Des structures essentielles pour faciliter la sécurité maritime en Afrique
Alors que la décennie consacrée aux mers et océans africains s’achève, trois priorités demeurent pour concrétiser les aspirations maritimes.
Dans le discours qu’il a prononcé le 9 juin lors de la session « L’Afrique au cœur de l’action océanique » à la troisième Conférence des Nations unies sur les océans, le Secrétaire général des Nations unies a souligné le rôle central de l’Afrique dans les efforts mondiaux en faveur des océans. Il a cité la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans – horizon 2050 (Stratégie AIMS 2050) comme un modèle de coopération régionale en matière de sécurité maritime et de gouvernance océanique.
Il a toutefois ajouté que la Stratégie AIMS 2050 devait de toute urgence revoir son approche, s’adapter aux nouvelles menaces et aux nouveaux acteurs, et mieux coordonner l’élaboration des politiques maritimes continentales.
Le temps presse, car cette année marque la fin de la Décennie des mers et des océans africains (2015-2025). Cela devrait susciter des appels pour une nouvelle direction et la mise à jour des stratégies afin de faire face aux menaces actuelles et émergentes en matière de sécurité maritime.
Les dynamiques ont fluctué au cours de ces dix dernières années. L’Union africaine (UA) a d’abord lancé le programme phare AIMS 2050. Cependant, elle a rapidement privilégié la Charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritimes et le développement en Afrique (Charte de Lomé, 2016) comme moyen d’ancrer la sécurité maritime dans le processus décisionnel continental.
La Charte est restée la priorité de l’UA au cours de la décennie, mais c’est une autre, plus ancienne, la Charte africaine du transport maritime révisée (adoptée par l’UA en 2010), qui a finalement atteint en 2025 les 15 ratifications nécessaires pour entrer en vigueur.
Depuis cinq ans, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) accorde une attention soutenue à la sécurité maritime, comme en témoigne la 1275e réunion du CPS du 23 avril 2025. Cependant, cette thématique doit poursuivre son institutionnalisation. Cela passera par des révisions régulières des politiques, par l’attribution de lignes budgétaires spécifiques, par la mise en place d’institutions permanentes et d’activités opérationnelles régulières menées par un mécanisme de coordination ou une unité chargée de la sécurité maritime. Trois initiatives phares, issues du dernier communiqué du CPS, des pratiques passées et des défis auxquels sont confrontées les initiatives de l’UA, devraient être considérées comme prioritaires pour concrétiser les aspirations maritimes.
Trois initiatives phares devraient être considérées comme prioritaires
La première est la création d’un groupe d’experts africains en sécurité maritime afin de renforcer la coordination et le partage des connaissances et des expériences entre les États membres. Les initiatives similaires menées par le passé montrent que des plateformes informelles, compactes et évolutives, animées par des experts, peuvent jouer un rôle crucial dans le soutien aux décideurs.
Ainsi, le groupe d’experts en cybersécurité de l’UA créé en 2019 montre qu’une petite unité peut apporter son soutien et surmonter la dispersion des efforts de mise en œuvre.
La Conférence de l’UA a appelé à plusieurs reprises à la création d’un groupe maritime. En 2020, elle a demandé à la Commission de l’UA de mettre en place un forum consultatif chargé d’examiner périodiquement les avancées réalisées dans le domaine maritime.
En décembre 2022, lors de sa 1128e réunion, le CPS a réitéré cet appel, exhortant la Commission de l’UA à créer un groupe d’experts ou de travail chargé de coordonner des actions, de partager les connaissances et de formuler des recommandations dans le domaine de la sécurité maritime. Il fournirait une expertise technique aux États membres et aux autres parties prenantes, renforçant ainsi leurs capacités en sécurité maritime et facilitant et renforçant la coordination interministérielle.
Les questions maritimes relèvent de plusieurs départements de l’UA, ce qui entrave parfois la coordination. Par exemple, la Direction de l’environnement durable et de l’économie bleue du département de l’Agriculture, du développement rural, de l’économie bleue et de l’environnement durable de la Commission de l’UA met en œuvre des politiques, des programmes et des stratégies relatifs à l’utilisation durable des ressources océaniques. Ces efforts ne sauraient être dissociés des questions d’insécurité maritime.
La direction doit donc renforcer sa collaboration avec le département des Affaires politiques, de la paix et de la sécurité (PAPS) de l’UA et le Bureau du conseiller juridique, qui sont les autres garants de la sécurité maritime.
Le succès dépendra de la capacité à surmonter le manque chronique de financement
Comme pour toute initiative de ce type, le succès dépend de la capacité à surmonter le manque chronique de financement.
