Enseignements africains sur le terrorisme
Ce sont les idées erronées et les politiques non appropriées qui aggravent le terrorisme, a mis en garde l’ISS lors de l’Assemblée générale de l’ONU cette semaine.
- Les réponses étatiques au risque terroriste l’exacerbent
- Les recherches menées par l’ISS remettent en cause les idées fausses sur l’extrémisme
- Les jeunes Maliens rejoignent des groupes djihadistes par souci de protection, non par fanatisme
- Le lien entre migration et extrémisme n’est pas établi
- Pour une sécurité durable, les politiques doivent comprendre ce qui entraîne les individus vers le terrorisme
De récentes recherches entreprises en Afrique montrent que les réponses des États face au terrorisme ne font, le plus souvent, que l’exaspérer. C’est le message qu’a porté cette semaine l’Institut d’études de sécurité (ISS) à l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
L’ISS travaille sur les questions de prévention de l’extrémisme violent et les réponses possibles au terrorisme dans le cadre de sa mission principale qui consiste à améliorer la sécurité humaine en Afrique. L’ISS apporte un point de vue africain dans le débat mondial sur l’extrémisme, le terrorisme, les migrations et le développement. Une recherche récente menée en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest a remis en cause de nombreuses perceptions erronées quant au meilleur moyen de combattre le terrorisme.
Repenser l’implication des jeunes dans l’extrémisme violent
Les chercheurs de l’ISS ont remis en cause les mythes sur la radicalisation des jeunes en Afrique de l’Ouest. Ces derniers étaient suspectés de rejoindre des groupes djihadistes au Mali en raison de leur fanatisme. Cependant, les jeunes Maliens précédemment enrôlés dans ces groupes ont fréquemment avoué aux chercheurs de l’ISS que leur acte était guidé par le besoin de protéger leur famille, leur communauté et leurs activités génératrices de revenus.
« Si nous les présentons à tort comme de simples individus radicalisés, sans emploi, endoctrinés par une idéologie religieuse, nous développerons des solutions qui manqueront leur cible », explique Lori Théroux-Bénoni, directrice du bureau de l’ISS à Dakar, qui a supervisé cette recherche en Afrique de l’Ouest.
Actuellement, l’ISS conseille des gouvernements régionaux sur la réponse à apporter à l’extrémisme violent et au recrutement dans ces groupes terroristes. Ses recherches ont été effectuées en 2016 et 2017 par des sociologues et des anthropologues qui ont mené des entretiens dans des prisons, dans des villages et dans des mines d’or avec de jeunes Maliens précédemment engagés dans des groupes djihadistes.
Migrant ou terroriste ?
L’ISS conteste la vision selon laquelle les communautés touchées par le terrorisme sont elles-mêmes terroristes. « Il n’existe aucune preuve empirique en Afrique qui confirmerait un lien direct entre migration et extrémisme », déclare Ottilia Maunganidze, chef de programme à l’ISS. « Selon les statistiques, le nombre de migrants impliqués dans l’extrémisme violent est négligeable. »
La véritable relation entre migrations et extrémisme violent reste encore largement inexplorée ; elle fait l’objet d’une nouvelle recherche de l’ISS.
Les décideurs politiques ne peuvent être guidés par la peur
La peur conduit à la mise en place de politiques non appropriées et à des réponses contre-productives face au terrorisme. La peur peut mener à une utilisation de la force sans entrave, à une guerre asymétrique, à une collecte illégale de renseignements, ainsi qu’à des actes de torture et de détention d’individus suspectés de terrorisme.
Seule une politique à long terme traitant la question des conditions qui amènent des individus au terrorisme permettra d’atteindre une sécurité humaine durable.
Les stratégies fondées sur l’utilisation de la force donnent la possibilité aux terroristes de se présenter comme des soldats et des martyrs. De plus, en violant les droits de l’homme par des réponses militaires trop zélées, les États risquent d’exacerber les conditions initiales qui engendrent l’extrémisme.
« Une action des forces de sécurité caractérisée par des arrestations de masse et un profilage racial sont contre-productives et peuvent mener des individus à l’extrémisme », affirme Cheryl Franck, chef du programme de l’ISS sur les menaces transnationales et la criminalité internationale.
