L’Afrique du Sud est-elle la privilégiée des pays africains des BRICS ?

L’Égypte et l’Éthiopie ont bloqué le soutien des BRICS à l’Afrique du Sud pour un siège au Conseil de sécurité.

L’expansion des BRICS entrainera inévitablement des désaccords, y compris entre les membres africains, comme en témoigne la récente réunion des ministres des Affaires étrangères à Rio de Janeiro. Aucun communiqué consensuel n’a été publié, ce qui est exceptionnel, en raison des objections des deux nouveaux membres africains intégrés en 2023, l’Égypte et l’Éthiopie.

Jusqu’alors, l’Afrique du Sud était le seul membre africain. Elle avait été admise par le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine en 2010. Lors du sommet de Johannesburg en 2023, les cinq dirigeants des BRICS ont invité l’Argentine, l’Éthiopie, l’Égypte, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à rejoindre l’organisation. L’Argentine a décliné l’offre et l’Arabie saoudite n’a pas répondu. Les BRICS sont alors passés à neuf membres, avec l’Arabie saoudite comme pays observateur.

L’année dernière, sous la présidence russe, les BRICS ont invité l’Indonésie à adhérer et 13 pays à devenir « partenaires », offrant ainsi une voie à l’adhésion. L’Indonésie est devenue membre à part entière en janvier 2025, tandis que le Belarus, la Bolivie, Cuba, le Kazakhstan, la Malaisie, le Nigeria, la Thaïlande, l’Ouganda et l’Ouzbékistan sont considérés comme des partenaires.

L’expansion du groupe a suscité l’enthousiasme débordant de la Russie et de la Chine, l’Inde et le Brésil étaient plus modérés, et l'Afrique du Sud indécise.

La réunion de Rio a dévoilé les divisions entre les principaux membres des BRICS, et entre les membres africains. Le Brésil, pays hôte, a proposé une déclaration que les dirigeants adopteront lors du sommet de juillet. Comme d’habitude, la déclaration intègre une demande de réforme du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) pour une meilleure représentativité au niveau mondial.

Les BRICS soutiennent le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud dans leur quête de sièges permanents au CSNU

Toutefois, le terme « habitude » peut donner lieu à diverses interprétations. Les BRICS ont toujours soutenu de manière implicite les aspirations du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud à obtenir de sièges permanents à un CSNU élargi. Cependant, ils n’ont jamais été très clairs à ce sujet, laissant penser que la Chine et la Russie, membres des BRICS et titulaires de sièges permanents, étaient opposés à l’arrivée de nouveaux membres permanents.

Dans la Déclaration de Pékin en 2022, « la Chine et la Russie ont réitéré l’importance qu’elles attachent au statut du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud dans les affaires internationales et ont soutenu leur souhait de renforcer leur rôle aux Nations unies ».

En 2023, la Déclaration de Johannesburg II appuie les « aspirations légitimes des pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, notamment le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, à jouer un rôle plus important dans les affaires internationales, [en particulier à l’ONU], et au sein du Conseil de sécurité ».

Les responsables sud-africains se sont félicités de cette décision, notant que la formulation « au sein du Conseil de sécurité » illustrait clairement les soutiens russe et chinois aux désirs de ces pays.

Toutefois, lors du sommet de Kazan l’année dernière, la Russie, l’Égypte et l’Éthiopie exprimé leur soutien, provoquant davantage de prudence. Le consensus africain d’Ezulwini stipule que le continent devrait obtenir deux sièges permanents au CSNU élargi et décider des pays qui les occuperaient.

L’attribution des sièges permanents au sein du CSNU soulève des clivages

Ainsi, la déclaration de Kazan, tout en reconnaissant celle de Johannesburg II, indique : « nous soutenons les aspirations légitimes des pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, notamment ceux des BRICS, à jouer un rôle plus important dans les affaires internationales, [en particulier à l’ONU], et au sein du Conseil de sécurité. Nous reconnaissons les aspirations légitimes des pays africains, reflétées dans le consensus d'Ezulwini et la déclaration de Syrte ». Aucune mention n’est faite du Brésil, de l’Inde ou de l’Afrique du Sud.

Puis vint la réunion de Rio le mois dernier. Selon Africa Confidential, les ministres n’ont pas pu se mettre d’accord sur un communiqué parce que l’Éthiopie et l’Égypte contestaient certaines parties du projet de réforme du CSNU en accordant un siège permanent à l’Afrique du Sud.

Chrispin Phiri, porte-parole du ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, Ronald Lamola, a déclaré à ISS Today : « Seuls le Brésil, l’Inde, l’Éthiopie et l’Égypte sont en désaccord sur la mention des nouveaux membres permanents potentiels du Conseil de sécurité des Nations unies. L’Afrique du Sud n’a pas participé à ce débat ». Phiri a déclaré que Pretoria soutenait « pleinement » le consensus d’Ezulwini.

Un autre fonctionnaire sud-africain a confié à ISS Today que le Brésil — et l’Inde dans une certaine mesure — souhaitait que l’on mentionne que le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud voulaient accéder à des sièges permanents. Le Brésil et l’Inde semblaient mécontents que les aspirations de trois membres fondateurs des BRICS soient étouffées par l’expansion du groupe.

L’Égypte et l’Éthiopie étaient contre, estimant l’Afrique du Sud privilégiée par rapport à d’autres États africains. Les représentants du Brésil ont supprimé la référence à l’Afrique du Sud et n’ont mentionné que le Brésil et l’Inde. Néanmoins, l’Éthiopie et l’Égypte ont refusé et insisté pour que le « résumé du président » expose leur objection au paragraphe sur la réforme du Conseil de sécurité.

L’intégration de nouveaux membres dans le groupe des BRICS compliquera l’atteinte de consensus

Dans quel but ? L’Égypte et l’Éthiopie semblaient vouloir s’éloigner de la déclaration précédente et surtout punir le Brésil pour sa stratégie de négociation jugée conflictuelle. Cette discorde a révélé la profonde division entre les États africains sur l’attribution des sièges permanents.

D’une certaine manière, l’acceptation de nouveaux membres a affaibli la position de l’Afrique du Sud dans le monde. Alors que la Russie et la Chine semblaient se ranger peu à peu à ses arguments concernant son adhésion comme membre permanent du CSNU, elle a subit un revers à Ezulwini – ce qu’ont utilisé ses rivaux africains pour freiner ses ambitions.

Si l’on adhère au paradoxe de concéder sa souveraineté nationale au profit d’une plus grande souveraineté collective, l’Afrique du Sud pourrait être plus forte dans un BRICS élargi — comme l’Égypte et l’Éthiopie. Cependant, on peut se demander si cette position supérieure n’est pas un leurre.

Comme le souligne Africa Confidential, le sommet de Kazan était axé sur les questions politiques, s’insurgeant contre les sanctions occidentales envers la Russie, l’assaut d’Israël contre Gaza et les institutions de Bretton Woods. Il n’a pas pu élaborer un système de paiement transfrontalier, une alternative au système SWIFT qui exclut la Russie, ni concrétiser les propositions de la Russie visant à contourner les sanctions occidentales.

« Si les BRICS ne parviennent pas à se mettre d’accord sur des politiques, il est peu probable qu’ils deviennent un rival géopolitique du G20 ou de l’Union européenne », conclut le journal.

Nous ne sommes qu’au début de l’expansion des BRICS et leur avenir est encore incertain. Cependant, les désaccords de Rio laissent penser que l’intégration de membres supplémentaires ne fera que compliquer la prise de consensus.

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