La collaboration du Conseil avec la SADC se développe
Le représentant de la SADC appelle à renforcer la coopération CPS-SADC pour relever les défis sécuritaires régionaux.
Le Rapport sur le CPS s’est entretenu au sujet des relations entre la SADC et l’UA avec Son Excellence Monsieur Jevin Pillay Ponisamy, représentant permanent de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) auprès de l’Union africaine (UA).
Que pensez-vous des relations qu’entretiennent le Conseil de paix et de sécurité (CPS) et l’organe de la SADC chargé de la politique, de la défense et de la sécurité ?
Afin de répondre à cette question, il nous faut considérer le cadre normatif qui est à la base de leur collaboration. Celui-ci est axé sur la bonne gouvernance, la paix et la sécurité à la lumière des principes de subsidiarité, de complémentarité et d’avantages comparatifs.
Une lecture rapide de l’article 16 du protocole relatif au CPS décrit les modalités générales d’une coopération et d’une collaboration renforcées entre le Conseil et ses homologues des communautés économiques régionales (CER) et des mécanismes régionaux (MR). Le protocole d’accord sur la paix et la sécurité de 2008 entre la Commission de l’UA et les CER/MR et le protocole révisé de 2020 sur les relations entre l’UA et les CER, dont la portée est beaucoup plus large, constituent également des documents importants.
Au niveau régional, nous pouvons enfin mentionner la Vision 2050 de la SADC et le plan indicatif régional de développement stratégique 2020-2030 de l’organisation, de même que son pacte de défense mutuelle de 2003 et son protocole sur la coopération en matière de politique, de défense et de sécurité de 2001. S’y ajoutent d’autres documents qui soulignent la nécessité d’une région plus pacifique, ce qui implique une plus grande collaboration. Et pour ne rien gâcher, les États membres de la SADC sont aussi des États membres de l’UA.
J’ai remarqué que les relations entre les deux organes, qui sont fondées sur un esprit de solidarité, de respect mutuel et de confiance, ont été marquées par une collaboration intense à certains moments et inexistante à d’autres. Par exemple, lorsque la SADC a déployé sa force d’intervention au Mozambique, l’aide de l’UA a été fondamentale, ce que la SADC reconnaît pleinement. Une coopération accrue est également perceptible à l’heure actuelle, alors que le déploiement de la mission de la SADC en République démocratique du Congo suit son cours.
Les relations entre le CPS et la SADC doivent être renforcées par des dialogues réguliers
Toutefois, je souhaite que des engagements constructifs soient pris plus régulièrement entre les deux organes. Des réunions virtuelles trimestrielles devraient être organisées entre le Conseil et les CER/MR, en particulier sur la prévention et l’alerte précoce. Je pense que le CPS devrait chercher de manière plus active à impliquer les communautés et les mécanismes et à intensifier ces relations par le biais de dialogues réguliers, de consultations et, si nécessaire, de sessions à huis clos. Les deux organes devraient également coopérer davantage sur les mesures de prévention et de résolution des conflits. Je souhaiterais que le Groupe des sages de l’UA se réunisse régulièrement avec son homologue de la SADC.
Le CPS tiendra sa première réunion consultative avec l’Organe de la SADC fin août 2024. À quels résultats concrets devons-nous nous attendre
Cette initiative, prise par le Botswana qui est membre de la SADC, et qui occupera la présidence du CPS en août 2024, a réellement donné une nouvelle impulsion dans les relations entre les deux organes. Elle fait suite à l’appel lancé par Son Excellence Elias M Magosi, secrétaire exécutif de la SADC, et par le directeur de l’Organe de la SADC, le professeur Kula Theletsane, en vue de renforcer les liens existants pour le plus grand bien de notre région.
La réunion consultative devrait permettre aux deux organes de travailler plus étroitement et de manière plus régulière sur des questions telles que la revitalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) et les synergies de l’architecture africaine de gouvernance (AGA). Cette redynamisation des liens de travail devrait être étendue aux organes de l’UA et aux membres de la plateforme de l’AGA afin que les CER et les MR puissent bénéficier de leur expertise.
Cela dit, nous devons respecter le principe de subsidiarité, même si celui-ci ne doit pas empêcher la participation active et les échanges entre le CPS et les CER/MR.
Comment assurer une certaine cohérence entre le CPS et les organes décisionnaires des CER ?
L’intégration continentale repose sur cette recherche de cohérence. Le meilleur scénario serait un calendrier de réunions entre le CPS et ses homologues des MR qui listerait clairement les questions à aborder en matière de gouvernance, de paix et de sécurité. Ce stade-là n’a pas encore été atteint.
Il est également essentiel que le Conseil reconnaisse régulièrement l’importance du rôle joué par les CER/MR en tant que premiers intervenants en cas de crises et de conflits dans leurs juridictions, conformément aux principes cardinaux de subsidiarité, de complémentarité et d’avantages comparatifs.
Le CPS doit reconnaître l’importance des CER/MR en tant que premiers intervenants
Le partage des tâches dans le secteur de la paix et de la sécurité, et même les cadres normatifs qui le régissent, devraient être stimulés. Cela est d’autant plus crucial que l’objectif de « Faire taire les armes » est encore loin d’être atteint.
Quelle est votre vision de la collaboration entre l’UA et la SADC, notamment à la lumière du retrait de la Mission de la SADC au Mozambique (SAMIM) qui doit s’achever en juillet 2024 ?
