Les sous-comités du CPS sont-ils adaptés à leur objectif ?
Le Conseil de paix et de sécurité possède un certain nombre de sous-comités, mais seuls deux d’entre eux sont réellement actifs.
Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA) est l’organe central de décision chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits en Afrique. Depuis sa création en mai 2004, cinq sous-comités sont venus améliorer son fonctionnement. Il s’agit du Comité d’état-major (CEM), du Comité d’experts (CE), du Comité des sanctions, du Comité sur la reconstruction et le développement post-conflit (RDPC) et du Comité sur la lutte contre le terrorisme. Le présent article évalue leur utilité et leur apport au CPS.
Les sous-comités peuvent être classés en deux grandes catégories : ceux qui sont actifs, à savoir le CEM et le CE, et ceux qui le sont peu, à savoir les trois autres. Cette distinction constitue un point de départ utile pour une analyse fondée sur les quatre critères suivants : le mandat juridique et le statut institutionnel, la composition et la capacité technique, l’activation opérationnelle et le fonctionnement, ainsi que la dynamique politique et le soutien opérationnel.
Le mandat juridique et le statut institutionnel
En vertu de son article 8 (5), le Protocole sur le CPS habilite le Conseil à créer des organes subsidiaires — composés d’États individuels ou de groupes de pays — destinés à apporter leur aide en matière de médiation, d’expertise juridique et militaire ou un soutien technique. Ces organes ont un rôle juridique et consultatif dans le renforcement du processus décisionnel du CPS. Cependant, leur fondement juridique diffère, ce qui a des implications sur leur autorité instituante et leur prééminence.
Quatre des sous-comités relèvent de l’article 8 (5) du Protocole, tandis que le CEM est régi par l’article 13 (paragraphes 8 à 12) du chapitre consacré à la Force africaine en attente.
- Le CE a été créé en juillet 2007 par décision du CPS lors de sa 83eréunion, à la suite des conclusions de la retraite du Conseil qui s’est tenue à Dakar au cours du même mois. Son mandat comprend la rédaction de communiqués, de notes conceptuelles et de décisions du Conseil.
- Le Comité des sanctions, créé en 2009 lors de la retraite d’Ezulwini, soutient la mise en œuvre de l’article 7 (g) du Protocole sur le CPS. Il surveille l’évolution de la situation politique, identifie les auteurs de violations, recommande des sanctions et formule des recommandations sur leur médiation ou leur éventuelle levée.
- Le Comité de lutte contre le terrorisme a été créé en 2010 lors de la 249eréunion du CPS afin d’orienter la réponse de ce dernier face à la menace croissante du terrorisme et de l’extrémisme violent sur le continent.
- Le Comité sur la RDPC a également été fondé en 2010, lors de la 230eréunion du CPS, avec pour mandat de soutenir la consolidation de la paix et le relèvement à long terme après les conflits.
L’article 8 (5) autorise le CPS à créer les dispositifs nécessaires sans modification formelle de son Protocole. Ceux-ci sont donc temporaires et n’existent que tant que le CPS les juge nécessaires. Cette flexibilité permet au CPS de s’adapter aux nouvelles tendances telles que la recrudescence des coups d’État ou la montée du terrorisme.
Bien qu’il ne soit pas qualifié de sous-comité dans le Protocole sur le CPS, le CEM a pour mandat de conseiller le Conseil et de l’assister dans le domaine militaire et sécuritaire. Il a donc pour mandat légal de fonctionner comme un sous-comité, remplissant le rôle de conseil militaire, rôle également mentionné à l’article 8 (5). Son inscription dans le Protocole lui confère toutefois un statut juridique plus fort et durable que celui des autres sous-comités.
Quatre de ces sous-comités sont temporaires et n’existent que tant que le CPS les juge nécessaires
La distinction entre le CEM et les autres sous-comités reflète la structure des Nations unies (ONU). En vertu de l’article 47 de la Charte des Nations unies, le CEM de l’ONU est un organe permanent, tandis que l’article 29 de la Charte donne au Conseil de sécurité de l’ONU le pouvoir discrétionnaire de créer les organes subsidiaires qu’il juge nécessaires — tels que des comités, des groupes de travail et des groupes d’experts.
