Les terroristes ont droit à un procès équitable
L’absence de procès équitable pour les présumés terroristes arrêtés lors de combats sape la lutte que mène le Nigeria contre Boko Haram.
Pretoria, Afrique du Sud – Les violences perpétrées par Boko Haram ravagent le nord-est du Nigeria et les pays du bassin du lac Tchad. Des milliers de suspects ont été arrêtés par l’armée nigériane entre 2009 et 2013, puis détenus sans inculpation jusqu’à une série de procès de masse entachés d’irrégularités qui se sont tenus en 2017 et en 2018.
Seuls quatre juges ont été désignés pour présider les procès de plus de 5 000 suspects et les débats ont duré cinq jours au plus, un délai trop court pour que les procureurs puissent présenter un dossier ou que les avocats puissent offrir une défense.
Les audiences se sont déroulées dans des camps militaires mal équipés pour accueillir les fonctionnaires des tribunaux et les suspects. Elles se tenaient à huis-clos et seule une poignée de membres de la société civile et des médias a pu y assister.
Les procédures ont été expédiées, l’aide juridique était inégale et les affaires reposaient sur des aveux et non sur des preuves. Certains dossiers étaient égarés et la protection des témoins faisait défaut.
« Dans son combat contre l’idéologie et le terrorisme aveugle, l’État doit se montrer irréprochable sur le plan moral », déclare Allan Ngari, chercheur principal à l’ISS et auteur de nouvelles recherches sur les procès pour terrorisme au Nigeria, au Mali et au Niger. « Pour contrer la brutalité de Boko Haram, il est d’autant plus nécessaire de garantir des arrestations conformes aux procédures en vigueur et des procès équitables, et ce dans un système judiciaire pénal en bon état de marche. »
« Le recours à une réponse militaire contre des extrémistes violents comme Boko Haram peut se justifier, mais la force doit être complétée par une approche fondée sur les droits humains et sur la justice pénale, » dit Ngari. « En l’absence de procédure légale, les opérations militaires sont contre-productives. »
Tout système judiciaire pénal serait submergé si se présentaient des milliers de procès pour terrorisme, mais le Gouvernement nigérian reste lié par l’obligation de respecter l’état de droit et les droits humains. Le pays est partie à la majorité des 19 traités internationaux relatifs au terrorisme, et ces instruments juridiques relèvent du cadre du droit international des droits humains, du droit humanitaire, du droit pénal et du droit des réfugiés.
La Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies réaffirme que le respect des droits humains et de l’état de droit constitue le fondement de la lutte contre le terrorisme et la Constitution du Nigeria prévoit le droit à un procès équitable.
La loi nigériane relative à l’administration de la justice pénale favorise la rapidité des décisions de justice et la protection des droits et des intérêts des suspects, des accusés et des victimes. La déclaration des droits du Nigeria impose au gouvernement de s’assurer que les principes du procès équitable soient garantis aux terroristes présumés, notamment le caractère public de l’audience, qui doit se tenir devant un tribunal compétent, indépendant et impartial tel qu’établi par la loi.
L’un des défis est le rôle de première ligne des militaires. Ils peuvent capturer des suspects et relever des preuves sur le champ de bataille, mais selon la loi nigériane, l’armée n’a pas de pouvoir d’arrestation aux fins d’un procès pénal. « Le Nigeria a besoin d’une réforme législative pour s’assurer que l’armée soit autorisée par la loi à procéder à des arrestations en vue d’un procès pénal, » déclare Ngari.
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