La parité hommes-femmes est primordiale dans les opérations de soutien à la paix
Une participation accrue des femmes aux initiatives de l’UA en matière de sécurité est essentielle à l’instauration d’une paix inclusive et durable.
Le 22 juin 2023, l’Union africaine (UA) a organisé une réunion consacrée à la mise en œuvre de la Force africaine en attente et de la politique africaine commune de défense et de sécurité. Les discussions se sont déroulées alors que les opérations de soutien à la paix (OSP) sont à la croisée des chemins. Les débats ont notamment porté sur la complexité des conflits en cours, les limites capacitaires, les contraintes logistiques, les déficits de ressources financières et la coordination entre l’UA et ses mécanismes régionaux (MR).
Cependant, un élément souvent laissé de côté dans les discussions est celui de l’intégration de la dimension de genre. Toute lassitude persistante à l’égard de la thématique du rôle des femmes africaines en tant que garantes de l’architecture de paix et de sécurité de l’UA portera préjudice aux opérations ad hoc, dans des contextes où les femmes sont bien souvent les premières à pâtir des conflits et de l’insécurité.
Au cours des deux dernières décennies, l’UA et ses communautés économiques régionales (CER) et MR ont entrepris 27 opérations de paix dont le degré d’engagement en faveur de la parité hommes-femmes s’est avéré inégal. Par exemple, la Mission africaine de transition en Somalie (ATMIS) a recruté de manière efficace un certain nombre de spécialistes des questions de genre et a mis en place des points focaux sur ces questions. La contribution des femmes militaires et policières au maintien de la paix et de la sécurité en Somalie a été saluée.
Toutefois, la plupart des opérations de paix africaines n’ont guère progressé sur le plan de la parité hommes-femmes au sein des composantes militaires, policières et civiles. Malgré la valeur et l’efficacité démontrées de l’inclusion des femmes dans les processus de paix, elles demeurent peu nombreuses au sein des OSP et quasiment absentes des postes à responsabilités.
La contribution des femmes militaires et policières au maintien de la paix et de la sécurité en Somalie a été saluée
Le manque de connaissances sur le sujet entrave les prises de conscience et le renforcement du rôle et des expériences des femmes en tant qu’actrices de la paix. Pour que les OSP remplissent leur mandat et répondent efficacement aux défis continentaux en matière de paix et de sécurité, une perspective de genre doit être intégrée dans toutes les sphères des opérations de paix.
Comme le reconnaît le Conseil de paix et de sécurité (CPS), la parité hommes-femmes ne doit pas être perçue comme un élément secondaire. Il est important non seulement d’améliorer et de renforcer la participation des femmes aux OSP, mais aussi de mettre en place des structures adaptées aux femmes dans le cadre de ces opérations.
Les femmes dans les OSP
Au fil des ans, les opérations ont révélé qu’une meilleure représentativité des femmes améliorait leur efficacité. Une plus grande implication des femmes favorise l’égalité et l’inclusion, améliore les relations avec les populations locales et la collecte de renseignements, renforce la perception de légitimité de la mission par les populations locales, encourage le signalement des violences sexuelles et favorise la compréhension de la situation. Le déploiement de femmes dans des opérations tactiques offre également des avantages stratégiques et améliore l’identification et la résolution des problèmes concernant les femmes, favorisant ainsi l’instauration de processus de paix inclusifs.
Un exemple concret de la valeur ajoutée potentielle de la participation des femmes aux OSP est le transfert des fonctions de l’ATMIS aux forces de sécurité somaliennes (SSF), qui devrait avoir lieu en 2024. L’inclusion des femmes peut conduire à une implication plus équilibrée de tous les membres de la communauté.
Le rôle des spécialistes des questions de genre et des points focaux devient crucial, car leur action porte sur le renforcement des capacités, le suivi et la rédaction de rapports, ainsi que sur les relations avec les communautés, afin de veiller à ce que les questions de genre soient intégrées dans le processus de transfert des responsabilités. L’inclusion de femmes militaires et policières au sein de l’ATMIS peut avoir un effet catalyseur et encourager les SSF à renforcer et améliorer la parité hommes-femmes dans le secteur de la sécurité nationale.
Les cadres relatifs à la parité hommes-femmes
L’UA a mis en place la Décennie de la femme africaine 2010-2020. La stratégie de l’organisation panafricaine pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes couvre la période 2018-2028. La détermination de l’organisation à faire progresser la parité hommes-femmes dans ses opérations se traduit par des initiatives politiques clés visant à faciliter l’intégration de la dimension de genre dans les initiatives de paix et de sécurité.
