La présidence angolaise de l’UA peut-elle renforcer la position de l’Afrique ?
L’Union africaine pourrait bénéficier des atouts de l’Angola en matière de consolidation de la paix, de développement économique et de diplomatie.
L’un des principaux événements de la 38e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba a été l’accession de l’Angola à la présidence de la Conférence de l’UA. Coïncidant avec le 50e anniversaire de l’UA, cette nomination a été claire et nette pour les pays de l’Afrique australe. On peut dire qu’elle aura été moins problématique que celle, l’an dernier, de la Mauritanie, qui avait été le résultat d’un compromis entre les États de l’Afrique du Nord.
La présidence de la Conférence, prévue par l’article 6(4) de l’Acte constitutif de l’UA, sert de plateforme pour promouvoir les intérêts de l’Afrique sur la scène mondiale. Cependant, elle est aussi de plus en plus souvent utilisée par les présidents successifs pour soutenir leurs propres intérêts nationaux sur le plan continental. En conséquence, cette fonction revêt désormais un certain prestige et suscite une certaine influence sur le plan diplomatique. Quels avantages comparatifs le président João Manuel Gonçalves Lourenço est-il susceptible d’apporter au bureau de l’UA ?
Les récentes avancées
La présidence de l’Angola intervient alors que le positionnement de l’Afrique sur la scène internationale a progressé, avec notamment la contribution du continent à la COP28 en 2023. Le mandat de 2023-2024 a également permis d’améliorer la représentation mondiale de l’Afrique avec l’entrée de l’UA au G20.
La présidence de l’Angola intervient alors que l’Afrique a progressé sur la scène internationale
Sous la direction du président Azali Assoumani des Comores, le continent a maintenu ses engagements dans les principaux forums dédiés, y compris dans les sommets « Afrique + 1 », et a conduit une importante campagne de plaidoyer pour une gestion durable de l’économie bleue. Bien que la présidence de la Mauritanie ait été plus discrète, le sommet sur l’éducation qui s’est tenu à Nouakchott en décembre 2024 a illustré les efforts déployés pour promouvoir le thème de l’UA pour l’année écoulée, à savoir « Éduquer une Afrique adaptée au xxie siècle ».
Les priorités de l’Angola
Dans son premier discours en tant que président de l’UA lors de l’ouverture du sommet de l’organisation, Lourenço a présenté ses priorités, dont l’amélioration des liaisons de transport et des infrastructures afin de stimuler les échanges commerciaux intra-africains. Il a également évoqué la gestion de l’énergie et des ressources naturelles, avec la mise à profit des excédents pétroliers de l’Angola pour répondre aux besoins de l’Afrique, et la promotion des investissements dans les énergies renouvelables. La paix et la sécurité occuperont également une place importante, en particulier le soutien aux efforts de médiation de la paix en République démocratique du Congo (RDC). En outre, les priorités de l’Angola comprennent le développement durable de l’agriculture et de l’économie bleue afin de réduire la migration des Africains vers l’Europe.
Enfin, l’Angola entend renforcer l’intégration continentale grâce à la zone de libre-échange continentale africaine en investissant dans l’éducation et le renforcement des capacités, et en formant des partenariats stratégiques en amont de la quatrième conférence sur le développement qui se tiendra en Espagne en juin 2025. Celle-ci constitue une occasion de redéfinir la position de l’Afrique dans l’architecture financière mondiale, conformément à l’objectif fondamental « investir dans les infrastructures en tant que facteur de développement de l’Afrique ».
Les atouts de l’Angola
Plusieurs de ces priorités sont stratégiques, mais seules trois d’entre elles mettent clairement à profit l’expérience de l’Angola pour atteindre ses objectifs pour le continent. La première est la priorité accordée à l’énergie et aux ressources naturelles. Étant donné sa position de deuxième exportateur de pétrole brut et de troisième exportateur de diamants de l’Afrique, le pays est bien placé pour promouvoir les mécanismes continentaux de création de valeur ajoutée afin de contribuer à la transformation économique.
L’Angola est bien placé pour contribuer à la transformation économique du continent
Il existe de nombreuses possibilités de promouvoir la ratification et la mise en œuvre de l’Accord africain de gestion et d’investissement en ressources naturelles et de la charte de Lomé sur la sécurité maritime afin de promouvoir les cadres de gouvernance des ressources naturelles de l’Afrique. L’Angola peut favoriser l’harmonisation des lois nationales avec la Vision minière pour l’Afrique de 2009, qui encourage la création de valeur ajoutée dans la gestion des ressources naturelles. Il doit également donner la priorité aux initiatives visant à assurer la transparence des industries extractives de manière à susciter l’intérêt nécessaire à la promotion des objectifs de gouvernance des ressources naturelles et des énergies.