Les recherches menées par l’ISS montrent que moins de partisans de la force et plus de défenseurs du développement social, de la justice et des droits de l’homme sont nécessaires.
Ajouter le mot « développement » au lexique des partisans de la force
La meilleure façon de combattre les terroristes est d’améliorer les conditions de vie de leurs recrues. Il faut porter une plus grande attention aux 17 Objectifs du développement durable (ODD) des Nations unies car ils constituent la meilleure approche du développement mondial et des priorités en matière de sécurité. Cependant, les débats sur la lutte anti-terroriste ne font que rarement le lien entre développement et sécurité. Les ODD doivent entrer dans le lexique des partisans de la force.
La discrimination stimule l’extrémisme
Les États facilitent le recrutement dans des groupes extrémistes lorsqu’en combattant le terrorisme ils violent les droits de l’homme ou font preuve de discrimination envers des groupes ethniques ou religieux.
C’est l’une des conclusions principales d’Allan Ngari, chercheur principal à l’ISS. Il considère que les États devraient respecter le droit international, les droits de l’homme et les principes démocratiques comme stratégie de prévention de l’extrémisme violent.
Les agences qui élaborent des politiques de lutte contre le terrorisme doivent promouvoir le dialogue inter-religieux et entre communautés ethniques et insister davantage sur les facteurs politiques et socioéconomiques qui mènent à la violence, plutôt que sur des facteurs identitaires tels que la religion et l’ethnicité.
De nombreuses réponses au terrorisme ont échoué parce que les stratégies des gouvernements tendaient à aliéner les communautés qu’elles devaient aider. Les recherches de Ngari montrent que les États insistent maladroitement sur des facteurs identitaires tels que la religion et l’ethnicité, contribuant ainsi à éveiller des comportements pouvant conduire à la violence.
La corruption est un catalyseur pour le terrorisme
La corruption est un aspect négligé des violations des droits de l’homme ; elle entretient l’injustice et les inégalités et constitue l’un des principaux catalyseurs du terrorisme. La corruption pille les ressources et le potentiel des nations et provoque ressentiment et radicalisation en Afrique. Une récente étude de l’ISS sur Boko Haram au Nigeria montre que les organisations extrémistes aiment se dépeindre comme étant la solution à la corruption et aux injustices.
À propos de l’ISS
L’ISS est une organisation africaine de premier plan qui travaille sur la prévention de l’extrémisme violent et traite des questions de terrorisme dans le cadre de sa mission principale qui consiste à améliorer la sécurité humaine sur le continent.
Combattre la terreur grâce à des recherches originales
La recherche de terrain de l’ISS, conduite dans des langues locales dans des conditions difficiles, corrige les idées fausses et oriente les stratégies visant à combattre la radicalisation et l’extrémisme violent. Elle s’assure que les stratégies de lutte anti-terroriste sont fondées sur des faits et non sur des préjugés.
Un acteur mondial sur le terrorisme et l’extrémisme
L’ISS est l’une des seules organisations africaines disposant de sièges dans des forums mondiaux de lutte anti-terroriste. Les experts de l’ISS conseillent directement les Nations unies sur la stratégie anti-terroriste à mener et collaborent avec la société civile pour s’assurer que les causes économiques et sociales de l’extrémisme sont intégrées dans le débat politique.
Formation à la lutte contre le terrorisme en Afrique
L’ISS forme les gouvernements et la société civile afin qu’ils relèvent les défis de la sécurité humaine en Afrique, de la question des poursuites pour terrorisme au démantèlement des bombes. Les formations de l’ISS sont à la fois concrètes et durables ; elles intègrent des cas pratiques et des exercices.
Experts de l’ISS disponibles pour des interviews :
Lori-Anne Théroux-Bénoni : +221 33 860 3304 , [email protected] (à Dakar)
Ottilia Maunganidze : + 1 929 310 2298, [email protected] (à New York)
Cheryl Frank : +1 202 468 9173, [email protected] (à New York)
Allan Ngari : +1 202 468 9642, [email protected] (à New York)