Kabila ferme la porte à tout soutien électoral extérieur
Si la SADC veut stabiliser la RDC, elle doit prendre des mesures vigoureuses outrepassant le principe de souveraineté.
Lors de sa récente visite en République démocratique du Congo (RDC), le Conseil de sécurité des Nations unies a exhorté les responsables congolais à résoudre le différend portant sur le système de vote électronique dont l’opposition souhaite l’abandon. Cependant, Lambert Mende Omalanga, porte-parole du gouvernement de la RDC, a accusé le Conseil de sécurité d’outrepasser le mandat qui lui avait été confié, déclarant qu’il n’avait pas à commenter les prochaines élections prévues le 23 décembre. En outre, le président Joseph Kabila a, une fois de plus, rejeté l’appui logistique de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO).
Kabila et son entourage ont fréquemment été en désaccord avec la communauté internationale, et la crise électorale actuelle a envenimé cette relation. Alors que la situation s’aggravait et que la pression pour qu’il se retire augmentait, Kabila s’est même détourné de certains de ses alliés africains. L’an dernier, il a récusé l’ancien président namibien Hifikepunye Pohamba, envoyé spécial de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).
Puis, en août, il a écarté l’envoyé spécial proposé par l’Afrique du Sud, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki. Le gouvernement congolais a également rejeté les offres bilatérales de soutien électoral de la part d’États membres de la SADC, arguant que celles-ci devaient passer par la SADC.
Après avoir cédé à la pression régionale et interne en ne briguant pas de troisième mandat, Kabila semble avoir fermé la porte à tout conseil, aide ou pression supplémentaire provenant de l’extérieur sur la question des élections. En raison de cette attitude isolationniste, il est presque impossible pour tout acteur – interne, régional, continental ou international – d’influencer le processus ou de passer à l’action quant aux principaux problèmes.
Un contingent important d’observateurs électoraux internes doit être formé et recevoir un soutien financier et logistique
En ce qui concerne les défis à relever, il s’agit de rendre le processus électoral plus transparent, de libérer immédiatement l’espace politique, d’éliminer des listes électorales toutes les entrées non-accompagnées de données biométriques – quelque six millions de personnes – et d’abandonner l’utilisation de machines à voter électroniques.
Alors que peut-on faire pour conjurer la crise qui en résultera si le processus électoral se poursuit dans les conditions actuelles ? Premièrement, la SADC doit parler d’une seule voix. L’organisation elle-même – pas simplement ses membres les plus puissants et les plus directement concernés, à savoir ici l’Afrique du Sud et l’Angola – doit lancer un appel explicite en faveur d’élections crédibles et lister les principaux enjeux que le gouvernement congolais doit traiter.
L’organisation régionale a été trop conciliante, et ce, pendant trop longtemps, à l’égard de la RDC, laissant le gouvernement congolais croire qu’il n’avait rien à craindre si les élections se révélaient entachées d’irrégularités ou manquaient de crédibilité. Si la SADC veut la stabilité dans son État membre le plus vaste, elle doit prendre des mesures audacieuses dépassant les frontières de la souveraineté. Il ne suffit pas pour la SADC d’envoyer une simple équipe d’observateurs électoraux, même si ses conclusions sont critiques envers le processus.
La SADC doit également exhorter la RDC à accepter l’appui logistique offert par la MONUSCO et d’autres acteurs bilatéraux. La garantie que les élections sont bien organisées et que le matériel électoral est livré à temps constitue un enjeu clé pour la crédibilité des élections.
Kabila a une fois de plus rejeté le soutien logistique de la MONUSCO pour les prochaines élections en RDC
Il est tout aussi important que le gouvernement communique le plan de déploiement et de financement pour les étapes restantes du processus électoral. Des inquiétudes existent quant au décaissement des fonds alloués à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la RDC, qui aurait été délibérément ralenti pour servir de prétexte à des délais supplémentaires.
L’Union africaine (UA) doit aussi explicitement faire part de ses attentes, et soutenir l’intervention de la SADC. Si les deux organisations s’expriment d’une seule voix, l’impact du message sera important, signalant ainsi au gouvernement congolais que les organisations du continent ne fermeront pas les yeux si les élections se révèlent chaotiques.
Aussi essentiel que puisse être un message fort de l’UA et de la SADC en prônant un processus crédible, il reste improbable que le gouvernement congolais se laisse convaincre de changer d’approche. C’est pourquoi il est essentiel que les principaux acteurs – internes, régionaux et internationaux – préparent une stratégie de gestion des conséquences d’un processus sur lequel ils n’ont aucune influence.
À cet égard, il est important de former et de soutenir – financièrement et logistiquement – un grand nombre d’observateurs électoraux internes. Les partis politiques d’opposition devraient également prévoir de disposer d’autant d’observateurs qu’ils le peuvent dans les bureaux de vote. Il est essentiel, en cas de fraude le jour de l’élection, qu’une masse critique de témoins puisse en fournir des preuves, et que ces dernières constituent le fondement de toute contestation.
L’Afrique du Sud peut jouer un rôle majeur en aidant l’opposition en RDC à désigner un candidat de l’unité
Il est également indispensable de parvenir à un accord au sein des principaux partis d’opposition qui présentent actuellement des divergences. Certains acteurs souhaitent présenter un candidat de l’unité et participer aux élections prévues, alors que d’autres espèrent que la communauté internationale encouragera un accord de transition sans Kabila, suivi d’élections crédibles. Pour le moment, nul n’envisage de refuser de prendre part aux élections. En effet, d’aucuns soupçonnent que Kabila veuille les entraîner précisément dans cette voie.
Les figures de l’opposition doivent s’unir autour d’un candidat et montrer ainsi que les intérêts de la nation priment sur les intérêts individuels. Dans une telle configuration, une victoire du candidat du parti au pouvoir – le largement inconnu Emmanuel Ramazani Shadary – serait peu probable.
L’Afrique du Sud – et Thabo Mbeki dans son rôle d’envoyé spécial – peut jouer un rôle important ici. Thabo Mbeki connait bien la RDC et bénéficie d’une bonne expérience en matière de médiation entre ses acteurs politiques et d’interaction avec eux. Il n’a pas besoin de l’aval de Kabila pour utiliser son expérience et ses compétences et faire émerger un candidat unique au sein de l’opposition.
Enfin, certains craignent que Kabila ne sape le processus actuel en annonçant un report supplémentaire de la date de l’élection. Si tel est le cas, l’UA, la SADC et la communauté internationale devront exiger d’une seule voix qu’un accord de transition soit mis en place.
Stephanie Wolters, Cheffe du Programme de recherche Paix & Sécurité, ISS Pretoria
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Photo : MONUSCO