que l'indépendance sera-t-il suffisant ?
La République arabe sahraouie démocratique (RASD), ou Sahara occidental, semble perdre du terrain dans sa longue bataille pour l’indépendance vis-à-vis du Maroc.
En 1991, Rabat a accepté un plan de paix des Nations Unies (ONU) proposant à la population du Sahara occidental de décider par référendum de rester avec le Maroc ou de faire sécession.
Cependant, en 2007, le Maroc a proposé une autonomie limitée pour le Sahara occidental qui resterait sous sa souveraineté. Cette option est une alternative à l’indépendance totale, soutenue par le Front Polisario de la RASD et reconnue par l’Union africaine et plusieurs pays en Afrique et au-delà.
Mais le soutien de la RASD en Afrique s’érode. Environ 22 États la reconnaissent, tandis que d’autres ont retiré ou gelé leur reconnaissance, attendant une résolution du conflit. Le Maroc, quant à lui, dresse une liste de 22 pays africains qui ont ouvert des consulats dans ses « provinces du Sud », appuyant ainsi ses revendications. Certains pays restent indécis.
Maroc et Sahara occidental
Source : ISS
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États membres de l'ONU qui reconnaissent le Sahara occidental, 1976 – 2023
Source : Wikipedia
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Sur le plan international, la RASD perd également du terrain, notamment avec la reconnaissance du plan d’autonomie de Rabat par trois grandes puissances.
Les États-Unis étaient le premier acteur majeur à soutenir cette initiative en 2020. Le président Donald Trump a reconnu les revendications du Maroc en échange de la signature par Rabat des accords d’Abraham, visant à normaliser les relations entre Israël et plusieurs États arabes. Cette situation a poussé le Front Polisario à reprendre les armes.
En 2022, l’Espagne a également soutenu la revendication du Maroc et la lettre récente du président français Emmanuel Macron au roi du Maroc Mohammed VI jette un pavé dans la mare. Macron y soutient le plan d’autonomie de Rabat comme « seule base » pour résoudre le conflit, et la « France compte agir en accord avec cette position à l’échelle nationale et internationale », selon le magazine Foreign Policy.
L’Algérie a rappelé son ambassadeur de Paris en signe de protestation et refuse d’accueillir ses ressortissants expulsés de France. L’Algérie et l’Afrique du Sud sont les principaux partisans de la RASD. Cette question a longtemps entaché leurs relations avec le Maroc, bien que Pretoria ait rétabli les relations diplomatiques avec Rabat après la réadmission du Maroc à l’UA en 2017.
La reconnaissance du plan d’autonomie par les États-Unis, l’Espagne et la France a été un revers majeur
Néanmoins, certains responsables sud-africains se relâchent, observant une érosion du soutien à la RASD au profit de la souveraineté marocaine. Un fonctionnaire a déclaré à ISS Today que le Front Polisario n’avait pas bénéficié du même soutien international que le Congrès national africain (ANC) contre le gouvernement de l’apartheid.
Ce soutien populaire, y compris les manifestations de masse à Londres, a été suffisamment fort pour obliger les dirigeants occidentaux conservateurs et anti-ANC, tels que le président américain Ronald Reagan et le premier ministre britannique Margaret Thatcher, à faire marche arrière. Le fonctionnaire a également estimé que le Polisario n’avait pas suscité la même sympathie mondiale que les Palestiniens.
Rabat a stratégiquement maintenu la question à l’ONU, où la RASD n’est pas membre, tout en l’éludant à l’UA, où des pays comme l’Afrique du Sud et l’Algérie ont de l’influence et où la RASD est membre.
Liesl Louw-Vaudran, conseillère principale pour l’UA à l’International Crisis Group, déclare : « Le Maroc a réussi un coup de maître en excluant la question du Sahara occidental de l’agenda de l’UA ». Elle précise que cette question n’est jamais discutée au sein de l’Assemblée de l’UA, du Conseil de paix et de sécurité (dont le Maroc est membre) ou du département des affaires politiques de l’UA. « C’est comme si elle n’existait pas ».
Le Maroc a définitivement exclut la question du Sahara occidental de l’agenda de l’Union africaine
Mais Mohamed Beisat, ambassadeur de la RASD en Afrique du Sud, rejette les spéculations sur le recul de la cause indépendantiste de son pays, qualifiant ces rumeurs de « propagande marocaine ».
Il a déclaré à ISS Today que la reconnaissance par les États-Unis, la France et l’Espagne de la revendication du Maroc est une décision individuelle de Trump, Macron et du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez - et non une décision officielle de leurs gouvernements.
Beisat se demande pourquoi la RASD est toujours membre de l’UA pourtant le Maroc prétend que plus de la moitié des membres de l’organisation soutiennent sa souveraineté sur le Sahara occidental. Il s’interroge aussi du fait qu’aucune résolution n’a été adoptée à l’ONU alors que plus de 110 pays soutiendraient la revendication marocaine.
Beisat reconnaît que la RASD n’a pas mobilisé un soutien international significatif comme celui de l’ANC contre l’apartheid ou des Palestiniens pour leur cause. Il souligne que le soutien mondial à la Palestine n’a pas changé le comportement d’Israël. Il maintient que l’opinion la plus importante est celle du peuple du Sahara occidental. « Si jamais ils commencent à soutenir la revendication marocaine, alors je serai inquiet », conclut-il.
Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait approuver en octobre la tenue d’un référendum au Sahara occidental
L’ONU maintient que le statut du Sahara occidental doit être décidé par référendum. L’Union européenne partage cette position, malgré les divergences de la France et de l’Espagne. Cette approche semble être la voie privilégiée pour le débat du Conseil de sécurité de l’ONU d’octobre.
Jacob Mundy, professeur associé et titulaire de la chaire d’études sur la paix et les conflits à l’université de Colgate, avertit que « si la France et les États-Unis tentent de faire adopter la proposition d’autonomie du Maroc comme unique solution, ils pourraient rencontrer une forte opposition de la Chine et surtout de la Russie ».
Avec l’Algérie siégeant actuellement au Conseil de sécurité de l’ONU, il est fort probable que le plan du Maroc ne soit pas soutenu. Mundy conclut que cette situation signifie que « peu de choses changeront sur le terrain au Sahara occidental ».
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