Consultations sécuritaires ONU – UA : peu d'actions décisives à la clé

Malgré les nombreux défis auxquels l’Afrique est confrontée, la réunion des conseils de sécurité peinent à prendre des mesures décisives.

La stabilité de l’Afrique est étroitement liée à la paix et à la sécurité internationales. C’est pourquoi le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) se réunissent chaque année dans le cadre de leur accord de partenariat. Toutefois, en dépit des menaces qui pèsent actuellement sur la sécurité mondiale et des risques accrus de coups d’État et de terrorisme en Afrique, la réunion du 6 octobre n’a pas abouti à des résultats concrets.

À l’échelle mondiale, le système multilatéral montre des signes de fragilité croissante. Les guerres entre la Russie et l’Ukraine et entre Israël et la Palestine soulèvent des questions sur le rôle des Nations unies dans le maintien de la paix et de la sécurité.

Sur le continent, la dangereuse résurgence des coups d’État en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale témoigne d’un dysfonctionnement profond de la gouvernance et de la démocratie. Alors que la menace de l’extrémisme violent s’étend à tout le continent, le retrait des forces de maintien de la paix du Mali et bientôt de la République démocratique du Congo (RDC) crée des vides sécuritaires et risque d’aggraver l’instabilité. Dans le même temps, les déficits de financement entravent l’efficacité opérationnelle de diverses opérations de paix, entraînant leur retrait prématuré, comme c’est le cas en Somalie.

Dans ce contexte, il est impératif d’exiger des mesures décisives pour enrayer la détérioration de la sécurité en Afrique. Cependant, lors des consultations entre l’ONU et l’UA, l’ordre du jour s’est principalement concentré sur les conflits au Soudan, au Sahel, en RDC et en Somalie, ainsi que sur les activités de la Mission de transition de l’UA en Somalie. Les deux conseils ont également discuté du financement des opérations de paix menées par l’UA, du rôle de la jeunesse dans la paix et la sécurité et de l’amélioration des méthodes de travail pour une meilleure coopération entre le CPS et le CSNU.

L’omission de la résurgence des coups d’État dans l’ordre du jour interpelle quant aux priorités des deux conseils

Cet ordre du jour n’a pas été à la hauteur de la complexité des défis sécuritaires auxquels l’Afrique est confrontée. Il a été largement dominé par la situation au Soudan, en Somalie, en RDC et au Sahel, bien que ces priorités méritaient certainement d’être abordées. D’autres crises tout aussi urgentes n’ont pas été examinées, telles que l’insurrection en cours au Mozambique et, en Éthiopie, les hostilités en cours dans les régions d’Oromia et d’Amhara et les nouveaux défis auxquels est confronté le processus de paix dans la région du Tigré. L’exclusion de ces sujets démontre la nécessité d’élargir l’ordre du jour de ces rencontres entre l’ONU et l’UA, sans se limiter à quelques cas iconiques.

Afin de rendre les consultations plus pertinentes, il faudrait élargir la portée des discussions sur la priorité à accorder à la prévention des conflits et à la réponse rapide aux conflits émergents, tout en intégrant l’examen périodique de questions transversales.

Sur le plan thématique, l’omission dans l’ordre du jour, de la résurgence des coups d’État et des changements anticonstitutionnels de gouvernement – même au sein des discussions informelles – suscite des interrogations quant aux priorités de ces deux conseils.

L’année dernière, la lutte contre le terrorisme a été examinée à juste titre dans le contexte de la détérioration de la sécurité et du contexte politique en Afrique de l’Ouest et au Sahel. La réunion de cette année a bien couvert le retrait prématuré des forces de maintien de la paix, mais aurait dû également aborder la question du soutien aux transitions dans le contexte de la multiplication des coups d’État.

Le Gabon, qui siège actuellement au CSNU bien que suspendu de l’UA, a participé à la réunion

Les deux conseils se sont concentrés sur les coups d’État au Sahel, laissant de côté le cas du Gabon. Il est intéressant de noter que le Gabon, qui siège actuellement au Conseil de sécurité des Nations unies malgré sa suspension de l’UA, a été autorisé à assister à la réunion. Cette situation soulève des questions quant à la nature du partenariat entre l’UA et l’ONU et révèle la différence des approches des deux institutions dans le traitement de ces questions controversées.

Le fait que l’UA ait suspendu le Gabon de ses activités aurait dû l’empêcher d’assister aux consultations entre les conseils. Un représentant d’un État membre ayant requis l’anonymat a suggéré à ISS Today que la réunion n’était pas vraiment une session de l’UA mais plutôt une session conjointe organisée par les deux organes intergouvernementaux. Le Gabon pouvait donc y assister en tant que membre du CSNU.

D’après le communiqué commun qui en est issu, la réunion ONU-UA n'a débouché que sur un nombre limité d'actions visant à résoudre les crises examinées, ce qui a laissé de nombreux États membres et observateurs insatisfaits quant à l'aboutissement des consultations.

La réunion a laissé entrevoir des progrès sur la question du financement des opérations de soutien de la paix menées par l’UA, qui se pose depuis longtemps. Cette question est l’un des principaux défis auxquels sont confrontées les deux organisations.

Les consultations doivent insister sur la prévention comme solution principale aux multiples crises en Afrique

En février, l’UA a adopté le Document de consensus de l’UA sur le financement prévisible, adéquat et durable des activités de paix et de sécurité de l’UA. Le rapport du Secrétaire général des Nations unies de mai 2023 a soutenu l’accès aux contributions évaluées par les Nations unies, tout comme la réunion ministérielle du CPS en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.

L’UA a également relancé son Fonds pour la paix, marquant ainsi une plus grande appropriation de ses priorités en matière de sécurité. Il semblerait que le Conseil de sécurité des Nations unies n’insiste pas sur l’obligation de l’UA de contribuer financièrement à hauteur de 25 % aux opérations de paix, contribution qui pourrait provenir des États membres et de partenaires tels que l’Union européenne et la Chine.

Plus important encore, un projet de résolution sur la question du financement devrait être examiné par le Conseil de sécurité des Nations unies en décembre. Son adoption renforcera le partenariat entre l’UA et l’ONU et permettra aux missions de paix autorisées par l’ONU et dirigées par l’UA de relever efficacement et de manière appropriée les défis auxquels elles sont confrontées.

En tant que réunion consultative, la rencontre ONU-UA n'avait pas pour objectif de déboucher sur des résultats tangibles. Mais pour qu’elle soit plus pertinente, il faut remédier aux lacunes dans l’établissement de l’ordre du jour. Les consultations doivent reconnaître que les solutions aux multiples crises de l’Afrique résident en grande partie dans la prévention. Il convient également de ne pas uniquement se concentrer sur quelques cas spécifiques à un pays ou à une région.

Afin d’éviter que ces réunions de haute importance ne soient considérées comme de simples formalités à accomplir dans le calendrier, les États membres capables de défendre des questions particulières devraient être chargés du partage d’informations et de la diffusion de messages communs.

Hubert Kinkoh, chercheur, Gouvernance africaine de la paix et de la sécurité, ISS Addis-Abeba

Image : © Amelia Broodryk/ISS

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