Le déploiement de femmes dans des opérations tactiques favorise l’inclusivité des processus de paix
Il s’agit notamment du protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (protocole de Malabo) et de la politique et du plan d’action de l’UA en matière de genre. Un envoyé spécial pour la paix et la sécurité des femmes a également été nommé.
Les CER et les MR ont également adopté progressivement des cadres en matière d’égalité entre les sexes. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest dispose d’une politique et d’un plan d’action sur l’intégration de la dimension de genre. La Communauté de l’Afrique de l’Est s’est dotée d’une politique d’égalité hommes-femmes et d’un plan d’action régional sur les femmes, la paix et la sécurité. La Communauté de développement de l’Afrique australe a de son côté approuvé un protocole sur le genre et le développement qui promeut l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes dans des secteurs tels que la paix et la sécurité.
Bien que ces documents appellent à une participation accrue des femmes au maintien de la paix et de la sécurité, ils ne mettent pas exclusivement l’accent sur la parité hommes-femmes dans les OSP. La plupart des OSP ne disposent pas de cadres prévoyant explicitement des quotas concernant la participation des femmes. Cette situation est exacerbée par les stigmates, entre autres culturels, qui entravent la participation des femmes aux niveaux national, continental et mondial.
Des avancées dans la parité hommes-femmes
Si la plupart des États membres n’ont pas encore publié de données concernant le taux d’occupation des postes à responsabilité par des femmes dans les forces armées et la police, les chiffres fournis par quelques rares pays montrent qu’il reste manifestement faible et inadéquat par rapport aux objectifs fixés. Le Liberia et la République démocratique du Congo ne comptent respectivement que 8,5 % et 4 % de femmes militaires, la RDC indiquant que seuls 7 % des commissaires adjoints des forces de police sont des femmes.
Malgré les chiffres les plus élevés, le Rwanda ne compte que 21 % de femmes dans ses forces de police et 4,6 % dans ses forces armées. De son côté, le Ghana en relève 14,9 % dans son armée. Dans les autres pays, ce taux varie de 1,9 % à 20 %. Cette situation soulève des inquiétudes quant à l’efficacité et à l’inclusivité de ces opérations.
La plupart des OSP ne disposent pas de cadres fixant des quotas pour la participation des femmes
Au Cameroun et au Kenya, les progrès sont évidents, puisque les femmes représentent respectivement environ 13 % et 14 % des officiers supérieurs de police. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une représentation et à une inclusion significatives des femmes dans les secteurs de la sécurité nationale, ce qui limite la participation des femmes en uniforme dans les OSP.
La voie à suivre
La réalisation de la parité hommes-femmes dans les OSP nécessite une approche globale et multidimensionnelle. Le CPS doit souligner l’urgence et l’impact transformateur de l’inclusion des femmes dans les processus de paix. Cela peut se faire par le biais de déclarations et de résolutions qui soulignent l’importance de l’intégration de la dimension de genre et d’une participation effective des femmes.
Des actions globales et pratiques sont essentielles à tous les niveaux, depuis le recrutement et la formation jusqu’au déploiement et au soutien post-mission. L’implication des pays fournisseurs de contingents militaires ou policiers et de tous les États membres de l’UA est vitale. Si l’UA encourage ces pays à déployer davantage de femmes, la décision finale revient aux pays concernés. D’où la nécessité pour eux de s’engager politiquement en faveur de l’égalité des sexes.
En outre, les États membres devraient donner la priorité à la formation et au renforcement des capacités afin d’intégrer la dimension de genre dans les organisations de sécurité et de relever les défis auxquels sont confrontées les femmes dans les OSP. Ces programmes devraient améliorer les compétences et les capacités de leadership des femmes et promouvoir des approches de la gestion et de la résolution des conflits qui tiennent compte de la dimension de genre. Dans un souci de responsabilisation, le CPS devrait préconiser l’établissement de rapports réguliers sur la représentation des femmes dans les OSP, ventilée par grade, secteur et mission. Ces données permettraient d’améliorer le suivi et l’évaluation.
Le CPS devrait travailler en étroite collaboration avec la Commission de l’UA et d’autres parties prenantes pour obtenir des financements spécifiques. Il devrait activer le Fonds fiduciaire de l’UA pour les femmes africaines afin de fournir un soutien financier et technique. Il pourrait ainsi démontrer son attachement envers la parité hommes-femmes et contribuer à l’instauration d’une paix inclusive et durable en Afrique.