Programme de l’UA pour la jeunesse : entre progrès et défis
Le cadre continental pour la jeunesse, la paix et la sécurité, qui arrive à mi-parcours, nécessite un regain d’efforts.
Le Cadre continental pour la jeunesse, la paix et la sécurité (JPS), adopté en juin 2020, s’appuie sur des initiatives et des efforts régionaux et internationaux pour promouvoir le rôle des jeunes dans les efforts en faveur de la paix, de la sécurité et du développement socio-économique. Le cadre JPS se fonde, entre autres, sur la résolution 2250 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies et la Charte africaine de la jeunesse. Ses principaux objectifs sont de soutenir les jeunes Africains dans leurs efforts en matière de paix et de sécurité, de renforcer les partenariats et la collaboration et de développer des projets sur les jeunes et dirigés par eux. S’appuyant sur la dynamique impulsée par la résolution 2250 et par le thème de l’année 2017 de l’Union africaine (UA), le cadre vise à créer un document exhaustif pour mettre en œuvre le programme de l’UA pour la jeunesse africaine en matière de paix et de sécurité.
Ce processus a donné lieu à la rédaction du Cadre continental sur le plan de mise en œuvre décennal de la JPS, plan qui couvre la période 2020-2029. Le plan est un outil de programmation des activités à réaliser, des extrants à produire et des résultats à atteindre d’ici 2024 et 2029. Il fixe les priorités, détermine les responsabilités et assigne des ressources aux parties prenantes afin de faciliter son exécution. Parvenu à mi-parcours, il est important de réfléchir aux avancées générées par le cadre, à l’atténuation des difficultés et aux recommandations pour la période 2025-2029.
Un aperçu du cadre
Le cadre encourage la participation des jeunes hommes et des jeunes femmes dans tous les domaines de la gouvernance, de la paix et de la sécurité en Afrique. Conformément aux articles 11 et 17 de la Charte africaine de la jeunesse, il comporte cinq priorités découlant de la résolution 2250, à savoir la participation, la prévention, la protection, les partenariats et la coordination, auxquelles s’ajoutent le désengagement et la réintégration. Ces priorités recoupent celles de l’architecture africaine de paix et de sécurité, autant qu’elles s’en inspirent, en intégrant les jeunes dans les processus de paix, depuis l’alerte précoce et la prévention jusqu’à la reconstruction et au développement post-conflit.
Le cadre a cinq priorités : la participation, la prévention, la protection, les partenariats, la réintégration
Le plan présente 23 indicateurs que la Commission de l’UA (CUA), les communautés économiques régionales (CER)/mécanismes régionaux (MR), les États membres et les jeunes doivent mettre en œuvre. Ces indicateurs sont détaillés pour une programmation efficace de la JPS, ce qui constitue en soi une réelle valeur ajoutée. Cependant, peu d’objectifs ont pour l’heure été atteints.
Évaluer la mise en œuvre
L’insuffisance des ressources allouées et le manque de volonté et d’implication politiques ont entravé l’exécution du programme de la JPS, la plupart des objectifs pour 2024 n’ayant pas encore été réalisés. Par exemple, en ce qui concerne le résultat 1 (la participation) aucun des jalons ou indicateurs n’a été atteint, comme on peut le voir ci-dessous.
Activité clé |
Objectif d’ici 2024 |
Acteurs principaux |
Progrès réalisés |
Vulgarisation et plaidoyer en faveur de la domestication et de l’application du cadre JPS aux niveaux national et régional |
Sensibilisation de 40 % des États membres, des CER/MR et autres parties prenantes au cadre JPS |
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CUA
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CER/MR
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États membres
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Jeunes
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Aucune donnée disponible. La CUA doit encore évaluer la popularisation du cadre. |
Élaboration de plans d’action sur la JPS conformément au cadre et aux politiques nationales sur la jeunesse |
Établissement de plans d’action nationaux sur la JPS, axés sur les jeunes et menés par eux, dans 25 % des États membres |
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Seuls deux États membres se sont dotés de plans d’action. |
Plaidoyer en faveur de la réalisation des plans d’action, y compris en ce qui concerne la participation des jeunes aux processus décisionnels |
20% member states implement action plans
At least 25 youth serving in key statutory decision-making and elective positions in peace and security regionally, nationally and continentally |
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Pas de données disponibles. Puisque seuls deux États membres ont élaboré des plans complets, il est peu probable que cet objectif soit atteint. |
Renforcement des capacités en matière de leadership et de gestion des processus de consolidation de la paix pour les hauts fonctionnaires et les jeunes hommes et femmes, y compris les personnes déplacées et celles vivant en situation de handicap. Cela devrait inclure un réseau de conseillers régionaux, nationaux et continentaux de JPS |
Formation d’au moins 250 personnes, en particulier des jeunes, au leadership et aux techniques de consolidation de la paix |
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Aucune donnée disponible. Bien que divers programmes de renforcement des capacités des jeunes aient été lancés par la CUA, il n’est pas certain que leurs activités soient harmonisées avec le cadre continental et le plan de mise en œuvre. |
Comme indiqué ci-dessus, l’une des priorités est la conception de plans d’action détaillant la volonté politique et l’engagement des gouvernements à respecter les obligations de la JPS. Le plan de mise en œuvre précise que 25 % des États membres (environ 13 pays) devraient avoir établi et adopté un programme axé sur la jeunesse d’ici 2024. Toutefois, à ce jour, seuls deux pays (la République démocratique du Congo et le Nigéria) y sont parvenus.