En outre, son projet de corridor de Lobito (LCP), d’une valeur de 2 milliards de dollars US, qui doit relier les gisements de cuivre et de cobalt de la Zambie et de la RDC à la région côtière de Lobito, apporte des perspectives et fournit des expériences susceptibles de guider son action en faveur de l’amélioration des connexions à travers l’Afrique. En présentant ce projet comme un modèle pour le développement du transport ferroviaire à grande vitesse en Afrique, l’Angola peut encourager la modernisation et l’expansion des infrastructures ferroviaires. Cette démarche contribuera grandement à développer les infrastructures de transport conformément aux objectifs du programme de développement des infrastructures en Afrique. Il s’agit plus particulièrement de mettre en place des liaisons ferroviaires entre les enclaves régionales afin de favoriser l’essor du commerce intra-africain.
Enfin, Lourenço peut s’appuyer sur l’expérience de son pays en matière de paix et de sécurité. Les références de l’Angola dans le domaine de la consolidation de la paix ont incité la Commission de l’UA à le nommer — plus de vingt ans après la fin de la guerre civile — champion de la paix et de la réconciliation en Afrique.
Une expérience dans le domaine de la médiation est-elle importante ?
Le statut de médiateur dont jouit l’Angola en Afrique australe est renforcé par son rôle dans le processus de Luanda, une initiative parrainée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Le processus a permis de résoudre les tensions entre le Rwanda et la RDC au sujet de la situation dans l’est de la RDC. L’Angola préside également la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, est le président sortant de la SADC et membre du Conseil de paix et de sécurité de l’UA pour la période allant de 2024 à 2026.
À trop exploiter les atouts de l’Angola, on pourrait l’empêcher d’atteindre les résultats escomptés
Cette accumulation de responsabilités régionales et continentales place l’Angola en bonne position pour accroître son influence dans les deux sphères, mais risque également de la solliciter de manière excessive, empêchant d’obtenir des résultats à l’échelle continentale et d’établir un héritage clair. La gestion efficace de cette sur-sollicitation sera cruciale si l’Angola entend être reconnu pour son impact. D’autre part, étant donné l’implication de l’Angola dans la médiation des tensions entre la RDC et le Rwanda, le président Lourenço est bien placé pour être un acteur clé dans l’harmonisation des efforts régionaux et continentaux visant à ramener la paix en RDC.
Faire en sorte que la présidence compte
L’Angola assume la présidence à un moment déterminant de l’histoire de l’UA. Sa capacité à poursuivre les progrès entamés sur le positionnement de l’Afrique sur la scène internationale nécessitera à la fois une certaine continuité et des innovations stratégiques. Cela est d’autant plus important que l’Afrique cherche à conforter sa position dans l’architecture de gouvernance mondiale après, notamment, l’adhésion au G20 et une participation accrue aux négociations internationales sur l’action climatique, le commerce et la sécurité.
Pour que son passage à la tête de l’UA compte, l’Angola devra se frayer un chemin dans les méandres de la diplomatie continentale et internationale grâce à un engagement axé sur les résultats. Il devra donc veiller à ce que ses principaux axes de travail, à savoir la gouvernance de l’énergie et des ressources, les transports et la connexion, ainsi que la paix et la sécurité, soient non seulement bien articulés, mais qu’ils soient également soutenus par des cadres d’action, des mécanismes de financement et une action diplomatique appuyée.
Afin que son passage à la présidence de l’UA soit un succès, L’Angola devra trouver un bon équilibre entre les nombreuses responsabilités diplomatiques et des objectifs clairs. Plutôt que de se disperser, le pays doit identifier et promouvoir des initiatives à fort impact, qui soient en phase avec ses avantages comparatifs et qui puissent laisser un héritage durable. Il s’agit notamment d’obtenir des engagements concrets pour le financement des infrastructures, de faire progresser le processus de médiation en RDC et de promouvoir des politiques énergétiques qui intègrent l’extraction des ressources traditionnelles et les investissements dans les énergies renouvelables.
En fin de compte, c’est la capacité de l’Angola à conduire l’UA vers des résultats tangibles qui déterminera si sa présidence aura été purement symbolique ou une véritable contribution à la marche de l’Afrique. En tirant parti de son expérience en consolidation de la paix, de ses atouts économiques et de son positionnement diplomatique stratégique, l’Angola peut faire en sorte que son mandat débouche sur des réalisations concrètes, susceptibles de renforcer l’intégration de l’Afrique ainsi que la stabilité et la stature du continent à l’échelle mondiale.