L’idée est que le groupe d’experts sur la sécurité n’ait aucune incidence financière directe sur la Commission de l’UA. Si cette approche a pour avantage d’augmenter les chances qu’il soit officiellement créé, l’absence de financement dédié risque néanmoins de nuire à son efficacité et à sa viabilité à long terme. La solution serait d’encourager les États membres à détacher des experts auprès du groupe, ce qui renforcerait l’appropriation nationale et la participation des États à la définition des priorités maritimes. Afin de garantir la qualité et la cohérence de ses travaux, la Commission de l’UA pourrait veiller à ce que les experts détachés répondent à des exigences techniques.
Les organes et départements de l’UA, les communautés économiques régionales, les autorités maritimes nationales, le secteur industriel, les universités, les groupes de réflexion et la société civile devraient accorder la priorité à une participation étendue à la conception et au fonctionnement du groupe.
Une deuxième priorité, émanant de la 1128e réunion du CPS du 19 décembre 2022, serait d’encourager la Commission de l’UA à mener un exercice de commandement maritime. Amani Africa III, organisé par le département PAPS, serait le premier exercice maritime réalisé sous l’autorité de la Force africaine en attente (FAA). Plutôt que d’entreprendre des activités en mer ou des tirs réels, il testerait les fonctions de commandement et de contrôle à travers des simulations d’actes de piraterie, de pêche illégale ou d’une situation d’urgence telle que le débarquement de troupes pour procéder à l’évacuation maritime de civils. Le groupe d’experts en sécurité pourrait aider à élaborer les scénarios, à évaluer les réponses et à fournir une plateforme de réflexion et d’apprentissage.
L’exercice pourrait être lié aux efforts continus déployés par certains organes — tels que le groupe de travail maritime combiné — pour coordonner une riposte, notamment en harmonisant leurs pratiques de partage d’informations, de prise de décision et de planification sur celles de la FAA. Une force opérationnelle a été créée en 2023 dans le golfe de Guinée afin d’apporter une réponse rapide et coordonnée aux menaces de piraterie et de vols à main armée. Elle organise des patrouilles coordonnées et des opérations conjointes et de partage des informations, à l’image de l’approche opérationnelle des forces maritimes combinées de l’océan Indien et de la mer Rouge.
Le groupe de travail illustre comment les plateformes régionales peuvent se rapprocher des objectifs de l’UA et contribuer à leur réalisation en renforçant leurs capacités et leurs compétences. La force du golfe de Guinée devrait constituer une plateforme permanente pour les experts régionaux, qui alimenterait les processus continentaux en informations et en enseignements opérationnels. Le CPS a appelé à plusieurs reprises à la création de forces dans d’autres régions, encore tout récemment dans son communiqué du 23 avril 2025, car la force du golfe de Guinée constitue un modèle concret d’appropriation régionale et de réponse proactive de l’Afrique, face aux menaces maritimes.
Un groupe de travail doit être créé pour conseiller l’UA en sécurité maritime
La troisième initiative consisterait à relancer le Forum des chefs d’état-major des marines nationales ou des responsables des garde-côtes africains. Le CPS, notamment à travers le communiqué de sa 1128e réunion, a souligné la nécessité de créer un groupe de travail chargé de conseiller l’UA en matière de sécurité maritime. Cela a incité la Commission de l’UA à aider les États membres à convoquer la réunion inaugurale du comité des chefs d’état-major des marines nationales et des responsables des garde-côtes africains. Les communiqués des 1174e, 1209e et 1275e réunions demandent que le groupe de travail tienne sa première réunion.
Si le groupe d’experts en sécurité doit rassembler des experts pour des réunions d’information ponctuelles, le comité est plutôt envisagé comme une plateforme plus formelle, permanente et diplomatique pour la coordination et la coopération entre les hauts responsables des marines nationales et des garde-côtes africains. Chaque État désignerait un officier de liaison, ce qui permettrait de réduire les formalités administratives qui nuisent souvent à la coopération, tout en renforçant la confiance et en améliorant le partage d’informations et de ressources.
Le groupe gagnerait à être inclus dans d’autres initiatives en cours. En 2024, par exemple, l’Afrique du Sud a organisé la dernière édition du symposium Puissance maritime pour l’Afrique. Il s’agit d’un forum continental de premier plan où les responsables africains du secteur maritime discutent de questions de sécurité maritime, de coopération régionale et de stratégies telles que la Stratégie AIMS 2050. Le comité des hauts responsables des marines et des garde-côtes africains pourrait se réunir pendant cet événement, qui est conçu pour favoriser le dialogue stratégique et la recherche de consensus.
Il pourrait recommander des réformes prioritaires en s’appuyant sur les points de vue souvent négligés des marines nationales et des garde-côtes africains. Ces réunions devraient donner lieu à un rapport semestriel au CPS, avec l’aide du groupe d’experts en sécurité, afin de traduire les connaissances techniques et opérationnelles en conseils stratégiques pour les décideurs politiques et garantir que la dynamique est maintenue.