Bien que la rédaction de ces programmes soit en cours dans plusieurs autres États membres, au moins 11 pays devraient les finaliser et les adopter d’ici la fin de l’année afin d’atteindre l’objectif fixé. Le plan prévoit également qu’au moins 20 % des États membres les mettent en œuvre, sans qu’aucun critère additionnel ne vienne guider leur conception ni aucune responsabilité claire en matière de rapports d’évaluation à l’échelle nationale. Malgré la création de lignes directrices par Youth for Peace (Y4P), la première étape consisterait à faire en sorte que les États membres élaborent et adoptent des plans adaptés à leur contexte.
Seuls deux États sur 13 visés ont élaboré des plans Jeunesse entre 2020 et 2024
Une évaluation complète, rigoureuse et détaillée du cadre continental rendrait compte des progrès accomplis. À l’heure actuelle, les informations et les données disponibles indiquent que certains des cinq indicateurs prioritaires n’ont pas encore été appliqués. Dans certains cas où le renforcement des capacités et la formation des jeunes ont été assurés, aucun lien direct avec le cadre n’a été établi. Des exigences plus claires en matière de présentation de rapports pour les États membres, la société civile, les partenaires de développement et la CUA permettrait de mieux évaluer les effets et les progrès accomplis.
Quelles exigences concernant la production de rapports ?
L’un des avantages du plan décennal réside dans ses exigences en matière de production de rapports. Dans le cadre du résultat 4 (Partenariats et coordination), le document s’engage à présenter des rapports périodiques évaluant la contribution des jeunes à la paix et à la sécurité et l’état d’avancement du cadre de la JPS. La CUA a prévu de présenter cinq rapports annuels couvrant la période 2020-2024, mais on ne sait pas exactement combien de rapports ont bel et bien été soumis depuis l’adoption du cadre.
Malgré les exigences en matière de production de rapports au Conseil de paix et de sécurité (CPS), cette disposition n’est pas imposée aux États membres ni aux CER/MR, qui sont les principales entités chargées de l’exécution du cadre. Leur mise en œuvre du programme de la JPS devra être prise en compte afin de contribuer à l’élaboration des rapports de la CUA au CPS. Les États membres et les MR devraient donc rendre compte des résultats et des activités du cadre. Cependant, aucune responsabilité n’a été confiée à la CUA à cet égard.
Il s’agit donc d’une tâche herculéenne pour le programme Y4P — le principal acteur continental sur cette thématique — que de retracer et de rendre compte des progrès réalisés par les 55 États membres au regard du cadre continental de la JPS. Il est quasiment impossible de mettre à jour la matrice chaque année pour refléter le statu quo. En l’absence d’exigences plus claires au sujet des rapports et des mesures d’atténuation, l’évaluation des réalisations du plan JPS est vouée à demeurer purement symbolique.
La voie à suivre
L’examen à mi-parcours prévu pour 2025 constitue une bonne occasion d’évaluer la mise en œuvre du cadre. Il devrait non seulement contribuer aux célébrations du dixième anniversaire de la résolution 2250, mais aussi permettre d’examiner et d’évaluer les efforts continentaux, régionaux et nationaux visant à faire progresser la JPS.
Les parties prenantes devront composer avec des défis techniques, financiers et humains
Les États membres, les MR et la CUA, qui ont peu de réalisations à faire valoir, devront composer avec nombre de défis persistants et avec les ressources techniques, financières et humaines dont ils disposent pour mettre en œuvre la JPS. Ces entités-chefs de file et ces parties prenantes devraient préciser les exigences de production de rapports.
La session annuelle du CPS sur la JPS, prévue pour novembre, pourrait être la plateforme idéale pour examiner et promouvoir l’adoption du cadre continental. L’ordre du jour devrait faire le point sur l’adoption et l’application des plans d’action nationaux et encourager l’élaboration d’autres plans. Cela permettrait de faire en sorte que la réunion ne soit pas un simple rendez-vous thématique, mais bien un forum ciblé examinant les réponses des gouvernements aux besoins et aux priorités de la jeunesse africaine.