L’arrivée de nouveaux membres en 2024 va-t-elle renforcer le CPS ?
L’élection de dix nouveaux membres au Conseil de paix et de sécurité aura des répercussions importantes sur ses succès.
Au cours de la 45e session du Conseil exécutif et de la 37e session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine (UA), les États membres éliront 10 nouveaux pays au Conseil de paix et de sécurité (CPS) pour un mandat de deux ans. Le Conseil est le principal organe décisionnel de l’UA en matière de paix et de sécurité. Sa capacité à relever efficacement les nombreux défis qui se posent à l’échelle du continent dépend dans une large mesure de la force de ses membres.
Le Conseil assume des rôles et des responsabilités clés pour prévenir les conflits, ou les gérer et les résoudre de la manière la plus efficace possible, comme le prévoit son protocole. L’article 3 du document mentionne six objectifs principaux couvrant toutes les phases des processus de paix, de la prévention jusqu’à la reconstruction et au développement post-conflit.
Ces objectifs exigent que le CPS dispose de ressources suffisantes et qu’il soit doté des connaissances techniques et de la volonté politique nécessaires pour gérer les conflits et promouvoir la paix sur le continent. Sa composition, qui influence la satisfaction de ces trois exigences majeures, constitue un élément important pour comprendre en tout temps l’orientation, la nature et la solidité du Conseil.
Le renouvellement des membres du CPS devra redynamiser les efforts de stabilisation de l’Afrique
Le renouvellement périodique des membres du Conseil, conformément à ses obligations statutaires, est une occasion unique de redonner de la vigueur, de remobiliser les énergies face aux éventuelles difficultés et au sentiment d’inefficacité, et de redynamiser les efforts de stabilisation de l’Afrique. Alors que les cinq régions du continent sont confrontées à de graves problèmes de gouvernance et de sécurité, l’élection en 2024 de dix nouveaux membres, soit les deux tiers du Conseil, est censée lui redonner toute sa force, son efficacité et sa robustesse. Mais en sera-t-il ainsi ?
Les nouveaux candidats
L’élection de nouveaux membres a lieu tous les deux ans, la prochaine étant prévue pour février 2024 avec une entrée en fonction des nouveaux élus le 1er avril 2024. Selon son protocole, le CPS est composé de 15 membres, avec un mandat de deux ans pour 10 d’entre eux et de trois ans pour les cinq autres, sur la base d’un système de rotation.
En mars 2024, ce sont donc les mandats du Burundi, de la République du Congo, du Ghana, de la Gambie, du Sénégal, de la Tanzanie, de l’Ouganda, de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe et de la Tunisie qui devraient prendre fin. Toutefois, l’article 5 (3) du protocole stipule que les États membres peuvent exercer des mandats consécutifs. Ainsi, certains d’entre eux pourraient se porter candidats à un mandat supplémentaire. Le Cameroun, Djibouti, le Maroc, la Namibie et le Nigeria disposent quant à eux d’un mandat de trois ans et ne pourront se porter candidats à leur propre succession qu’en 2025.
Les pays africains devaient soumettre leur candidature au secrétariat du CPS par l’intermédiaire de leurs missions permanentes avant le 30 octobre, et pour l’Afrique de l’Est avant le 13 novembre 2023. Ce sont finalement 14 États membres qui brigueront les 10 sièges en lice (voir tableau ci-dessous). Sur les 10 membres du CPS sortants, seuls la Tanzanie, l’Ouganda et la Gambie ont exprimé leur intérêt pour un mandat supplémentaire de deux ans, qui, s’il leur est accordé, permettra d’assurer une certaine continuité au sein du Conseil.
Le consensus régional réduit la concurrence et nuit à la qualité des candidatures
Il est donc possible que les sept sièges restants soient occupés par de nouveaux venus qui apporteront une nouvelle dynamique au Conseil et de nouvelles idées qui devront être considérées comme autant de priorités. Ils auront besoin d’une formation approfondie et d’un soutien pour renforcer leurs connaissances et leur compréhension des défis actuels en matière de paix et de sécurité, ainsi que leur appréhension de l’évolution des dynamiques au sein du CPS.
Le choix des nouveaux membres du Conseil devrait idéalement être déterminé par les critères énoncés à l’article 5 de son protocole. Ces critères incluent le respect par les États membres de la gouvernance constitutionnelle, leur contribution au Fonds pour la paix/au Fonds spécial et la mise à disposition de missions permanentes suffisamment dotées en personnel et en équipement aux sièges de l’UA et des Nations unies.