Malgré de longs débats, notamment la recommandation de 2004 visant à le dissoudre pour manque de pertinence, le comité perdure, notamment parce que sa suppression nécessiterait une modification formelle de la Charte des Nations unies. De même, l’existence du CEM de l’UA est garantie, car il ne peut être dissous sans modification soumise à l’article 22 (6) du Protocole sur le CPS et à l’article 32 de l’Acte constitutif, ce qui implique un vote de la Conférence de l’UA.
Composition et capacités techniques
La composition et les capacités techniques des sous-comités varient considérablement. Elles reflètent souvent la priorité accordée par les États membres à leurs représentations permanentes auprès de l’UA. Le CEM, qui compte 15 membres, comprend par exemple de hauts responsables militaires (attachés de défense) des missions permanentes. Bien qu’il ait longtemps souffert de l’absence d’attachés dans plusieurs missions permanentes, la situation s’est améliorée ces dernières années, une seule mission n’en disposant pas actuellement. Cette évolution témoigne d’une prise de conscience plus importante de la part des États du rôle crucial des attachés de défense au sein de la plus importante instance multilatérale africaine.
De son côté, le CE est composé de 15 diplomates de rangs intermédiaires à supérieurs, selon la configuration de chaque mission. Ces experts accomplissent généralement l’essentiel du travail technique du CPS afin de permettre aux ambassadeurs de prendre les décisions qui s’imposent. Ils contribuent ainsi à la rédaction des documents et des décisions en amont des réunions du Conseil et collaborent avec le secrétariat à la préparation des annonces et des communiqués de presse lorsque leur pays préside le CPS.
Parmi les cinq sous-comités, seuls le CEM et le CE font preuve d’un dynamisme continu
Toutefois, comparé à son homologue onusien, le secrétariat joue un rôle plus important que le CE dans la rédaction des communiqués. L’UA n’encourageant pas la pratique du recours à un « porteur de plume », c’est le secrétariat qui assume la plus grande partie du travail. Cela s’explique souvent par les carences en personnel des missions permanentes, mais aussi par le fait que les États ne fournissent pas toujours à leurs diplomates déployés à Addis-Abeba la formation nécessaire pour exercer leurs fonctions dans une instance multilatérale. Si le Comité sur les sanctions compte également 15 membres, le Comité contre le terrorisme et le Comité sur la RDPC en comptent chacun cinq, à savoir un représentant de chacune des cinq régions de l’UA.
Activation opérationnelle et fonctionnement
Parmi les cinq sous-comités, seuls le CEM et le CE font preuve d’un dynamisme continu. Le CEM est le plus visible, car ses membres siègent également au sein de deux instances militaires structurées et très actives : le Forum des attachés de défense africains et l’Association des attachés militaires. Le premier a été créé en 2020 et rassemble tous les attachés de défense africains basés à Addis-Abeba. En quelques années seulement, ce forum s’est structuré pour devenir un lieu incontournable où les militaires des ambassades africaines échangent leurs notes et partagent leurs expériences sur des questions clés de défense et de sécurité. Il organise chaque année une retraite et parfois des visites de terrain dans des pays présentant un intérêt particulier.
La seconde regroupe tous les attachés de défense déployés à Addis-Abeba. Elle organise régulièrement des réunions et des ateliers afin d’améliorer les connaissances et les compétences de ses membres. En plus de forger un sentiment d’appartenance, la participation à ces deux instances apporte une valeur ajoutée substantielle au travail du CEM et expose ses membres aux réflexions qui accompagnent les décisions politiques en matière de paix et de sécurité. Depuis sa création il y a plus de 20 ans, le CEM a organisé 27 réunions et entrepris deux missions de terrain, notamment en Somalie en 2023.
Le CE constitue le moteur discret du CPS, car il est beaucoup moins visible de l’extérieur que son homologue militaire. Les membres du CE appartiennent également au Forum des experts techniques (aujourd’hui connu sous le nom de Forum des diplomates africains à Addis-Abeba), qui rassemble tous les experts des États membres de l’UA. Ce forum est récemment devenu un groupe structuré qui se réunit régulièrement pour des ateliers, des formations et autres sessions de renforcement des compétences. Il organise des retraites annuelles afin de renforcer l’identité du groupe et de favoriser la compréhension mutuelle.
Le CE fonctionne comme une unité de rédaction technique venant en appui au CPS dans la quasi-totalité de ses décisions. C’est notamment le cas pour la rédaction des premières versions du budget du CPS et du rapport sur ses activités, ainsi que du rapport sur l’état de la paix et de la sécurité en Afrique à l’intention de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement. Il rédige également les termes de référence ou les documents de réactivation des comités sur les sanctions, sur la RDPC et sur la lutte contre le terrorisme.