Peen Rodt (2014) a déclaré : « Une opération est un succès lorsque son objectif a été atteint et mis en œuvre de manière appropriée du point de vue de l’acteur et de la cible ».
La SAMIM a été entièrement financée par les 16 États membres de la SADC. Elle ne doit pas être comparée à la mission de l’UA en Somalie, devenue Mission de transition de l’UA en Somalie, ou à toute autre opération de soutien à la paix menée par l’UA et soutenue par l’ensemble des États membres de l’UA.
La SAMIM a été déployée le 15 juillet 2021 dans le cadre du scénario 6 des lignes directrices opérationnelles de la force en attente de la SADC. Ce déploiement fait suite à une décision prise lors du sommet extraordinaire de la SADC à Maputo le 23 juin 2021 et qui visait à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent à Cabo Delgado, à rétablir l’ordre public et à collaborer avec les agences humanitaires pour porter secours à la population.
Après de longues et intenses démarches internes, telles que des missions d’évaluation sur le terrain, il a été convenu que la SAMIM devait prendre fin, après avoir atteint la plupart de ses objectifs. La situation n’est peut-être pas tout à fait revenue à la normale à Cabo Delgado, mais j’espère que les recommandations de l’analyse après action, qui seront présentées à l’organe en 2025, guideront les futures actions du CPS en faveur du Mozambique.
Nous souhaiterions davantage de soutien financier et technique de la part de l’UA
Le gouvernement mozambicain a clairement indiqué qu’il continuerait à préserver les acquis de la SAMIM. Le secrétariat de la SADC suit de près l’évolution de la situation sécuritaire à Cabo Delgado et des mises à jour régulières lui sont fournies afin de préserver les réussites de la SAMIM. Cette collaboration renforcée, régulière et étroite entre le CPS et les CER/MR est indispensable.
Dans quelle mesure les missions d’observation électorale continentales et régionales ont-elles contribué à faire respecter les principes démocratiques et comment peuvent-elles être renforcées ?
Les missions d’observation électorale semblent avoir été efficaces et bien organisées. Dans notre région, toutes les élections se déroulent conformément aux principes et lignes directrices de la SADC régissant les élections démocratiques, adoptés par le comité ministériel de la SADC chargé de la politique, de la défense et de la sécurité le 20 juillet 2015 à Pretoria, en Afrique du Sud.
Ces lignes directrices sont le résultat de larges consultations menées par le Conseil consultatif électoral de la SADC avec les États membres, les parties prenantes et les experts électoraux régionaux. L’objectif est de garantir la tenue d’élections démocratiques basées sur les principes partagés de démocratie, d’état de droit et de respect des droits humains inscrits dans le traité de la SADC signé à Windhoek, en Namibie, en 1992.
Il convient de noter qu’après l’adoption des lignes directrices de la SADC concernant les élections en 2004, l’organisation a pris une autre décision audacieuse en 2005 : celle de créer un mécanisme institutionnel supplémentaire pour garantir que l’observation électorale devienne une composante fondamentale des processus démocratiques dans la région.
Il convient de rappeler que les États membres invitent les missions d’observation électorale de la SADC lors de leurs élections, dans le cadre normatif de la SADC. A l’occasion du sommet de la SADC, son président rapporte tout manquement dans l’application de ces cadres afin qu’une décision appropriée soit prise conformément aux dispositions du traité de la SADC.
Des discussions sur une éventuelle coopération avec le CPS sont bien évidemment à prévoir dès lors que des interactions régulières ont lieu. Cependant, lors d’une élection dans un État membre de la SADC, il y a toujours une collaboration entre les observateurs de l’UA et de la SADC sur le terrain.
À l’approche des élections de la Commission de l’Union africaine, quelles sont les questions clés que les pays de la SADC souhaitent voir traitées en priorité par l’UA ?
Je ne peux pas m’étendre sur les principaux enjeux de l’UA. Toutes les questions relatives à la paix et à la sécurité sont déjà une priorité pour la SADC et les autres CER/MR. La Plateforme d’échange interrégional de connaissances sur l’alerte précoce et la prévention des conflits, récemment lancée par le commissaire de l’UA chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité, met clairement en évidence la nécessité pour toutes les CER et les MR de rester unis et de continuer à partager les enseignements tirés de leur expérience. Plutôt que de raisonner de manière cloisonnée, nous devrions penser « Une Afrique, cinq régions, huit CER, deux MR, une voix ».
Nous aurions souhaité davantage de soutien financier et technique de la part de l’UA, en particulier pour les opérations de soutien à la paix. Outre le Fonds pour la paix, nous espérons que l’UA fournira une plus grande assistance à la SADC à l’avenir. Jusqu’ici, l’UA a été un partenaire précieux pour la SADC, que ce soit dans le cas du Mozambique ou de la RDC, cependant des améliorations sont encore possibles.
En outre, les communiqués des sommets de la SADC sont clairs sur certaines questions qui doivent être abordées au niveau continental. Parmi celles-ci, mentionnons la « solution à deux États » pour Israël et la Palestine, le droit à l’autodétermination de la République arabe sahraouie démocratique, la nécessité de lever les sanctions imposées au Zimbabwe et l’importance de finaliser le document sur la stratégie de partenariat de l’UA, qui tarde à se concrétiser.
J’espère qu’un jour les directeurs généraux des CER/MR participeront activement aux sommets de l’UA et aux réunions annuelles de coordination, et qu’ils disposeront d’un temps dédié pour y effectuer des déclarations.