Indépendamment de la manière dont les membres actuels et futurs satisfont à ces critères, les discussions menées au niveau régional pour choisir les candidats constituent un facteur important. Elles témoignent de l’intérêt croissant que suscite le CPS, ainsi que de la force et de l’unité des blocs régionaux.
Répartition des sièges du CPS  Source : ISS
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Une unité régionale fissurée
Des consultations et délibérations régionales préliminaires ont permis aux blocs régionaux d’Afrique centrale, d’Afrique australe et d’Afrique de l’Ouest de se mettre d’accord et de présenter le nombre requis de candidats pour les sièges dont ils disposaient. Sous réserve d’éventuels changements de dernière minute, la RDC, la Guinée équatoriale, l’Angola, le Botswana, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone et la Gambie devraient donc siéger au Conseil de 2024 à 2026.
Pour ce qui est de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Est, l’absence de consensus régional et les tensions entre certains États membres provoquera d’âpres rivalités autour du scrutin. En Afrique de l’Est, l’Éthiopie, l’Érythrée, l’Ouganda et la Tanzanie seront en concurrence pour deux sièges, tandis que l’Algérie, l’Égypte et la Mauritanie se disputeront le seul et unique siège réservé à l’Afrique du Nord.
Sur la base du protocole et compte tenu des responsabilités du Conseil, ces pays devraient se concerter au niveau régional pour déterminer lesquels de leurs candidats remplissent au mieux les critères d’adhésion. Un tel processus permettrait de garantir l’inclusion au CPS d’États dotés des capacités nécessaires pour jouer un rôle de premier plan et répondre efficacement aux défis du continent en matière de paix et de sécurité.
Des négociations et des consultations tardives pourraient conduire à un consensus régional préélectoral en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est. Lors des élections précédentes, les États membres ont généralement retiré leur candidature avant le sommet, après avoir trouvé un terrain d’entente. Ce fut notamment le cas du Kenya et des Comores à la fin de l’année 2022 pour la présidence de l’UA par l’Afrique de l’Est en 2023. Ce siège si convoité a fait l’objet d’âpres discussions pendant plusieurs mois, mais un compromis a finalement été trouvé lorsque le Kenya a accepté de céder la place aux Comores.
En l’absence d’États piliers qui aura un rôle moteur au sein du Conseil ?
L’obtention d’un consensus régional pourrait s’avérer encore plus difficile en Afrique du Nord, compte tenu des tensions qui perdurent notamment autour du Sahara occidental. Parvenir à s’accorder sur une seule candidature constitue un défi supplémentaire. Depuis plusieurs années, l’Afrique du Nord ne cesse de réclamer un deuxième siège ou une répartition régionale plus équitable des 15 sièges du CPS.
Lors du dernier sommet, il a été décidé de créer un comité chargé d’approfondir cette question et de faire des propositions au Conseil exécutif. Toutefois, il est peu probable qu’une solution soit trouvée avant le sommet, ladite commission ne s’étant pas encore réunie.
Si l’obtention d’un consensus sur les candidatures au CPS est bénéfique, elle a en revanche pour effet de réduire la concurrence et de nuire à la qualité des candidatures et du processus. Lorsque les « petits » États sont élus uniquement sur la base du principe de rotation régionale ou du consensus, leur capacité et leur aptitude à assumer les rôles et responsabilités d’un État membre du CPS affectent ce dernier.
Le CPS sera-t-il en mesure de remplir son rôle ?
Les nouveaux membres siégeront au CPS jusqu’en 2026. La propension du Conseil à assumer ses responsabilités dépendra principalement des forces et des faiblesses de chacun d’entre eux. L’incorporation d’États membres ne remplissant pas les critères fixés par le protocole continuera d’entraver le CPS dans ses travaux, tant sur le fond que sur la forme. Cela affectera le programme de travail et le calendrier mensuel et influera sur sa capacité à réagir aux crises du continent.
Près de la moitié des candidats en lice pour intégrer le CPS en 2024 peuvent être classés dans la catégorie des « petits États », dont le poids diplomatique est relativement modeste. En l’absence de piliers tels que le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud, qui aura un rôle moteur au sein du Conseil ? Quelles seront les incidences sur la réponse de l’UA aux défis de l’Afrique en matière de paix et de sécurité ? Le protocole du CPS devrait-il être révisé afin qu’un certain nombre de ces États piliers, dotés des ressources et de la volonté politique nécessaires, aient un statut de membre permanent du Conseil ?