Les trois derniers comités mentionnés sont en revanche peu actifs. Le Comité sur les sanctions, bien que créé en 2009, n’a tenu sa réunion inaugurale qu’en juin 2024, et son rapport a été examiné par le CPS deux mois plus tard.
Le caractère temporaire des sous-comités est une force s’ils sont traités comme des outils flexibles
Le Comité de lutte contre le terrorisme, créé en 2010, a été mentionné lors de la 1237e réunion du CPS, en octobre 2024, qui lui a demandé un rapport d’étape avant le premier trimestre 2025. Cependant, à la mi-2025, aucun rapport n’avait encore été soumis et aucun mandat n’avait été rédigé, ce qui témoigne d’une absence persistante d’activité. Par ailleurs, le Comité sur la RDPC dispose d’un projet de mandat élaboré par le département des Affaires politiques, de la Paix et de la Sécurité de l’UA. Il doit être examiné par le CE avant d’être soumis aux ambassadeurs. Cette avancée intervient toutefois cinq ans après que le CPS a chargé le CE de définir ce mandat, lors de sa 958e réunion en octobre 2020.
Dynamique politique et soutien opérationnel
Les deux sous-comités actifs opèrent en fonction des besoins, reflétant ainsi le fort soutien politique des États membres. Les autres sous-comités peinent à devenir opérationnels pour diverses raisons. Par exemple, le Comité des sanctions reflétait en 2009 un contexte international dans lequel les normes et les valeurs de comportement acceptable faisaient plus ou moins l’objet d’un consensus. Dans le contexte géopolitique actuel, marqué par les rivalités de pouvoir et la concurrence entre les normes, les sanctions sont souvent perçues comme partiales ou comme un vestige d’un ordre mondial sous hégémonie occidentale. Plusieurs pays africains ont été soumis à des sanctions de l’ONU souvent jugées injustes par les gouvernements.
Des appels répétés en faveur de la redynamisation du Comité contre le terrorisme se sont fait entendre à la suite d’une forte augmentation du nombre de victimes du terrorisme, en particulier au Sahel, désormais considéré comme un haut lieu mondial de l’extrémisme violent. En outre, le 1237e communiqué du CPS d’octobre 2024 révèle cette disparité dans les priorités.
En effet, le paragraphe 11 se contente de « demander » la mise en place du comité — sans assurer de suivi sur cette question, même au premier trimestre 2025 —, tandis que le paragraphe 14 « souligne l’importance » du Comité ministériel de l’UA sur la lutte contre le terrorisme. Cela témoigne d’une priorisation politique en plus de laisser entrevoir un risque de duplication, les deux comités conseillant le CPS, mais disposant de niveaux d’autorité différents.
Si le Comité sur la RDPC est sur le point d’être mis en place, on ne sait pas encore quels problèmes il permettra de résoudre. La reconstruction post-conflit est avant tout une question de stratégie et de ressources financières. À l’heure où les outils internationaux de prévention et de gestion des conflits sont en cours de révision et où les bailleurs de fonds traditionnels prennent leurs distances, ce comité semble désormais avoir une valeur plutôt symbolique.
À mesure que les menaces sécuritaires évoluent, des défis tels que la cybersécurité, la sécurité spatiale et la souveraineté en matière d’intelligence artificielle pourraient nécessiter la création de nouveaux sous-comités, même temporaires. Tout comme le Conseil de sécurité des Nations unies a supprimé divers organes subsidiaires depuis 1945, l’UA devrait également considérer ses sous-comités comme des instruments modulables. Leurs mandats ne devraient être activés qu’en cas de nécessité, avec des seuils clairs de réussite et des critères pour leur suppression.
Conclusion
Les sous-comités du CPS sont inégalement fonctionnels, étant davantage façonnés par les dynamiques politiques que par une conception structurelle claire. Si le CE et le CEM demeurent essentiels, les autres sous-comités risquent de se voir cantonnés dans un rôle symbolique s’ils ne sont pas activés et dotés de ressources adéquates. Leur caractère temporaire constitue une force, et non une faiblesse, à condition qu’ils soient traités comme des outils flexibles. Dans un contexte marqué par l’évolution des menaces, une approche stratégique des sous-comités, axée sur la demande, peut aider le CPS à rester réactif et efficace dans l’instauration de la paix et de la sécurité à l’échelle du continent.